Nous avons réuni les acteurs du Real Estate pour échanger sur leurs visions des évolutions en cours dans l’immobilier tertiaire. Retour sur un échange riche !
Retour sur l’échange du Cercle des Transformateurs du Real Estate « Transformation de l'immobilier tertiaire face à la crise : révolution obligatoire du bâtiment ou… urgence d'attendre ? »
L’année de la pandémie qui s’achève a eu de lourdes conséquences sur le marché de l’immobilier tertiaire, avec une forte chute des investissements comme des prises de bail. La diversité des modes de travail, l’agilité et la mobilité, autant contraints que souhaités désormais par les collaborateurs et les organisations, accélèrent la remise en question de ce que va devenir l’immobilier d’entreprise. Désormais, accessible et connecté, le bâtiment doit pouvoir offrir à ses usagers un « outil de travail » utile autant qu’accueillant, flexible et performant. Il doit également répondre à des normes environnementales et permettre aux entreprises de porter de véritables démarches bas-carbone.
Pour les entreprises, les défis sont multiples, car elles doivent faire revenir leurs salariés sur les lieux de travail, tout en trouvant le moyen de manager les collaborateurs, tant en présentiel qu’en distanciel. Il faut donc réinventer un modèle, une réflexion autour des usages à laquelle doivent participer toutes les parties prenantes. Reste à savoir pour les investisseurs, jusqu’où aller dans l’accompagnement des entreprises sur ces nouveaux enjeux ?
Sébastien Chemouny, Directeur France - Allianz Real Estate
« Les entreprises sont toujours en chasse de talents et l’immobilier joue un rôle dans ce domaine. Deux forces s’opposent pour l’entreprise : la recherche d’économies et l’attrait de la marque employeur. Les talents décident aujourd’hui… On voit donc que des entreprises font le choix d’implantations dans des métropoles régionales… Elles réfléchissent aussi à leur emplacement dans la ville, comme à la qualité des produits proposés... En parallèle, les entreprises disposent aujourd’hui d’une gamme d’outils digitaux qui leur permettent de modifier les modes de travail. Elles peuvent donc aller vite aussi dans leur réflexion sur leurs besoins et usages. »
Gwennaële Chabroullet, Directrice Générale Adjointe- ARP Astrance
« Résilience et transition environnementale sont au cœur des réflexions désormais, et la place de l’immobilier est capitale dans ces domaines, de l’échelle du quartier aux espaces intérieurs. La crise sanitaire et ses implications en matière de télétravail nous apportent de la matière à réfléchir sur le rapport Management / Espaces / Outils dans les organisations de travail sur le long terme dans les entreprises. Quels sont les bénéfices et l’expérience digitale que peuvent apporter les outils digitaux ? Qu’est-ce qui doit relever de l’expérience physique dans les bureaux ? Quelle qualité des espaces veulent retrouver les collaborateurs dans les bureaux, qu’ils ont trouvé à leur domicile ? Comment tirer le mieux parti de cette expérience soudaine et généralisée du télétravail (ce qui invite à un certain recul nécessaire) pour construire une partition immobilière au service des organisations, des collaborateurs et de la planète. »
Olivier Sellès, Directeur Innovation - BNP Paribas Real Estate
« L’expérience vécue cette dernière année est atypique et non duplicable, mais elle a tout modifié, notamment en termes d’attentes de la part des collaborateurs dans les entreprises. Le manager est donc challengé à la fois entre le distantiel et le présentiel, mais aussi sur les temps de transport. Il faut repenser le lieu de travail, sa localisation… Faut-il des tiers-lieux au plus près des collaborateurs et non un siège social à deux heures de transport ? »
Thibaud Bourdon, Directeur général - CBRE Design & Project
« La crise a fait émerger deux questions fondamentales.
La première émane des collaborateurs des entreprises et porte sur l’usage : « pourquoi venir au bureau ? ». Pour répondre à cette question, à la fois terrifiante et fascinante, les entreprises doivent réinventer la manière d’utiliser le bureau et l’expérience utilisateur.
Comme il n’existe pas de solution toute faite, il y a beaucoup à imaginer et à tester, ce qui explique la montée des aménagements-pilote pour valider en grandeur nature les choix avant de les déployer. Ce qui est certain, c’est que la guerre des talents s’étant maintenue voire amplifiée avec la crise, les entreprises sont obligées de bouger pour continuer à attirer leurs collaborateurs.
La deuxième question émane des investisseurs qui réinterrogent la destination de leurs immeubles pour s’assurer de maintenir leur valeur : le bureau est-elle la destination la plus adéquate au regard des mutations engendrées par la crise ? Il est parfois créateur de valeur de transformer le bureau en logement, en commerce ou en logistique urbaine (deux termes antinomiques il y a encore quelques années !).
