Les outils digitaux sont-ils le moyen phare pour permettre aux entreprises de s’adapter à la crise ? Laurent Rousset, directeur des opérations digitales du groupe Adecco, a souhaité nuancer cette idée dans un entretien pour Alliancy. Pour lui, la technologie ne suffit pas, c’est bien l’humain et ses compétences qui assureront la résilience de l’entreprise de demain.
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Alliancy. Comment vivez-vous cette crise ?
Laurent Rousset. Au début nous étions tous submergés par ce tsunami. Mais ensuite nous avons fait preuve d’une bonne adaptation et une accélération des usages digitaux dans l’entreprise et en dehors. Nous avions anticipé la demande en télétravail et les outils comme Microsoft 365 étaient déjà présents. Mais d’un seul coup, 100% des collaborateurs en font usage. C’est une prise de conscience sur notre capacité à le faire. Et paradoxalement, les collaborateurs font preuve d’une meilleure autonomie digitale ; il y a moins de demandes de maintenance informatique.
Au-delà du besoin conversationnel, les outils digitaux permettent de renforcer les usages. Nous sommes en train de démontrer que le digital peut pénétrer l’ensemble des actes de la société. Intimement, les gens le savaient, d’après leur expérience personnelle, mais cela devient encore plus une réalité aujourd’hui.
La technologie est donc ce qui permet aux entreprises de surmonter la crise ?
Laurent Rousset. Pas la technologie en soi : ce qui compte c’est enrichir les usages digitaux. Il ne faut pas reproduire à travers un PC ou un smartphone les mêmes usages que dans le physique, mais en réinventer de nouveaux. Chez Adecco nous croyons que la formation professionnelle est ce qui permettra à la société et l’entreprise d’évoluer. Nous avons mis en place des parcours de formation continue dans le cadre de partenariats avec des plateformes de formations en ligne. Adecco Training propose une grande variété de formations : santé et sécurité, management à distance, sensibilisation au digital, et bien sûr l’anglais – qui est indispensable pour comprendre le langage digital. Grâce au e-learning, nous réapprenons à apprendre.
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Nous pensons vraiment que c’est le capital humain qui fera la différence. C’est la base des valeurs de l’entreprise. Il faut donc absolument former les gens et les accompagner dans cette transformation. Car cette dernière est permise si les usages suivent. Chez Adecco nous nous donnons comme mission de permettre à chacun de devenir acteur de sa vie. C’est nos collaborateurs qui doivent porter ces valeurs car c’est un sujet éminemment sociétal. Il n’y a pas de performance économique sans performance sociale et inversement.
Pour vous, la résilience de demain repose sur le capital humain ?
Laurent Rousset. En matière de résilience, la technologie est avant tout un facilitateur. Tout dépend de comment elle est utilisée et mise en œuvre. Si nous mettons simplement des outils digitaux entre les mains des collaborateurs, je ne pense pas que l’entreprise va pour autant devenir résiliente. C’est plutôt l’organisation systémique que nous déployons tout autour. Par exemple, la planification des actions de la journée est nécessaire, avec des calendriers clairs et des prises de contact quotidiennes. C’est tout l’axe managérial qu’il faut revoir : manager à distance c’est quoi ? Quels rituels adopter ? C’est un enjeu de reformalisation de l’organisation dans un contexte particulier. La résilience réside donc dans la transformation des compétences : il faut se former en permanence pour répondre aux défis de demain.
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L’entreprise doit-elle revoir sa raison d’être ?
Laurent Rousset. Les entreprises doivent plus que jamais rester en cohérence avec leur raison d’être et leurs valeurs, sans forcément chercher à les changer ou les adapter provisoirement au contexte. Cette crise nous interroge sur notre manière de consommer, de produire et plus généralement de vivre ensemble. Mais nous ne devons jamais perdre de vue l’essentiel, ce qui fait l’ADN de nos organisations. Par exemple, chez The Adecco Group, ce qui guide notre action c’est de permettre à chacun de devenir acteur de sa vie. Cette conviction reste vraie aujourd’hui, et le sera d’autant plus demain.