La crise sanitaire a tous affecté notre quotidien, au bureau comme à la maison… Mais qu’en est-il du système financier dont la fragilité effraie de nombreux experts dans les médias ? Alliancy s’est entretenu avec Nicolas Méric, CEO de DreamQuark, pour aborder avec lui les solutions pour que les banques et les assurances s’adaptent à la crise économique à venir.
Alliancy. Commençons par un rappel de ce qu’est l’activité de Dreamquark…
Dreamquark a développé un logiciel qui s’appuie sur une intelligence artificielle pour permettre aux banquiers privés d’avoir au sein de leur système de CRM des scores sur leurs clients. L’outil est utile pour savoir quels profils il est nécessaire de prioriser ou alors pour identifier les supports d’investissement les plus propices à être adaptés à ces mêmes clients.
Pour les assurances, notre rôle est davantage de les accompagner sur la relation client et moins sur les opportunités de vente. Il y a par exemple des problématiques de rétention : les assureurs ont besoin de repérer quels clients vont partir et quels moyens mettre en place pour éviter que cela arrive… Nous nous chargeons d’identifier les points de friction que les clients rencontrent et d’optimiser les process pour délivrer une expérience plus fluide.
Ces besoins sont d’autant plus marqués en ce moment car beaucoup de clients mettent en concurrence différents acteurs, parfois étrangers, sur le secteur des paiements ou encore de la gestion de fortune par exemple.
Comment la crise affecte-t-elle l’activité de ces secteurs ?
Le secteur bancaire s’est retrouvé à gérer des centaines de milliers de PGE (Prêt Garanti par l’Etat) en un temps record. Les banquiers ont pour la plupart dû traiter en quelques semaines l’équivalent de plusieurs mois de travail. La demande est forte, mais pas forcément sur les produits habituels. C’est encore plus le cas pour les assurances qui ont souvent rempli un rôle d’accompagnement de leurs clients, notamment sur les questions sanitaires. Ce n’est pas forcément source de revenus, mais cela a occupé une bonne partie de leur temps.
On entend souvent que la « vraie deuxième vague de la crise » sera de nature financière …
Le secteur financier a déjà souffert de la crise que nous traversons. Des acteurs ont dû se séparer de certaines activités, se recentrer sur d’autres, souvent en privilégiant les pays et les activités où ils sont les plus performants. Ils n’attendent pas 2021, c’est bien dès maintenant que les mesures préventives, notamment en termes de fonds propres, doivent être prises.
Les risques à venir sont globalement des faillites. Elles ont des chances importantes de survenir, si elles ne sont déjà pas en cours. Même si certaines banques font de très bon scores en termes de ratio prudentiel – on voit des ratios CET1 au dela de 13 % -, la BCE a quand même demandé aux banques une certaine prudence sur leurs dépenses et de prévoir de mettre de l’argent de côté, étant donné que le nombre de faillites en 2021 va sûrement être important, afin d’eviter la faillite d’un acteur systémique.
Avez-vous confiance dans la résilience des banques françaises ?
Les banques tiennent plutôt la course, en particulier en France car un gros travail en amont a déjà été fait. Nous pouvons tirer cette leçon : d’une part les banques ont été présentes pendant la crise pour aider l’économie et elles sont assez solides pour rebondir. Il s’agit maintenant de faire attention aux dépenses et de se préparer à la phase d’après. Autrement dit, il faut éviter que les entreprises qui ont bénéficié de prêts ne fassent faillite, par exemple en mettant en place des véhicules d’investissement pour investir en fonds propres et ainsi continuer à les aider en renforçant leur bilan plutôt que par le biais de prêts (auprès des territoires par exemple). Puis, il est aussi important d’accélérer la digitalisation. À ce sujet, nous avons remarqué une prise de conscience autour de l’intérêt de l’intelligence artificielle pour piloter son risque et générer de nouveaux revenus. Le secteur bancaire a réalisé de nombreuses progrès ces cinq dernières années en matière de digitalisation, mais il faut avouer qu’il reste encore peu en retard.
Côté assureurs, la majorité des acteurs a compris que c’était nécessaire, qu’il fallait aller plus loin. La question est surtout : “quand ?”. Ce n’est pas forcément à prévoir en 2020 mais quoiqu’il en soit, il faut se préparer à 2021 et 2022 pour accélérer, pour aller plus loin dans l’utilisation du cloud, de l’IA, dans le déploiement massif de CRM modernes… C’est une étape importante à franchir, c’est même une nécessité car la crise a montré que sans ces outils, les banquiers et assureurs auraient eu du mal à tenir. Pour certains d’entre eux, c’est même une question de survie.
Il reste encore des petits acteurs qui n’ont pas encore compris cette urgence, tout simplement car ils sont occupés par d’autres sujets et leurs capacités d’investissements sont plus faibles. Mais les grands acteurs ne sont pas les seuls concernés et ce n’est pas forcément une question de budget. De petits acteurs plus agiles s’y mettent aussi. Il faut pour cela se montrer stratège, rendre son projet compréhensible par les équipes dirigeantes, etre soutenu par le conseil d’administration et embarquer tous les salariés . C’est primordial pour se lancer.
En ce moment toutefois, on ressent moins d’emballement autour de l’IA… Comment l’expliquez-vous ?
Nous sommes arrivés à l’âge de raison de l’IA. Avant, elle était mise à toutes les sauces. Aujourd’hui, elle est plus centrée sur des usages éthiques. C’est notamment dans la lignée de ce qui se passe au niveau de la Commission européenne avec sa proposition d’un « Digital Services Act », visant à limiter les Gafam dans leurs propositions de produits et à obliger plus de transparence de leur part.
Nous pouvons aussi évoquer la publication cette année du rapport de la Banque de France sur la gouvernance des algorithmes dans les banques. En résumé, il y a globalement un usage raisonné : les bénéfices de l’IA pour les métiers sont déjà visibles, notamment en termes de revenus et d’amélioration des process. Mais Il faut tout de même faire le tri sur les offres qui n’apportent pas forcément de valeur. A titre d’exemple, l’IA a permis de grands progrès dans la lutte contre la fraude.
Par ailleurs aujourd’hui, un certain nombre d’acteurs du secteur mettent fin à leur activité ou alors se font absorber. Je pense que cela va permettre de faire le tri et de permettre aux acteurs les plus solides d’émerger.
Quelles sont vos perspectives chez Dreamquark ?
Récemment, nous avons vécu une période de signatures avec de nouveaux gros clients et partenaires, comme Atos. Nous avons coconstruit une offre commune sur le sujet de l’investissement responsable et notre rôle est principalement d’identifier avec notre outil les clients appetants à l’investissement responsable et fonds d’investissement les plus adaptés pour ces investisseurs. C’est une des tendances de fond qui se manifestent déjà depuis un certain nombre d’années. Je pense aux nouveaux supports d’investissement dans des produits soutenables comme la lutte contre les effets du changement climatique et l’ISR (Investissement socialement responsable). La responsabilité environnementale et sociale est de plus en plus demandée. Nous avons aussi levé des fonds l’année dernière et cela nous a permis de renforcer nos produits et nos équipes, notamment commerciales au Royaume-Uni, au Luxembourg, en Suisse et à Singapour.