Ce double mouvement dont l’immobilier de bureau se retrouve à la croisée est vecteur d’un nombre important de projets et présage d’une mutation inédite du monde des bureaux. »
Romain Frémont, Directeur général - Freo France
« Il y a encore une tension aujourd’hui entre managers et collaborateurs qui s’expriment sur les bienfaits du télétravail et veulent conserver leur espace de liberté… Rien n’est tranché et c’est un vrai challenge pour toutes les entreprises. L’immobilier de bureau doit donner envie aux collaborateurs de revenir. Je ne suis pas certain que le concept de tiers-lieux éloigné d’une vraie centralité et qui arrive en concurrence avec le chez-soi aujourd’hui, soit la meilleure option. Je privilégierais la localisation, la plus centrale et qualitative possible, et les services proposés aux collaborateurs, auxquels les entreprises vont réellement devoir réfléchir afin de proposer des espaces de travail pluriels et attractifs… »
Astrid Weill, Directrice du Développement et des Grands projets - Groupama Immobilier
« Le télétravail change la donne en termes d’habitabilité des bureaux. Toutes les entreprises doivent revoir leurs modes de travail et s’intéresse plus que jamais à la notion de Flex Office. En conséquence, il faut repenser les immeubles existants. Au-delà de la bonne localisation, l’agilité, c’est deux choses aujourd’hui : l’agilité physique (les plateaux de bureaux doivent être adaptables à toutes formes d’usages et toutes envies futures de nos locataires pour les quarante ans à venir) et l’agilité dans la temporalité (le bail commercial doit pouvoir accueillir le turnover de nos locataires, le bail sur une durée infinie c’est fini !). Enfin il faudra désormais penser bilan carbone, les utilisateurs ont désormais intégré les notions de performances environnementales dans leurs critères de choix. »
Benjamin Ficquet, Directeur Property & Exploitation responsable – Icade
« Le télétravail adopté chez Icade dès 2017 a modifié l’équipement mis à disposition des collaborateurs. Chez Icade par exemple, le lieu de travail étant devenu « instable » du fait de la crise sanitaire, tous les collaborateurs dotés d’un même équipement mobile n’ont pas perdu en productivité. C’est alors sur l’usage de nos outils collaboratifs que nous avons fait un bond très rapide cette dernière année pour gagner en performance. C’est aussi la relation managériale que ce new normal questionne. Enfin, nous avons un intérêt crucial à nous servir la technologie en tant qu’Humain au service de l’enjeu essentiel qu’est l’environnement. Nos immeubles doivent répondre à ces valeurs. »
Julien-Walid Goudiard, Head of Project & Development Services France BeNeLux Nordics – JLL
« Il ne faut pas faire de conclusion hâtive sur ce que la crise a modifié. Nous pouvons néanmoins déjà poser des constats optimistes : la création de valeur est enfin appréciée et reconnue par les utilisateurs comme les investisseurs, à la fois en termes économiques, mais aussi en termes d’usages. En quoi un immeuble est attractif et sert les attentes des entreprises qui l’habite ? En quoi un immeuble est responsable (bien-être, résilience, qualité d’espaces, insertion urbaine…) ?
Tout cela renforce l’avenir du bureau, mais nous oblige aussi à être bien meilleurs ! Le bureau n’est plus une donnée d’entrée qui s’impose, mais il doit attirer et avoir une vraie fonction. Il devient un outil pour les managers qui doivent gérer de la performance, attirer et motiver les talents…
Il y a deux types de modèles qu’il faut faire converger, comme l’a fait l’industrie hôtelière en adressant tout à la fois les murs et les opérations. Là où l’on avait des approches en silos, on voit des modèles très flexibles se mettre en place, autour des « communs » d’un immeuble, multifonctions et ouverts sur la ville par exemple.
