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Patrick Plein est le DRH de Vinci Energies International & Systems. Il livre sa perception des remises en question auxquelles fait face le métier de DRH dans un contexte d’évolution rapide de l’environnement numérique de travail des grandes entreprises.
Le sujet de l’environnement numérique de travail est-il suffisamment bien pris en compte dans les entreprises aujourd’hui ?
Tout le monde a pu observer des évolutions majeures ces dernières années. Une bascule a eu lieu avec l’évolution rapide de nouvelles technologies et l’arrivée soutenue de nouveaux acteurs économiques « purs digitaux » dont les méthodes ont fait se remettre en question les entreprises plus traditionnelles. Cela a en particulier concerné l’environnement de travail au sens large.
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D’un point de vue RH, l’impact est saisissant. D’abord, sur les enjeux d’attractivité et de recrutement. Une grande entreprise ne peut pas être moins moderne que ce qui est offert aux particuliers en termes d’usages. Cela est devenu un facteur de choix pour qui cherche un poste. En parallèle, l’environnement numérique de travail permet d’accélérer et de simplifier des pratiques et des processus, à la fois métiers ou managériaux. C’est donc un accélérateur de transformation transversale, qui a des impacts sur des sujets aussi variés que la performance ou la fidélisation des collaborateurs.
Quels sont les sujets qui vous paraissent les plus représentatifs de cette évolution ?
Du point de vue des salariés, on ne peut tout simplement plus proposer par exemple de notes de frais papier, de bulletins de paie remis sous enveloppe… Toutes les pratiques habituelles RH sont observées avec attention. Du côté de l’employeur, il apparaît vite que l’environnement numérique de travail permet d’optimiser et de réduire les coûts, avec des gains de productivité potentiellement importants. Prenons la paie : le fait d’avoir des coffres-forts électroniques pour les salariés, fait gagner énormément de temps et d’argent chaque mois pour les gestionnaires. Il y a aussi des optimisations sur les réunions : nous sommes sur Teams, et les gains de productivité sont notables avec des réunions qui commencent à l’heure, qui sont mieux préparées, avec des ordres du jour tenus. Ce ne sont pas un ou deux items qui font la différence, c’est cette somme de très nombreux sujets qui agit au même moment. Sans parler de la consolidation et du partage plus efficace des informations !
À quel point est-ce un changement important pour un DRH ?
Il faut bien avouer qu’il y a encore quelques années l’exploitation des données par les DRH était faite de manière très artisanale. Aujourd’hui, l’environnement numérique de travail permet d’ouvrir des champs nouveaux et nous offrent la possibilité d’investiguer de nouvelles dimensions de notre métier que l’on ne pouvait pas traiter par le passé. Par exemple, et à condition d’avoir des datawarehouses bien organisés, il est devenu possible d’analyser des tendances, des comportements chez les salariés, pour mieux anticiper des enjeux à l’échelle de l’entreprise. Avant, nous avions besoin de temps après une démission pour bien en saisir le sens, alors qu’aujourd’hui, nous nous rapprochons d’une capacité d’analyse en temps réel, voire prévisionnelle. Depuis 5 ans, le métier de DRH est donc bousculé. Il suffit de regarder ce que recense l’association du Lab RH [N.D.L.R. : qui promeut l’innovation RH] sur le marché : plus de 400 start-up RH se sont formées sur cette période ! Les propositions de valeurs sont complètement nouvelles, en termes de management des talents, de développement des compétences, de formation, de paie… Ce ne sont plus les DRH des grands groupes qui donnent le « la » des usages. On ne peut plus fixer ces usages pour les collaborateurs à partir du déploiement d’un SIRH massif, au contraire, nous rentrons dans un foisonnement agile, qui doit s’alimenter de la concertation avec les collaborateurs.
Comment définiriez-vous l’expérience collaborateur proposée aux salariés de Vinci Energies grâce à l’environnement de travail numérique ?
Chez Vinci Energies, et au sein du groupe Vinci en général, nous sommes très décentralisés. C’est un point extrêmement important et visible de notre organisation et de notre culture d’entreprise. En termes d’expérience collaborateur, cela signifie donc qu’il n’y a pas une réalité mais des centaines ! C’est d’ailleurs tout l’enjeu de ce foisonnement agile : savoir s’adapter plutôt que de vouloir définir l’expérience « unique et parfaite » que tel ou tel outil permettrait hypothétiquement d’apporter. Ceci dit, on peut trouver un dénominateur commun entre toutes ces expériences, car du point de vue DRH, la priorité est de se concentrer sur les moments clés de la vie du collaborateur.
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Recrutement, paie, congés, entretiens individuels… L’essentiel est de faire disparaître tous les « petits tracas » du quotidien, qui finalement ne font que le gêner pour exercer l’essence de son métier. En la matière, si le digital apporte, dès la signature du contrat, simplicité et performance essentielle, l’environnement numérique de travail ne se limite pourtant pas à cela. Un entretien de confirmation de fin de période d’essai sera toujours un moment clé de l’expérience du collaborateur. C’est avant tout un acte managérial : il n’y a pas d’outil ou d’environnement numérique qui remplace ce qui se joue précisément à ce moment-là. La qualité de la relation managériale doit être au cœur de l’expérience du collaborateur. Nous sommes depuis quelques temps sortis de l’idéalisme du « tout digital » qui résoudrait seul tous les maux.
Cette vision influence-t-elle vos attentes en termes d’outils digitaux ?
Nos attentes sont assez simples : accéder à des produits standardisés, faciles à déployer à l’échelle, mais qui gardent une part de « customisation » au niveau des usages pour s’adapter à leur diversité. Il faut sortir du poids du tout sur-mesure qui a longtemps prévalu. À partir de là, l’ensemble de l’environnement de travail numérique et toutes les solutions RH associées, doit être évolutif avec le temps sans que cela soit une contrainte pour la DSI ou la DRH.
Le lien avec la DSI a-t-il été réinventé selon vous face à ces évolutions ?
Effectivement, c’est une bascule qui a également eu lieu. La qualité de la relation est devenue bien plus importante qu’avant, où elle était un peu délaissée. Il est clair pour toutes les parties prenantes que nous ne parlons pas la même langue, que nous n’analysons pas l’entreprise à travers le même prisme et surtout, et c’est souvent le plus flagrant, que nous ne sommes pas dans la même temporalité. Mais là où il y a quelques années l’entreprise pouvait encore tolérer des errements dans le dialogue entre les deux fonctions, aujourd’hui cela coince fortement. En fait, on ne peut plus espérer obtenir une expérience collaborateur à la hauteur sans une coopération étroite et intelligente. Le DRH doit apprendre à mieux comprendre la nouvelle réalité des SI et à en parler. Il y a un champ énorme de progrès pour la fonction en ce qui concerne la bonne compréhension du sens et de la philosophie des nouveaux outils. Cette compréhension ne se fera que si le DSI se projette avec le DRH sur le sujet. La mise en place d’un nouvel environnement n’est tout simplement pas mécanique. Au-delà de l’infrastructure et du paramétrage, c’est un sujet mixte de soutien aux utilisateurs, de posture de service dans l’organisation, de déverrouillage des résistances au changement… C’est un travail à faire ensemble. Les DSI et les DRH ont bien évolué sur le sujet. Et pour être honnête, côté DRH, l’effort à fournir demeure important !