Le vice-président de l’Adra, l’Association des directeurs et responsables des achats, revient pour Alliancy sur la prise en compte de la RSE désormais dans les achats.
Alliancy. Les achats responsables sont-ils au cœur des préoccupations des entreprises aujourd’hui ?
Martin de Neuville. La plupart des entreprises, quelle que soit leur taille, ont mis en place une politique d’achats responsables, avec le plus souvent des leviers actionnables. Ces leviers s’intègrent soit dans la partie achats de la politique RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) groupe ; soit ce sont des leviers RSE strictement achats.
Dans ce dernier cas, ces leviers varient d’importance selon l’entreprise… Il y a d’abord tout ce qui est lié à l’insertion et au handicap et la capacité qu’a une entreprise à acheter au secteur adapté et protégé au sens large. Ensuite, on trouve les achats dits « locaux » et la capacité qu’a une entreprise à recentrer ses achats sur un territoire pour y sauvegarder ou développer les emplois par exemple.
Enfin, on trouve les achats eux-mêmes, c’est-à-dire des actions visant à améliorer l’empreinte RSE d’une catégorie : moins de d’emballages par exemple… en vue d’être plus sobre ou moins énergivore… Cela peut passer aussi par la redéfinition de sa supply chain, mais aussi, par le fait d’accepter de payer davantage tel ou tel produit s’il est fabriqué en Europe, etc. Il y a enfin tout le travail qui peut être réalisé auprès des collaborateurs pour une plus grande prise de conscience autour de ces sujets…
Quelles sont les entreprises les plus « actives » dans ce domaine ?
Martin de Neuville. Globalement, le mouvement est lancé ! Toutes les entreprises sont engagées dans un programme de ce type… Leur degré d’implication dépend de la culture propre de l’entreprise, de son secteur d’activité et des impératifs à le faire. Toutes celles en lien direct avec le grand public sont en général plus avancées en matière de RSE… comme les banques par exemple, mais aussi les grandes entreprises publiques telle la Poste ou la SNCF ou même les achats de l’Etat. Elles ont en général commencé par la conformité et sont passées très vite à la RSE. Quelques très grands groupes internationaux ont aussi mis la RSE au centre de leur stratégie.
Concernant plus précisément les achats liés aux numérique ou à l’informatique au sens large, voyez-vous une précision à apporter ?
Le développement d’Internet – avec le mode SaaS en particulier – augmente nettement l’énergie nécessaire pour faire fonctionner nos systèmes. La gestion de l’énergie et le contrôle des serveurs sont devenus deux questions critiques. Par ailleurs, la structure même de nos réseaux de prestataires s’ubérise. Les cascades de sous-traitance souvent organisées autour de grandes ESN font place à de grandes plateformes de services.
Et que cela change-t-il ? Martin de Neuville. La sous-traitance informatique reste encore mal organisée du point de vue du travailleur lui-même. Même si cela s’arrange peu à peu, d’une façon générale, les prestations sont payées tardivement, le travail reste précaire et la dépendance financière des prestataires à leur donneur d’ordres reste forte. Dans le secteur informatique, j’encouragerai donc les intervenants à mettre en place une chaîne d’approvisionnement beaucoup plus saine et des solutions existent. |
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Cela a devrait avoir deux effets positifs du point de vue des sous-traitants. D’une part, ces sociétés ou indépendants seront pris dans un cercle vertueux RSE qui a comme conséquence entre autres, des processus de paiement plus rapides. D’autre part, les travailleurs en situation de handicap dans ces domaines ont un accès clairement facilité au travail.
Face à un « numérique » qui prend de plus en plus de place dans les entreprises, comment évolue votre fonction face à la DSI par exemple, ou aux directions métiers ?
Martin de Neuville. Les achats se définissent comme une fonction support aux opérationnels pour acheter le mieux possible, c’est-à-dire à trouver le meilleur rapport qualité-prix. Un directeur informatique aura tendance à définir un besoin technique « je veux tel système » et un directeur Achats exigera un besoin fonctionnel « Dîtes-moi ce que vous voulez que votre système fasse et je ferai un appel d’offres en ce sens… pour en sélectionner trois, et vous choisirez. » C’est toute la difficulté de la relation entre les achats et ses clients. On peut, sans généraliser à l’excès, dire que la relation achats/informatique est souvent difficile du fait que l’achat informatique est technique. Dans certaines grandes entreprises où le poids de l’informatique est majeur, il y a peut y avoir deux directions Achats
Mais, désormais, de nombreuses directions métiers (marketing, communication, web, commercial…) achètent du numérique et les services achats sont sollicités. Ces problématiques sont encore nouvelles et il est vrai que relativement peu d’acheteurs en comprennent tous les enjeux… Avec la montée du numérique, les achats gagnent en puissance : ils sont de plus en plus présents dans les appels d’offres logiciels ou prestataires. A condition d’être capables de les piloter.
Qu’est-ce que l’Adra ?
L’Association des directeurs (80 %) et responsables d’achats (Adra) a été créée en 2002. Elle vise à fédérer la fonction achats au sein des entreprises privées et publiques, mais également à aider ses 130 membres à promouvoir la fonction vis-à-vis de leurs dirigeants comme vis-à-vis des autres directions de l’entreprise notamment en collectant et diffusant les meilleures pratiques achats auprès de ses membres. L’association est présidée par Sylvie Noël (Covea).