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Agnès Daoudal est responsable de l’accompagnement du changement au sein de la Direction des ressources humaines et de la transformation de CA-GIP (Crédit Agricole Group Infrastructure Platform), entité qui réunit 80 % de la production informatique du groupe Crédit Agricole. En septembre 2020, l’entreprise a lancé une grande consultation pour imaginer collectivement de nouvelles formes de travail. Agnès Daoudal nous décrit cette initiative et les attentes qui en ressortent en matière d’environnement de travail numérique.
Alliancy. De quel recul dispose CA-GIP en matière d’environnement numérique de travail ?
Agnès Daoudal. Les entités du groupe ont des pratiques différentes quant au télétravail. Pour beaucoup de collaborateurs CA-GIP, le télétravail est une réalité depuis plusieurs années. De nouvelles pratiques sont entrées dans les mœurs ces dernières années mais tout n’est pas encore acquis. Une harmonisation du cadre conventionnel a été réalisée depuis janvier 2020 pour permettre le travail à distance (domicile ou lieu de coworking), jusqu’à deux jours par semaine pour tous les collaborateurs.
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L’application Neo-nomade par exemple, a été déployée pour permettre de réserver une place, gratuitement et sans avance de frais, par les collaborateurs. Cette promesse d’autonomie et cette marque de confiance ont permis de franchir une étape. Avec la crise sanitaire et le confinement du printemps 2020, nous avons vu à quel point il était important pour les équipes RH d’accompagner le collectif dans une nouvelle organisation.
Le sujet se limite-t-il pour autant au télétravail ?
Agnès Daoudal. Non et c’est tout l’intérêt de l’initiative Smart Working que nous avons lancée en septembre, auprès des collaborateurs, de nos fournisseurs stratégiques et de notre école partenaire 3iL. L’objectif est de réfléchir à la façon d’anticiper les changements organisationnels et les nouvelles manières de travailler. Pendant la période de confinement, nous avons perçu une envie collective de faire évoluer les modes d’organisation au sens large. Avant l’été, nous avions pris le parti de « libérer » un peu l’organisation, pour ne pas revenir à des réflexes « préconfinement ». Un questionnement s’est enclenché : comment travaillez-vous avec votre équipe ? Comment pensez-vous travailler autrement avec votre équipe de façon optimum ? Quels modes de fonctionnement paraissent pertinents ?… Avec Smart Working, l’idée est d’aller encore plus loin, en lançant une grande consultation pour véritablement imaginer collectivement nos nouvelles formes de travail physique et numérique de demain. Et cela autour de cinq thèmes : rituels de travail ; espaces et lieux de travail ; attractivité et engagement ; usages et outils collaboratifs et transformation de la relation managériale
Quelle est l’idée derrière ces thématiques ?
Agnès Daoudal. C’est un moyen d’associer les collaborateurs sur tous les aspects de la réflexion. Sur chacun des thèmes, nous nous sommes organisés autour de sponsors et de « dialogueurs » afin de mobiliser toute l’organisation. Des ateliers d’approfondissement, en présence ou à distance, ont permis d’aller encore plus loin sur chacun des aspects. Nous confrontons aussi nos idées avec les bonnes pratiques de nos fournisseurs externes. Comment eux-mêmes pensent-ils leur smart working de demain ? C’est aussi pour ouvrir au maximum le cadre de la réflexion que nous avons embarqué notre école partenaire 3iL, pour considérer les attentes générationnelles en poste aujourd’hui et celles qui nous rejoindront demain. Nous sommes dès à présent dans une dynamique de recrutement de jeunes talents. À partir de l’ensemble de ces informations, nous prioriserons les sujets, avec un objectif de mise en œuvre des premiers projets de transformation dès 2021.
Concrètement, quelles sont les attentes dans la construction du nouvel environnement de travail numérique de l’entreprise ?
Agnès Daoudal. Quand on parle d’environnement de travail numérique, beaucoup de personnes se projettent immédiatement sur plus de télétravail, avec notamment un troisième jour possible par semaine. Mais c’est réducteur, le smart working de demain ne se résume pas à cela. La remise en question est plus profonde. Du point de vue RH, c’est l’occasion d’apporter des services aux collaborateurs et d’augmenter leur performance opérationnelle. Les résultats de la consultation ont fait émerger 37 chantiers potentiels d’action !
Si la grande majorité s’accorde sur le fait que le télétravail est dans l’ensemble bénéfique, le questionnement concerne principalement le rythme et le mode de télétravail à adopter. Les craintes des collaborateurs se concentrent sur l’isolement provoqué et la perte de contact avec les collègues, les complexités de coordination et dans l’apprentissage, ainsi que les difficultés de connexion de certains. Quoi qu’il en soit, le télétravail n’aurait pas pu se mettre aussi bien en place sans des outils de collaboration digitaux de qualité. Les collaborateurs sont dans l’ensemble satisfaits de ces derniers, même s’ils déplorent un souci d’homogénéité et de pluralité. Un consensus est apparu sur le besoin d’identifier clairement les outils à utiliser et pour quel usage : communication formelle et informelle, partage d’informations et de ressources…
Par ailleurs, les collaborateurs sont d’accord pour affirmer que la présence sur site perd de son utilité si ce n’est qu’un « lieu de travail ». En effet, on voit apparaître la volonté de se rendre sur les sites CA-GIP pour se rencontrer et échanger en présence directe de manière formelle ou informelle. L’espace de travail se doit donc d’évoluer vers un environnement disposant d’équipements de qualité favorisant l’échange, plus collaboratif, modulable et agréable pour soutenir le lien social.
Quels impacts peuvent avoir ces attentes sur le socle technologique à utiliser dans l’optique Smart Working ?
Agnès Daoudal. Il y a des défis importants. On voit qu’au niveau outillage il est encore difficile de collaborer de manière fluide. On se retrouve souvent limité, sans « outil miracle » qui permette de faciliter les interactions, tout en permettant de savoir où en sont les projets. Partager l’information efficacement reste incroyablement complexe. Et cela l’est d’autant plus à distance et en asynchrone. Alors comment les logiciels peuvent-ils éviter de nous compliquer la vie sur les sujets de transmission et de consolidation de l’information ? On revient trop vite à l’e-mail ou au téléphone, même quand on a de la messagerie instantanée. En parallèle, la question des « basiques » est importante, de l’écran jusqu’à la connectivité, car c’est la qualité de ce socle IT qui supporte les usages et la satisfaction des utilisateurs. C’est un enjeu alors que l’environnement de travail est plus ouvert et donc moins maîtrisé qu’aujourd’hui. Mais on ne peut pas tout résumer à ça. Nous n’imaginons pas qu’il existe un modèle unique à imposer. C’est d’ailleurs le plus gros risque : il ne faut pas que les outils formatent les usages. Nous devons pouvoir garder la liberté d’une variété de fonctionnements et surtout une capacité d’évolution dans le temps. En fonction des moments de la vie, l’environnement de travail doit pouvoir évoluer de façon à suivre les attentes des collaborateurs, toujours changeantes. L’évolutivité des technologies est donc primordiale.