A l’occasion du salon Big Data à Paris ce mardi, Aïssa Belaïd (Engie), Cynthia Traoré (Swiss Life France), David Giblas (Malakoff Médéric) et Jérémie Guez (Bnp Paris Personnal Finance) ont participé à une table ronde consacrée à leurs stratégies data. Signe de leur maturité : tous reconnaissent aujourd’hui avoir affiné leur vision “cloud hybride” pour mieux mettre leurs données au service des utilisateurs finaux.
Le recours au Big Data suppose un vaste panel d’innovations et d’outils qui vise à rendre la gestion des données plus agile. Algorithmes, intelligences artificielles, machine learning… toutes les entreprises cherchent à dompter ces technologies tout en assurant, dans la mesure du possible, une plus grande granularité dans l’appréhension de leurs données.
Les cas d’usage en première ligne
“Aujourd’hui on mesure le ROI de la moitié de nos use case… car certains métiers ont un peu de mal à intégrer cet indicateur dans leurs habitudes et exploiter les use case finaux au maximum de leur potentiel” précise Cynthia Traoré, Responsable DataLab de Swiss Life France. Elle martèle à plusieurs reprises la notion de cas d’usage pour justifier le lien entre objectifs fonctionnels et besoins opérationnels. C’est en ce sens que depuis l’été 2018 Swiss Life dote ses conseillers commerciaux d’un chatbot nommé Aida qui les aide à mieux connaître leurs clients.
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“La datascience dans un projet c’est 10% de l’effort, 20% de data et 70% du ‘change’ et de l’IT…”, assure David Giblas, Chief Innovation, Digital and Data Officer de Malakoff Médéric. Une vraie transformation data c’est l’hybridation du métier”. Par hybridation il entend que les technologies d’analyse de la data doivent augmenter les métiers sans les remplacer. Le processus ne s’arrête donc pas à la phase de production, et plus particulièrement dans le domaine du machine learning assistant la modélisation des risques.
En termes de méthode, David Giblas défend le principe de “focalisation” : il fixe 3 “use cases” à la fois pour son équipe de 30 personnes. Celle-ci doit alors détecter les solutions du marché les plus innovantes, notamment au cours d’une phase de 3 mois d’exploration de potentielles “startup licornes”. Ensuite 3 mois d’incubation doivent prouver un “output crédible pour les métiers”, soit une capacité d’intégration et d’industrialisation.
C’est aussi ce que partage Cynthia Traoré qui soumet un algorithme au métier afin de “le tester et parfois montrer ses limites, prouver qu’il a tort”. Une phase de “bizutage” qui participe à l’accompagnement au changement. Enfin, ce n’est qu’à partir du moment où les métiers deviennent convaincus de l’intérêt du cas d’usage que la solution peut être industrialisée.
“On sait faire de la data et pour autant, il y a rarement de ‘use case’ disruptifs”, constate pour sa part Aïssa Belaïd, Lead Big Data & Analytics d’Engie. Il faut travailler sur la culture de l’échec en entreprise… Par exemple, le cloud a permis de décomplexer mes équipes vis à vis des échecs”. Il soulève la nécessité d’une “pédagogie des métiers” afin de rendre la technologie réellement utile à l’entreprise. Une “culture de l’échec” à la française que les entreprises vivent à tort comme un “drame” mais qui doit être surmontée autant dans les métiers qu’au niveau du Comex. Plus généralement, cet exemple montre que la perspective “data” doit également être cohérente avec la stratégie cloud adoptée.
Des stratégies cloud à la carte
En effet, en réponse à l’arrivée de ces solutions plus ou moins disruptives, la gouvernance des données doit s’adapter selon la complexité des systèmes d’information de plus en plus hybrides. Les stratégies cloud sont profondément contraintes par les caractéristiques propres aux entreprises : architecture et infrastructure SI, masse de données engrangée et spécificités métiers.
Les banques et assurances, par exemple, expriment un besoin en termes de sécurisation des données sensibles. “Quand on déploie de l’IA de manière industrielle dans l’entreprise, la confiance dans notre maîtrise et notre contrôle est essentielle..” précise David Giblas. Cette attente de maîtrise s’avérant primordiale du point de vue des utilisateurs.
Le chef du DataLab de Bnp Paris Personnal Finance Jérémie Guez confirme ce point. Il opte lui pour un hébergement strictement privé des données client. En revanche certains des data centers de son entreprise sont gérés par des fournisseurs de cloud public comme IBM, qui, depuis la signature d’un accord fin janvier, reprend l’hébergement des services de banque en ligne.
Hébergement privé et cloud public coexistent donc au service des clients. Tout dépend du degré de sensibilité des données. Cynthia Traoré par exemple précise que “le cloud public offre plus d’agilité et de rapidité pour tester des solutions”. Swiss Life dispose d’une architecture essentiellement “on-premise” mais lorsque les données sont “moins sensibles”, le groupe considère que recourir aux grandes plateformes est un atout d’efficacité pour l’expérimentation.
De son côté, depuis 2015, Engie est l’un des premiers groupes du CAC 40 à adopter une stratégie cloud-first. Au fil des années, l’énergéticien tend vers du multi-cloud en choisissant son fournisseur – tel que Microsoft Azure et Amazon AWS – en fonction des besoins de ses métiers. Un caractère hybride et complexe du système d’information qui nécessite “un fort travail d’ingénierie” comme l’expliquait Gérard Guinamand, Chief Data Officer du groupe (poste créé en mai 2018), à Alliancy début février.
Toutefois, Aïssa Belaïd confie ses craintes vis à vis des retombées des lois antitrust sur l’intégrité des données. Signé il y a un an par le Congrès, le Cloud Act permet aux forces de l’ordre ou aux agences de renseignement américaines d’obtenir des fournisseurs de services de Cloud computing des informations stockées sur leurs serveurs. Il pointe aussi le risque de “se voir déposséder de son rôle de gestion de la data”, dès lors qu’un tiers, “souvent américain”, prendrait l’ascendant sur les data scientists en interne. C’est au regard de ces aléas que les entreprises ne perdent pas de vue la gestion privée ; jouant sur le terrain de l’hybridation pour trouver la meilleure stratégie de gouvernance de la data.