Olivier Flous (Thales) : « L’innovation sera de plus en plus portée par les plateformes logicielles »

 

Olivier Flous, vice-président Transformation Digitale et Digital Factory de Thales, est intervenu au dîner du Club des Partenaires du numérique le 13 février dernier, qu’Alliancy co-anime. Initiée mi-2017, la Digital Factory de Thales ne cesse depuis de monter en puissance, en vue également de mobiliser l’ensemble des collaborateurs du groupe.

Olivier Flous, vice-président Transformation Digitale et Digital Factory de Thales

Olivier Flous, vice-président Transformation Digitale et Digital Factory de Thales

Alliancy. Quelle est la mission du programme « Digital Factory » du groupe Thales que vous pilotez ?

Olivier Flous. La Digital Factory, aujourd’hui implantée à Paris, Montréal et Singapour [lire encadré], permet d’accélérer la transformation numérique du groupe et de ses clients à travers l’ensemble de ses entités, en appliquant toutes les recettes de l’open innovation et du travail collaboratif. Avec un budget de l’ordre de 50 millions par an, elle mobilise 250 spécialistes des technologies numériques, qui utilisent des méthodes agiles. Notre objectif avec cette structure est de développer des produits très innovants, avec l’aide de start-up notamment, pour le compte des différentes business lines de Thales et de proposer de nouveaux modes d’organisation afin d’innover et d’être capable de créer rapidement de la valeur pour l’utilisateur final.

Auriez-vous quelques exemples à citer ?

Olivier Flous. Parmi la quinzaine de produits déjà réalisés, on peut parler de Soarizon, le AirBnB du drone, qui facilite l’accès pour toute entreprise aux services de drones, tout en simplifiant les processus d’autorisations nécessaires pour le survol des zones visées [150 utilisateurs en bêta test]. Les délais pour les clients passent à quelques jours contre plusieurs semaines auparavant. Un autre exemple : PartEdge, un service en ligne qui permet de livrer aux clients du groupe des pièces de rechange aéronautiques en moins de 24 heures si les pièces sont en stock. Une fois opérationnels, notre défi reste ensuite de transférer ces services ou produits dans les entités d’origine pour mieux diffuser petit à petit notre concept d’innovation dans l’ensemble du groupe. Ce qui nécessite de faire coexister des modes d’organisations plus traditionnels avec des modes d’organisations plus agiles.

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Justement, comment intégrez-vous vos salariés dans ce mouvement de transformation ?

Olivier Flous. Depuis fin 2017, nous misons également sur l’intrapreneuriat pour favoriser la créativité des collaborateurs et leur offrir de nouvelles expériences… Il s’agit soit de faire des « virtual companies », des entités juridiques au sein du groupe avec des salariés qui le restent tout en menant leur projet, soit de créer des spin-off. Ce fut le cas l’an dernier avec l’annonce de l’indépendance de notre première start-up interne, Heropolis, une application collaborative de sécurité au quotidien pour les citoyens. Un autre volet clé pour embarquer les collaborateurs est d’accompagner la montée en compétences de tous sur le sujet du Digital : la culture et les nouvelles façons de travailler, les nouveaux business models et les technologies phares. C’est la mission confiée à la Digital Academy : déployer des formations sur le Digital, innovantes et impactantes, à l’image d’une sensibilisation aux règles essentielles de cybersécurité réalisée en vidéo interactive.

Ces problématiques d’innovation collaborative, tournées vers l’interne ou l’externe, sont finalement très proches les unes des autres…

Olivier Flous. Thales dispose d’un portefeuille très large d’activités et nous sommes en effet convaincus que nous avons l’opportunité de développer de nouvelles offres ou de nouveaux services en mettant en relation des secteurs adjacents au sein du groupe, qui aujourd’hui n’échangent pas encore beaucoup… Nous avons donc un vrai enjeu de coopération interne autour de notre plateforme digitale, dont le rôle est d’héberger tous les nouveaux services déployés partout dans le groupe, au-delà de partager des données avec d’autres acteurs de notre écosystème, type Airbus par exemple…

Nous avons parlé de start-up, de vos pairs, de l’interne… Comment intégrez-vous les PME par exemple, ou d’autres types d’acteurs ?

