Chez Enedis, la DSI et les directions métiers nationales apportent soutien et conseil méthodologique aux projets innovants menés par les collaborateurs en régions. Des projets essentiellement orientés vers l’optimisation de l’efficacité opérationnelle.
Cet article est extrait du guide Les défis d’un nouveau monde à télécharger « Relation IT/Métier : quelles priorités en 2021 pour muscler son agilité… à l’échelle ? ».
Comment sont organisés les métiers et la DSI chez Enedis ?
Claire Waast-Richard : Chez Enedis, nous fonctionnons dans un mode que je qualifierais de « tripartite », composé de la DSI nationale, des métiers nationaux et des métiers situés au sein des directions régionales. Au niveau national, les métiers définissent la stratégie, cadrent les transformations qu’ils veulent conduire et jouent un rôle d’animation et de prescription. Quant aux métiers des directions régionales, ils mettent en œuvre la stratégie et sont en lien avec les collectivités et les réseaux de distribution. Ils constituent en quelque sorte nos utilisateurs internes.
De quelle autonomie IT / digitale les métiers disposent-ils ?
C. W.-R. : Si nous prenons l’exemple du compteur Linky, il n’y a pas à proprement parler d’autonomie possible pour les métiers, qu’ils soient nationaux ou en région. Il s’agit d’une énorme « machine » qui applique des processus très cadrés. En revanche, nous voyons naître des innovations digitales sur des sujets dont le périmètre est plus restreint et dont le but est d’améliorer les performances souvent dans le cadre de spécificités régionales. Des apps ou web apps se focalisent ainsi sur une partie des processus et proposent des simplifications. Des projets se créent également pour croiser des données et monter des tableaux de bord permettant un pilotage plus fin de l’activité.
La plupart des innovations proposées sont réalisées dans un objectif de plus grande efficacité opérationnelle, mais on commence aussi à voir des propositions de valeur sur d’autres sujets plus en lien avec la Transition Ecologique. Pour celles qui touchent toutes les régions, elles figurent souvent dans la to-do list des équipes de la DSI mais pas forcément dans le timing attendu par les régions. Il faut également mentionner que l’entreprise donne une forte impulsion à ces innovations à travers notamment l’organisation de prix internes récompensant les meilleurs projets.
Pour aller plus loin : Retour sur l’échange digital « Relation IT/Métier : quelles priorités en 2021 pour muscler son agilité… à l’échelle ?»
Quelles sont les conditions de la réussite de ces projets ?
C. W.-R. : Pour que tout cela fonctionne correctement, il faut être en capacité de travailler en confiance et en collaboration, avec les trois parties dont je parlais précédemment : la DSI nationale, les métiers nationaux et les régions. Pour réussir à travailler tous ensemble, le point principal n’est pas forcément l’agilité car nous sommes déjà, à 99 %, en mode agile au sein de la DSI et nous travaillons déjà sur des temps ultra-courts.
Le point central est la capacité à co-construire. Les utilisateurs doivent être impliqués dès la conception d’un produit afin que les choix et arbitrages réalisés au cours du projet débouchent sur un réel usage du produit fini. Le pire est de concevoir un SI sans liens avec les utilisateurs et avec tellement de fonctionnalités qu’il n’est finalement pas, mal ou trop peu utilisé. Et réciproquement, nous devons être en capacité de faire remonter les bonnes idées venant des régions pour les intégrer à notre backlog.
Cette dynamique est-elle prise en compte au plus haut niveau de la gouvernance ?
C. W.-R. : La Présidente du Directoire d’Enedis, Marianne Laigneau, a lancé dès son arrivée en 2020 un projet d’entreprise intitulé « Projet industriel et humain 2020-2025 ». Ce dernier inclut un lot relatif à la satisfaction des utilisateurs au regard des outils numériques qu’ils utilisent au quotidien. Nous avons constitué des groupes de travail avec les régions et les fonctions centrales pour co-constuire ce programme. Le principal enjeu est notre capacité à travailler ensemble, à s’écouter, à mieux connaître les contraintes de chacun.
Il faut pour cela mettre en place des modes de fonctionnement permettant à chaque partie de ne pas avoir l’impression de perdre son cœur de mission. Une fois ces modes de fonctionnement établis, nous pouvons travailler sur les leviers permettant de réduire les motifs d’insatisfaction liés aux produits numériques fournis aux collaborateurs : suppression des saisies multiples, sessions de formation pour combler des manques tout au long de la durée de vie des SI mais aussi fourniture d’informations fiables in-situ aux collaborateurs qui interviennent sur le terrain, faire des analyses d’urbanisme d’usages pour bien comprendre le quotidien numérique des utilisateurs et travailler à le simplifier.
Dans quelle mesure la DSI doit-elle se questionner pour que cette capacité d’innovation des métiers reste une force ?
C. W.-R. : La donnée dont nous disposons en interne est extrêmement riche. Si vous voulez permettre son exploitation par ceux qui la connaissent le mieux, à savoir les collaborateurs présents sur le terrain, vous devez certes disposer d’un datalake et de datalabs, mais vous devez aussi et surtout accompagner les régions dans leur montée en compétences. Cette montée en compétences est à la fois méthodologique (réflexion autour des cas d’usage par exemple, mais aussi sur la qualité des données, sur les biais que peuvent engendrer les traitements…) mais aussi technique, à travers notamment la mise à disposition d’outils low code pour avancer plus rapidement sur les projets.
Cela implique une vraie transformation des SI car cette façon de travailler nécessite de développer des web services et donc des API. Ces dernières peuvent être des API de données mais aussi des API correspondant à de vrais services, comme, par exemple, la collecte du consentement du client. Certaines innovations en région ayant besoin de ce genre de services, l’API doit être accessible facilement, tout en garantissant la sécurité des échanges.
Il est donc très important, pour favoriser l’innovation, d’anticiper les besoins en nouvelles API, tout en maîtrisant l’urbanisme et les coûts associés à ces développements. C’est un véritable défi pour le SI d’une entreprise telle que la nôtre qui s’est construit dans le temps, certaines parties de SI existant depuis plusieurs dizaines d’années, d’autres étant plus jeunes. Au quotidien, le SI d’Enedis est une très grosse machine qui sert 40 millions de clients externes et 40 000 clients internes.
A l’inverse, quels sont les axes d’amélioration côté métiers ?
C. W.-R. : Pour que les projets puissent se dérouler de manière idéale, c’est-à-dire en favorisant la communication, la collaboration et la co-construction, tous les acteurs impliqués doivent être convaincus que les anciennes méthodes de type « client / fournisseur » n’ont plus de raison d’être. En mode agile, en mode scrum, les parties trouvent ensemble les bons compromis, décident de ce qu’elles font en fonction de priorités bien établies et claires.
Cela signifie que, pour mener leurs projets de transformation, les métiers nationaux doivent se comporter en véritables product owners. A ce titre, ils ont une responsabilité, animent un collectif, construisent les transformations avec les concernés, impliquent les utilisateurs, gèrent les priorités pour respecter le cadrage budgétaire. Ce n’est pas toujours évident à appliquer car les référentiels de gestion de projets (hors DSI) sont, au sein d’Enedis, des référentiels plutôt de type « cycle en V ». C’est un système qui fonctionne bien mais dont certaines pratiques, dans la modalité de travail, doivent évoluer.