Lorsque l’on parle de transformation digitale, il est souvent question de réduire les « pain points » (ou irritants du parcours client). Appliquée au retail, cette démarche a conduit à l’essor du e-commerce. Le commerce traditionnel va-t-il disparaître ou, à l’inverse, devenir l’ultime réservoir de données ?
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Le premier irritant du parcours client résolu par la technologie numérique a été la profondeur de choix. En rendant disponible en ligne l’intégralité de l’offre d’une catégorie de produits (une gageure dans la vente à distance par catalogue), une plateforme comme Amazon – Earth’s Biggest Bookstore à ses débuts –, a contourné le problème du stock en magasin…
Tout en soulevant deux nouvelles questions par rapport au commerce physique : l’exigence accrue du consommateur et la démultiplication des gammes menant à la personnalisation ultime. A l’image de la fabrication sur mesure et « instantanée » pour chaque client que propose la Speedfactory d’Adidas depuis 2017.
La livraison en une demi-heure
Cependant, pour que la promesse du choix infini et personnalisé soit effective, encore faut-il que le délai de livraison ne soit pas rédhibitoire, alors qu’on peut espérer sortir du magasin physique en emportant immédiatement le produit cherché. Ce problème du délai est maintenant résolu grâce aux offres de livraison en une heure et, plus encore, par la livraison par drones (autorisée récemment par la Federal Aviation Administration américaine), qui réduit le délai de livraison à une demi-heure, selon Amazon Prime Air. Ces nouvelles solutions permettent la généralisation de la livraison à des territoires plus diffus, tandis que les serrures « intelligentes » (de son domicile ou du coffre de sa voiture) règlent le problème de la présence au domicile pour la livraison.
Le commerce en ligne souffrait d’un autre désavantage par rapport au commerce physique : la relation client. Souvent difficile sur Internet, elle s’est néanmoins démocratisée grâce au Smartphone, et s’impose dorénavant grâce aux bots informatiques et à leur déclinaison ultime : les enceintes intelligentes. Au passage, en recréant une impression d’humanité dans l’échange, ces dernières technologies viennent gommer un autre reproche souvent fait au numérique : la déshumanisation, incitant à se déplacer en magasin pour échanger, se faire conseiller…
Du côté du commerce physique, il a fallu réagir. Comme il est impossible de disposer d’un stock infini, on devient le point de retrait de son produit personnalisé, parfois via une consigne automatique, en concurrence avec les bureaux de poste. La queue en caisse devient même insupportable maintenant qu’il existe des alternatives… On propose des caisses autonomes, voire un magasin sans caisse. Tout ceci conduit à une perte de différenciation, aux dires des clients qui se plaignent de ne plus rencontrer de caissière en magasin (mais résout un autre problème du commerce physique : l’accès 24 heures sur 24).
« La queue en caisse devient même insupportable, maintenant qu’il existe des alternatives… »
Porter ses achats est également perçu comme dépassé ! La livraison différée, ou en temps réel par robot autonome (comme le TwinswHeel en test actuellement dans un magasin Franprix du 13e arrondissement de Paris), répond à ce nouvel irritant, tandis que le drive voiture ou piéton permet de gagner du temps. Mais se mettre au niveau du Web ne suffit pas. Que proposer pour attirer le client, quand l’expérience de fnac.com elle-même a montré que le conseil des vendeurs n’était plus un argument ?
La culture et l’art à la rescousse
L’avantage de pouvoir toucher le produit, l’essayer, qui était jusqu’à peu l’apanage du commerce physique, est balayé par la possibilité de tester et de retourner le produit sans frais, même si c’est un matelas, pour la start-up Casper, tandis que la réalité augmentée permet d’essayer et de personnaliser des vêtements ou des meubles de chez soi. Alors, puisque le choix, le conseil, la commande, le paiement et la livraison ne justifient plus le déplacement, les magasins se mettent à proposer des « expériences » difficilement accessibles sans se déplacer : atelier avec impression 3D chez Leroy Merlin, maquillage aux Galeries Lafayette, sorties et balades chez Nature & Découvertes… Et si l’univers de la marque ne suffit pas, alors on appelle l’art à la rescousse, comme Adrian Cheng à Hong Kong avec le K11 Musea, un nouveau concept où la culture prime sur le commerce.
Il faut désormais séduire et collecter de précieuses informations comportementales en prévision du moment où, intelligence artificielle oblige, nous délèguerons, via une allocation de budget mensuel, nos choix et nos décisions d’achat à des agents intelligents autonomes. Fiction ? Nos lave-linge LG commandent déjà eux-mêmes leur lessive sur Amazon Dash sans en référer au client que nous sommes. Demain, parions que nos avatars choisiront et commanderont sans nous, grâce à la connaissance qu’ils auront extraite de nos émotions captées en nous invitant dans ce qui n’aura plus grand-chose à voir avec les boutiques de nos grands-parents. Mais en gardera l’essence même : la rencontre !
Biographie
Alain est Advisor & operational disruptor chez AMBORELLA; Member of the Board à l’ETSI (European Telecom Standard Institute ); Auteur pour Forbes, Les Echos, Chroniqueur Alliancy Le Mag, le livre blanc « Privacy Tech »; Former Senior V.P. Digital Strategy, Offers and Partnerships, VEOLIA
Avec Amborella, Alain aide les entreprises à catalyser l’innovation avec une méthode originale : en utilisant les écosystèmes et leur dynamique. Il est également membre du board de l’ETSI, et s’appuie sur sa longue expérience de l’innovation quand il était en charge de la transformation digitale du groupe Veolia.
Alain a plus de trente années d’expérience dans les domaines des Objets Intelligents, de la Protection des Données, de l’Intelligence Artificielle, de la Mobilité Urbaine, des Telecoms, des Medias, de l’Internet et des Applications Mobiles. Il a occupé des fonctions de Direction Générale, Marketing, Business Development et R&D aussi bien dans des groupes de taille mondiale que dans des start-up, a été l’artisan de plusieurs innovations de rupture, écrit plus de quinze brevets et gagné deux prix d’innovation. Alain est diplômé de l’Ecole Polytechnique, de l’école Nationale supérieure des Télécommunications, et auteur d’une thèse en traitement du signal.