Olivier Flous. Nous avons toujours intégré des solutions issues de nos multiples partenaires, mais davantage dans une relation client-fournisseur, même si certains travaillent de façon très proche à nos côtés…. Comme nous sommes évidemment en contact permanent avec de nombreux centres de recherche, laboratoires publics ou universités dans le monde.

Finalement, quel est le « lieu d’innovation » le plus porteur aujourd’hui ?

Olivier Flous. Clairement, l’innovation sera de plus en plus portée par les plateformes logicielles, notamment dans le cloud. C’est un lieu virtuel où l’on dispose des API et de divers services pour innover… ouverts à toutes nos entités, mais pas seulement. Notre idée est de donner accès peu à peu cette plateforme à des acteurs extérieurs du monde entier en vue d’héberger des services digitaux issus d’autres entreprises de toutes tailles (y compris des start-up), dès lors qu’elles perçoivent une valeur à venir consommer des données hébergées sur notre plateforme et qu’elles y rajoutent de la valeur. L’économie du digital est une économie de plateforme, ouverte en écosystème, où chacun apporte de la valeur aux autres.

Chiffres-clés du groupe

  • Chiffre d’affaires 2017 : 15,7 milliards d’euros
  • Effectif : 65 000
  • Activités : aéronautique, espace, transport, défense, sécurité.

 

Une co-innovation tous azimuts

Début 2019, le réseau de « Digital Factory » du groupe Thales compte trois implantations : Paris depuis juin 2017, Montréal (Canada) depuis fin 2018 et Singapour pour la zone Asie-Pacifique depuis novembre 2018. Ce dernier site comptera, d’ici à fin 2019, une équipe d’une trentaine d’experts (chercheurs en data science, ingénieurs logiciel, designers, scrum masters et experts en cybersécurité…) qui seront recrutés en interne et en externe. Cet effectif pourrait au moins doubler d’ici trois à cinq ans. Un investissement de plus de 20 millions d’euros sera consacré au développement de cette structure au cours des cinq prochaines années.

Au total, au sein de ce réseau, près de 250 experts spécialistes des technologies numériques cloud, IoT/IIoT, big data, IA et cyber-sécurité… utilisent des méthodes agiles (design thinking, lean start-up, développement logiciel…) pour co-développer des produits innovants en collaboration avec les futurs utilisateurs.

Objectif : délivrer les premières versions de nouveaux services numériques entre 4 et 8 mois afin de tester rapidement leur valeur ajoutée opérationnelle et obtenir le MVP (Minimum Viable Product). A ce jour, 15 MVP ont déjà été délivrés pour la gestion du trafic aérien, la réparation des équipements aéronautiques, la gestion des drones, l’expérience passager dans les aéroports, le trafic maritime ou la maintenance des métros automatiques…

Thales vient, par ailleurs, d’inaugurer un « Innovation Hub » de 1 500 mètres carrés sur son site toulousain, dédié à l’avionique et à la gestion du trafic aérien (près de 1 000 personnes) pour innover davantage et plus rapidement avec des start-up. L’idée, plus prospective, est d’imaginer l’avion connecté, le cockpit et les cabines de demain… et de co-concevoir et co-développer de nouvelles solutions. Déjà 25 start-up de l’écosystème local ont été identifiées et travaillent sur des cas d’application concrets avec Thales. Sur le même modèle, un autre hub suivra sur le site de Thales Mérignac, en périphérie de Bordeaux (Gironde). A Châtellerault également, le groupe vient d’ouvrir un Digital Lab au sein de CSC (centre support client), dont l’objectif est de réduire les cycles et d’améliorer les processus internes en intégrant de l’intelligence artificielle et de la data analyse.

Enfin, le groupe dispose de deux accélérateurs de start-up externes : l’un à Station F sur la cyber-sécurité où ont été accueillies deux promotions de 9 et 11 start-up sur une période de six mois à chaque fois. Le second vient d’ouvrir à Montréal (Centech), dédié à l’intelligence artificielle. Objectif : leur donner un accès au marché, tout en apportant de l’innovation dans les solutions du groupe.

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