Le 17 mars dernier, Alliancy organisait une table-ronde sur la question du recrutement et des jeunes. Un sujet important à l’heure de l’engagement et de la rétention des talents dans une entreprise en pleine mutation.
30 % de recrutement de cadres en moins en 2020 selon l’Apec. Dans ce contexte, l’emploi des jeunes souffre particulièrement. Quelle est donc la situation réelle des jeunes aujourd’hui ? Quelles sont leurs spécificités ? En quoi la crise sanitaire aggrave-t-elle leur situation ? Quelles idées/propositions leur apporter ? Autant de questions auxquelles nos invités ont tenté de répondre à l’occasion de notre table-ronde « Les jeunes et le recrutement ».
2020 été particulièrement difficile pour les jeunes. Pour autant, si les entreprises ne rechignent pas à recruter des jeunes, elles sont confrontées à une vraie problématique d’engagement sur le long terme. C’est pourquoi, d’un côté comme de l’autre, il est essentiel de trouver davantage d’adéquation entre les attentes et les postes proposés.
Pour aborder ce thème, nous avons donné la parole à Jérémy Lamri, CIO de JobTeaser qui nous a présenté le rapport de prospective 2020-2030 réalisé pendant un an en partenariat avec Le Lab-RH et PageGroup, portant sur le recrutement européen des jeunes diplômés. 11 000 jeunes européens et 200 responsables recrutement ont ainsi été interrogés pour tenter de comprendre comment les entreprises et les jeunes allaient devoir s’adapter l’une à l’autre, dans ce nouveau contexte.
« Le premier constat porte sur le décalage entre la notion d’employabilité et la « travaillabilité » : l’employabilité est ce qui permet de répondre aux codes d’un employeur et la travaillabilité est ce qu’il faut pour créer de la valeur. […] [Pour être performant, il faut faire preuve d’autre chose qu’un simple diplôme. Il faut être capable d’adapter son savoir-faire en fonction de la situation. »
En revanche, dans les faits, les entreprises ont du mal à regarder autre chose sur un CV que la formation et l’expérience. Pourquoi ? Parce que ce sont les indicateurs les moins non-fiables que l’on peut avoir en tant que recruteur. La rédactrice en chef d’Alliancy, Catherine Moal, a alors orienté le débat sur la manière dont l’intelligence artificielle pouvait intervenir dans cette logique de recrutement. Un recrutement loin d’être une science exacte : que les biais soient algorithmiques ou humains, il y a toujours une part de discrimination par défaut. Résultat, il n’existe pas de recueil de bonnes pratiques RH aujourd’hui.
Un point de vue partagé par Mathilde Le Coz, directrice des Talents chez Mazars, pour qui l’important est de profiler. Un point clé pour le cabinet d’audit et de conseil financier qui fait face à un fort taux de turnover et recrute en moyenne chaque année 1 000 personnes en France, dont une grande majorité de jeunes diplômés. « L’IA et les nouvelles technologies peuvent nous aider mais restons prudents. Nous avons reçu 60 000 candidatures l’an dernier. Comment les trier pour faire le bon choix ? C’est là que l’IA peut nous faire gagner un temps précieux en valorisant les candidats à rencontrer en priorité, au-delà du seul critère du diplôme. Les outils vont nous permettre de consacrer davantage de temps de qualité à l’humain. Mais on peut aussi se fermer à des profils atypiques plus risqués. »
Le management doit changer
En effet, ce n’est pas parce qu’une entreprise reçoit des centaines voire des milliers de candidatures, qu’elle trouve nécessairement les profils recherchés. Ce que Virginie Lucuron, DRH de Klaxoon, entreprise en hyper-croissance, n’a pas manqué de confirmer. L’entreprise rennaise mise ainsi sur un recrutement différent. « Le volume ne fait pas la facilité. On a toujours des profils pénuriques. Nous poussons donc la cooptation. L’an dernier, ce levier a représenté un quart de nos recrutements. Nos collaborateurs sont nos meilleurs ambassadeurs. Nous regardons peu le diplôme et laissons à chacun la chance de ‘’vendre’’ ce qu’il souhaite devenir. »
Au tour de Patrick Scharnitzky, auteur de Être soi dans l’entreprise, et psychosociologue, d’intervenir. Il a entrepris d’interroger 4 000 personnes dans six grandes entreprises afin de mesurer les stéréotypes inter et intragénérationnels. Il en ressort que nous sommes en réalité face à une révolution culturelle et non générationnelle. Pourquoi ? Parce que « toute la société a envie que le management change, mais il se trouve que les jeunes ont cette audace aujourd’hui de demander et de ne plus subir. Ce qui est passionnant est de savoir comment utiliser cette audace des jeunes et y rattacher tout le monde. »
Les attentes ont évolué, les méthodes de travail également. Désormais, les jeunes sont plus en demande de collaboration que de CDI. Si le salaire compte toujours, ils sont tout autant intéressés par les missions qui leur sont confiées et les équipes avec lesquelles ils vont travailler.
Comment alors faire l’adéquation entre le jeune et l’entreprise ? À Cédric Pelletier, directeur général de Wweeddoo, première plateforme digitale collaborative de projets pour les jeunes, de conclure cette table ronde. « Nous avons lancé cette année avec les écoles et les universités un nouveau dispositif. L’idée est de permettre aux jeunes de développer et de valoriser leurs soft skills. Nous travaillons avec les entreprises sous la forme de mentorat de projet leur permettant d’entrer en contact avec les étudiants sur la plateforme. C’est très formateur et fidélisant, et cela permet d’identifier les talents par leurs soft skills et le projet qu’ils ont développé. »
Dans une seconde partie de soirée, Éric Barbry, avocat associé au cabinet Racine et chroniqueur régulier du media Alliancy, a présenté le calendrier du secteur numérique en 2021 : règlement pour les cookies, 3 ans du RGPD, RDNP (règlement sur les données non personnelles), impact du brexit, projets de loi et directives à venir… Des rappels indispensables à connaître et maîtriser.