Expérience client > Yves Antier (Facom) : « Nous avons réinventé la prochaine étape, digitale, de la garantie à vie »

Le fabricant d’outillage Facom a utilisé une méthode d’idéation originale pour lancer « La garantie qui vous simplifie la vie ». Retour sur un processus collectif avec Yves Antier, VP et GM Global Tool & Storage France et President Facom.

Alliancy. Vous venez de digitaliser le service de garantie des outils Facom. D’où est partie l’idée ?

Yves Antier, VP et GM Global Tool & Storage France et President Facom (Stanley Black&Decker, Etats-Unis).

DR. Yves Antier, VP et GM Global Tool & Storage France et President Facom (Stanley Black&Decker, Etats-Unis).

Yves Antier. Depuis un an, du fait de la crise sanitaire, l’utilisation des outils a explosé que ce soit dans le monde du bricolage, de la construction ou de l’artisanat… Face à ce déploiement, nous avons regardé les solutions digitales capables de nous rapprocher de l’utilisateur final, c’est-à-dire d’augmenter notre trafic qualifié.

En analysant la marque Facom, marque leader de l’outillage en France, nous avons regardé quels étaient les piliers sur lesquels nous avions bâti son succès, pour en définir quatre que sont l’innovation, la qualité et la garantie à vie de ses produits, le catalogue référent et, enfin, notre flotte d’une soixantaine de camions qui circulent partout en France pour mieux servir nos clients.

Vous avez donc un trafic avec l’utilisateur final déjà relativement élevé…

Yves Antier. Tout à fait. Nous réalisons environ 100 000 visites physiques par an dans les garages automobiles, les usines, les grandes industries (aéronautique, nucléaire, énergie…). C’est un vrai trafic, mais qui reste faible car limité à nos déplacements. D’où l’intérêt de regarder comment le digital pouvait démultiplier les interactions avec tous les utilisateurs qui veulent échanger avec Facom… afin également de mieux cibler par la suite nos visites physiques.

C’est pourquoi nous avons choisi de travailler sur un des éléments prioritaires chez Facom qu’est l’échange dans le cadre de la garantie à vie. Notre promesse est simple : si un utilisateur final casse un tournevis ou une pince, il vient chez l’un de nos distributeurs, explique le problème et Facom prend en charge le remplacement de l’outil.

Pour autant, l’utilisateur final passe par un intermédiaire qu’est notre réseau des distributeurs, qui ne tiennent pas toujours la promesse pour diverses raisons… Nous devions donc régler ce point. En parallèle, nous avions fait au sein de l’entreprise, un exercice d’acculturation digitale auquel 200 collaborateurs ont participé. Et, là aussi, le sujet qui leur a paru important de digitaliser, a été la garantie à vie Facom… Voilà comment il y a un an, nous avons lancé ce projet et fait appel à la société Digit’Alce (lire encadré ci-dessous) pour nous accompagner. Elle proposait une méthode d’idéation originale pour passer de l’idée à l’industrialisation.

Facom est la filiale française du groupe américain Stanley Black&Decker (40 000 collaborateurs dans le monde), présent dans l’outillage, la sécurité, l’industrie et le recyclage des matériaux. En France, le groupe dispose de trois usines (Jura, Somme et Doubs).


Jusque-là, quand vous aviez un projet digital, comment fonctionniez-vous ?

Yves Antier. Notre groupe porte les gros projets de transformation numérique du type CRM (Salesforce) ou relation client (Zendesk) que l’on déploie dans les différents pays, et notamment en France. Mais ce sont des projets très structurés à l’échelle mondiale sur lesquels nous avons peu d’impact. Dans le cadre de la garantie Facom en France, nous avions besoin d’une méthode plus agile, impliquant à la fois nous en tant que fabricant, mais aussi les distributeurs et les utilisateurs finaux. La méthode Innove&Scale nous a accompagnés dans la définition du projet au niveau de l’équipe de direction, travail qui a été suivi de séances de co-création avec les utilisateurs finaux et les distributeurs. En quatre jours, nous avions pratiquement dessiné le produit final… que nous avons pu tester à l’aide d’un POC, avant son industrialisation.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Yves Antier. Le projet est totalement opérationnel et, depuis le début de l’année, nous démultiplions le nombre de distributeurs partenaires qui utilisent la solution.

[bctt tweet= »Yves Antier (Facom) : « Pour arriver à une solution digitale satisfaisante, l’idéation, pilotée par un interlocuteur extérieur, a été fondamentale, autant en interne qu’avec les distributeurs et utilisateurs finaux. » » username= »Alliancy_lemag »]

Quel est le processus pour l’utilisateur final ?

Yves Antier. Via notre application, l’utilisateur final prend des photos de l’outil qu’il envoie directement à notre service technique. Dès réception, l’analyse est immédiate et la réponse instantanée. Une fois les produits validés dans le cadre de la garantie à vie, il peut alors choisir le distributeur chez qui il réalisera l’échange. Le revendeur, informé de la demande et de l’outil concerné, prépare l’échange, soit directement sur son stock, soit dès réception de l’outil de la part du SAV Facom.

L’utilisateur final est donc en lien direct avec vous, fabricant. Etait-ce le cas auparavant ?