Enfin, tout le monde se retrouve sur le plus grand défi : la frugalité carbone et les réponses à apporter face au changement climatique. »
Jean-Claude Bassien, Directeur général délégué Nexity Solutions Entreprise – Nexity
« Le temps de l’immobilier par nature est un temps long. Et cette crise impose, et plus que jamais, de prendre de la distance ! On ne sait pas encore ce qui va réellement s’imposer dans les entreprises en termes de modes de travail et d’adaptabilité des espaces. La productivité par exemple va continuer à être vérifiée de manière objective… Tout le monde veut du résultat ! A un moment, on va tous sortir d’une situation exceptionnelle pour rebasculer dans le quotidien. Certes, de manière différente, mais on n’a pas encore tous les éléments pour en juger. Les entreprises ont des contraintes économiques, d’organisation mais aussi, des contraintes contractuelles… La vraie question est que sont rationnellement les conséquences que l’on tire en termes de stratégie immobilière ? Comment réorganise-t-on le schéma directeur immobilier ? Comment nous, promoteurs, allons-nous renouveler notre offre, quelle flexibilité peut-on permettre dans nos murs ? De même, faire du bâtiment bas carbone ne se décrète pas… Il faut le traduire dans la réalité. »
Henry-Aurélien Natter, MRICS, Responsable Recherche - Primonial REIM
« Même si le marché immobilier a résisté, les investisseurs ont préféré adopter une attitude prudente, en optant pour le « flight to quality » en privilégiant la localisation des actifs et la résilience des locataires. D’autre part, nous pensons qu’il est encore un peu trop tôt pour quantifier l’impact réel qu’aura le travail à domicile sur le marché des bureaux dans la décennie à venir, notamment en raison du développement des tiers-lieux. Une chose est certaine : il est apparu aux yeux de tous que l’environnement de travail physique et collaboratif contribue au bien-être des salariés et constitue un lieu stratégique pour faire vivre la culture d’entreprise. Les marchés des bureaux bien localisés semblent aujourd’hui les mieux positionnés pour le cycle actuel aussi bien en termes de valeur, de revenus que de liquidité. En zone euro, on voit que Paris et Berlin occupent une place de choix pour les investisseurs. A l’inverse, certaines métropoles régionales et marchés secondaires ont connu des décompressions entre fin 2020 et début 2021. »
François Dutilleul, Président - Rabot Dutilleul (Nacarat)
« Il faut distinguer ce qui relève des tendances de fond et des effets de mode et actions à trop court terme. Le mouvement actuel crée des opportunités de marché, à condition d’être souple et agile en cette période d’incertitudes. Quelle porosité va s’installer à terme dans les usages entre le bureau et le domicile ? C’est une vraie réflexion à avoir. On voit aussi de plus en plus de projets de reconstruction (de la ville sur la ville) et de transformation d’usage/rénovation d’ensembles immobiliers… qui font appel à de nouvelles compétences et qui donnent aussi matière à mettre en valeur nos différents savoir-faire en stratégie immobilière et en rénovation énergétique de bâtiments. »
Xavier Perrin, VP Global Real Estate - Schneider Electric
« Je suis arrivé en avril 2020 à ce poste et j’ai vécu très vite le télétravail contraint. Avant je travaillais chez Microsoft où le flex office et le télétravail était largement pratiqué. J’ai donc pu voir une évolution dans la façon dont les choses ont évolué. La crise sanitaire a permis d’acter finalement que tout ce qui paraissait impossible est devenu possible, y compris en Chine. Du jour au lendemain, tout ne va pas changer, mais à long terme, c’est possible que tout change. La technologie, autour des outils collaboratifs, avance également très vite et cela aura un impact sur notre façon de consommer l’immobilier. Toutefois, faire société, donc venir au bureau, reste très important. On l’a tous constaté ces derniers mois. Il faut donc repenser nos organisations, nos modes de travail… Il n’est plus nécessaire de passer des heures dans les transports. La question de là où l’on veut vivre prend tout son sens… C’est toute la réflexion que nous menons avec Icade pour concevoir le nouveau siège social parisien de Schneider Electric, dont l’ouverture est prévue pour 2025, avec un maximum de flexibilité. On pense pouvoir diminuer nos actifs commerciaux à terme, et ce de façon tout à fait objective grâce à la data, sachant qu’en 2025, nous voulons être zéro net carbone dans tous nos immeubles ! »
Lionel Merck, Directeur commercial France Real Estate - Schneider Electric
« En sortant des concepts, ce Cercle des acteurs de l’écosystème des transformateurs de l’immobilier nous permet d’échanger sur nos défis communs et de partager nos expériences autour de sujets opérationnels comme la digitalisation, la neutralité carbone, l’économie circulaire, la flexibilité, la résilience des bâtiments… Des enjeux majeurs à ce jour dans les entreprises qui amènent toute la problématique de la collecte et de l’usage de la data. »
Nous remercions nos invités pour leur présence à cet échange et pour s’être prêtés au jeu du partage, ainsi que notre partenaire, qui a permis son organisation.
Retrouvez plus d’information sur le Cercle des Transformateurs du Real Estate Alliancy ici : https://www.alliancy.fr/cercle-transformateurs-real-estate
Le Cercle des Transformateurs du Real Estate est animé grâce au soutien de Schneider Electric.