Patrick Johnson, Vice-Président Corporate Research & Science chez Dassault Systèmes, revient sur les conditions qu’il considère idéales pour mener un projet de recherche à destination du monde industriel.
Quels sont les principaux freins à la réussite d’un transfert technologique de la recherche vers l’industrie ?
Patrick Johnson. Il faut bien comprendre les points de valeur différents attendus respectivement par les chercheurs et les industriels qui coopèrent sur ce genre de projet. Dès le début, la principale difficulté est de s’assurer qu’on catalyse une vraie liberté de recherche et d’exploration tout en assurant une valeur pertinente et claire pour des cas d’usages. C’est à dire identifier tous les besoins, les champs d’applications, et les potentiels issus de la recherche. Il faut arriver à se projeter sur une expérience industrielle mais tout en gardant une démarche scientifique de premier plan. Car nous sommes à une ère non plus de produits et de services mais d’expériences.
Il y a bien sur la question de la propriété intellectuelle et industrielle. Les chercheurs ont une prérogative de partage et publication de leurs travaux, et de reconnaissance et évaluation par leurs pairs. Du coté industriel, il y a un besoin de valeur différentiante, qui se traduit potentiellement par une protection. Cela passe là aussi par une discussion très itérative et nous avons recours par exemple à des mécanismes puissants comme les brevets qui permettent une pleine distinction entre auteur et propriétaire. Aujourd’hui ces processus sont devenus pratiques courantes et de plus en plus fluides.
Comment Dassault Systèmes assure l’accompagnement de ces projets de recherche ?
Est-ce à travers ce prisme là que vous avez décerné en 2019 le prix Inria à l’équipe Scikit-Learn ?
Patrick Johnson. Depuis dix ans, le prix de l’innovation Inria – Académie des sciences – Dassault Systèmes met en avant l’excellence de la recherche qui a un impact sur le monde industriel. Ce concours n’est pas seulement réservé aux chercheurs de l’INRIA mais de manière générale, il permet d’assurer une continuité, que cela soit un transfert vers l’industrie ou une création d’entreprise. Nous n’avons pas d’autre volonté dans cette démarche que clairement favoriser et encourager les partenariats publics/privés.
Avec l’ensemble du jury, nous avons décidé de décerner cette année le prix à l’équipe Scikit-Learn, pour reconnaître un apport de tout premier plan sur la scène mondiale de l’intelligence artificielle. Scikit-Learn a développé la seconde librairie d’IA la plus téléchargée au monde et elle est utilisée dans de nombreuses sociétés connues. Je pense qu’il est aussi important de souligner que l’excellence française est à la source des laboratoires d’IA dans le monde. Scikit-Learn représente bien cette excellence scientifique et ingénieriale française.
Le Scikit-learn récompensé
En 2019, les lauréats du prix de l’innovation Inria – Dassault Systèmes sont Loïc Esteve et Olivier Grisel, chercheurs Inria et Alexandre Gramfort, Bertrand Thirion, Gaël Varoquaux, Ingénieurs de recherche Inria. Ils sont récompensés pour avoir développé le logiciel Scikit-learn. C’est la seconde librairie d’Intelligence Artificielle la plus téléchargée au monde, derrière TensorFlow de Google. Son principal objectif est de donner accès à l’apprentissage statistique à la fois pour la recherche et pour la formation. Il est utilisé dans le monde académique mais également par de nombreuses entreprises. Ce logiciel open-source est considéré aujourd’hui comme « la » référence en matière de machine learning en Python, facile à utiliser et fiable..