Yves Antier. Pas du tout. Nous avons réinventé notre modèle en l’inversant pour plus d’efficacité. Aujourd’hui, le seul qui accepte le remplacement du produit, c’est Facom. Le distributeur devient un simple intermédiaire chez qui se rend l’utilisateur final pour échanger son outil en moins de 15 jours. De son côté, le distributeur bénéficie de plus de trafic en magasin… avec lequel il peut réaliser de la vente additionnelle.

« Facom révolutionne la garantie à vie, plus simple, plus vert »

En 2020, près de 1,5 tonne de produits est revenue en « Garantie » dans les ateliers Facom de Morangis chaque jour, représentant environ 500 000 produits par an. 99 % sont échangés ou réparés par une équipe d’une vingtaine de personnes dédiées au SAV. Cette année, le groupe a fait évoluer ce service et lancé « LA GARANTIE QUI VOUS SIMPLIFIE LA VIE ».

 

Pour vous, n’est-ce pas un risque de davantage de demandes de garantie à vie ?

Yves Antier. Certainement, cela peut être plus de demandes… Mais la garantie à vie est une des valeurs piliers de notre entreprise, au prix d’un trafic qualifié énorme. A nous d’analyser ensuite ce qui va se passer et faire évoluer notre offre en parallèle si besoin. En ce sens, il est très important également d’être en lien direct avec l’utilisateur final pour avoir la meilleure compréhension du contexte d’utilisation de nos outils et pouvoir aller au bout de ce que l’on peut faire comme amélioration du produit. C’est un échange d’informations supplémentaires qui alimentera notre base de connaissance sur nos outils.

Qu’est-ce que cette refonte a changé en termes d’organisation pour vos équipes ?

Yves Antier. A travers la méthodologie proposée par Innove&Scale, nous avons échangé en amont avec toutes les parties prenantes concernées, à tous les niveaux. Et, dès le départ, la question de l’emploi a été évoquée : aucun poste ne serait supprimé dans le cadre de cette refonte du SAV. Certaines personnes ont renforcé la partie support et les équipes techniques pour la réparation et le recyclage des produits… Tout le monde s’est totalement impliqué dans le projet et l’on a vu l’engagement de nos collaborateurs comme celui des partenaires de Facom. Ensemble, nous avons réinventé la prochaine étape, digitale cette fois, de la garantie à vie Facom, qui avait été lancée en 1952 pour tous les outils.

La méthode Innove&Scale
de Digit Alce

 

Christian Comtat, fondateur et président de Digit’Alce, ancien dirigeant d’IBM Cloud et Internet des Objets, a mis au point une méthodologie structurée unique en cinq étapes pour passer de l’idéation à l’industrialisation d’un projet. Méthode utilisée par le fabricant d’outillage pour repenser la « nouvelle garantie à vie Facom », aujourd’hui disponible en France avec une montée en charge forte et rapide des distributeurs accessibles sur la solution.

En quelques clics, l’appli permet aujourd’hui l’échange d’un outil en quelques jours, contre 1,5 mois auparavant. « Il faut une démarche progressive et adaptée à chaque étape pour réussir », explique l’expert. L’innovation nécessite de mettre en place des méthodes différentes de ce qui se fait habituellement dans l’industrie. Car ce sont deux mondes qui s’affrontent et qu’il faut réconcilier. A commencer par un alignement stratégique de toutes les parties prenantes du projet. C’est cette méthode que nous avons utilisée chez Facom pour réussir la démarche: depuis l’innovation jusqu’à la mise à l’échelle. »

 

Que s’est-il passé du côté de votre réseau de distributeurs ?

Yves Antier. Nous avons plus de 5 000 distributeurs en France aujourd’hui, dont 3 500 d’entre eux deviendront des point-relais. Plus de 95 % de notre activité se fait à travers ce réseau… Nos liens avec eux sont très forts et cette évolution s’est faite avec eux ! Ils sont le relais indispensable entre nous et l’utilisateur final.

Quels sont vos objectifs désormais sur la garantie à vie ?

Yves Antier. Le trafic qualifié est notre bataille d’aujourd’hui. Nous devons être en contact avec les utilisateurs de nos produits ! Nous devons pouvoir interagir avec eux continuellement en fonction de leurs besoins et leur permettre de le faire également entre eux. Ils doivent tous savoir que Facom est là pour eux, pour répondre à toutes leurs questions. C’est là tout l’enjeu de demain, comme le fait Amazon avec ses clients. A nous d’apporter, via nos partenaires distributeurs privilégiés, tout le support technique et les conseils dont l’utilisateur final a besoin.

Comment communiquez-vous sur cette garantie ?

Yves Antier. Nous avons réalisé des petits films qui expliquent comment la garantie à vie fonctionne, et déployé un nouveau programme de formation pour les distributeurs. Plusieurs centaines sont formées chaque mois. Nous communiquons également sur cette garantie auprès de l’utilisateur final au sein de notre « Facommunauté », dont l’idée pour les membres est de pouvoir échanger avec d’autres passionnés sur les produits, leur problématique, tout comme profiter de nos bons plans.

Quelle suite envisagez-vous désormais ?

Yves Antier. Aujourd’hui, nous regardons comment déployer ce projet « français » dans d’autres pays et d’autres marques au niveau mondial au sein du groupe, avec quelques ajustements car aucune autre marque ne dispose de la même garantie. Mais, des problématiques similaires existent… C’est ce que nous étudions avec notre partenaire.