Thomas Bonhoure est le directeur de l’aménagement et du développement économique de l’agglomération de Versailles. Il décrit les nouvelles questions que pose le numérique sur le territoire, notamment autour des enjeux de mobilité et revient sur les clés qui permettront de s’y adapter et continuer au « Politique » de servir l’intérêt général.
Alliancy. Quels sont les principaux enjeux du territoire versaillais en matière de transformation avec le numérique ?
Thomas Bonhoure. Les modèles de la ville évoluent massivement et il est évident que le numérique change tout. Mais ce n’est pas non plus un vase clos. Le numérique pose la question à toute collectivité de sa place et de son rôle dans son environnement. En ce sens, à Versailles, les enjeux sont multiples. Ils sont évidemment politiques, car c’est la capacité du « Politique » à agir, à servir l’intérêt général alors que le citoyen devient aussi un usager de multiples services numériques, qui est interrogée. C’est aussi un enjeu d’infrastructure et de mobilité. Trop souvent on pense que la complémentarité entre les nouvelles mobilités qui surfent sur les opportunités numériques sont forcément complémentaires des services publics traditionnels.
L’expérience nous prouve que cela ne va pas de soi, surtout si rien n’est fait pour les transformer intelligemment. Cette conclusion est le fruit de 3 années de maturation, avec de nombreux travaux, par exemple avec le pôle des mobilités innovantes de Paris Saclay.
Comment comptez-vous répondre à ces préoccupations en 2019 ?
Thomas Bonhoure. Que ce soit en travaillant avec Air Liquide sur les bus à hydrogène, en passant un accord avec Waze, ou en avançant sur les transports autonomes de demain, nous avons dû réaliser un pivot dans notre positionnement et dépasser la simple posture de « service aux citoyens » pour aller vers une véritable approche de développement économique du territoire. Nous ne transformerons pas seuls. Nous devons avant tout créer une dynamique avec tout un écosystème, public et privé. Nous voulons créer des perspectives vraiment différentes. Notre ambition pour l’avenir, c’est donc d’aller vers des sujets comme le transport à la demande ou encore une gestion bien plus fluide des heures de pointes grâce au numérique, avec une compréhension fine des données sociologiques, des contraintes des usagers, d’analyse de leurs comportements… Afin d’adresser des aspects extrêmement concrets de l’expérience quotidienne des citoyens à Versailles.
Comment allez-vous faire ?
Thomas Bonhoure. Cette question pose celle des deux autres enjeux que nous devons absolument adresser : l’enjeu financier et celui du changement de culture pour nos élus et agents. Chacun influe sur l’autre. Il faut trouver des recettes innovantes pour financer de tels projets de transformation du territoire, et pour cela, il faut sortir de la posture traditionnelle de la « commande publique » : nous avons besoin d’autres cordes à notre arc. Bien sûr, nous profitons autant que possible d’une configuration où le territoire se met à disposition des expérimentations et des travaux de recherche structurants et dans ce cadre, la Commission Européenne peut nous aider. Sur le projet Autopilot, c’est par exemple le cas avec 350 000 euros de financement venu de l’Europe. Mais au-delà de la recherche, nous voulons amener des changements de services dès maintenant. Et pour cela, il faut faire l’apprentissage de nouveaux indicateurs, de nouvelles façons de mesurer la valeur, ou encore être prêt à faire du « troc » avec de nouveaux partenaires pour faire bouger les lignes. Je ne crois plus beaucoup aux grands plans d’investissements massifs et indéterminés. La priorité pour Versailles est donc aujourd’hui d’identifier agilement des projets avec une valeur bien définie, et d’être capable de dégager des budgets immédiats pour des mises en œuvre qui vont plus loin que les effets d’annonce et de mode. C’est ce que nous faisons d’ores et déjà, y compris avec des start-up.
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