Le secrétaire d’État chargé du Numérique Cédric O a tenu ce mardi une conférence de presse pour faire un état des lieux de l’application StopCovid lancée en début de mois. Si l’application peine à convaincre les Français, l’écosystème public-privé autour du projet reste convaincu du potentiel technologique de StopCovid pour combattre l’épidémie.
S’il y a bien une seule formule qu’il faut retenir quant à l’application StopCovid, c’est qu’elle “n’est pas un outil magique”. En choisissant ces mots, le secrétaire d’État chargé du Numérique Cédric O a souhaité d’emblée poser le cadre à l’occasion d’une conférence de presse pour faire le point sur StopCovid, un mois après son lancement.
Et pour cause, si la “période de tests reste satisfaisante” avec 1,8 million d’activations, les Français sont aussi des dizaines de milliers à désinstaller l’application chaque jour ; portant le chiffre à plus de 460 000 sur la même période. Résultat : seules 68 personnes se sont déclarées porteuses du coronavirus et 14 ont reçu une notification de risque de contamination. Des données que Cedric O justifie par l’effet du déclin de l’épidémie et “une baisse d’inquiétude’ des Français.
Comment fonctionne l’application ?
Pour pallier le taux d’adoption très faible de Stop Covid (environ 2% de la population au 22 juin), le secrétaire d’Etat assure vouloir mener des “enquêtes de terrain” pour comprendre les mécanismes sociologiques qui définissent l’interaction des utilisateurs avec l’application.
Deuxième vague et zones rouges
Ces chiffres ne découragent pas Cédric O qui rappelle l’intérêt de ce type de solution alors que le Conseil scientifique partageait lundi ses craintes vis à vis d’une seconde vague épidémique. Pour lui, il faut continuer de promouvoir Stop Covid dans le but d’assurer un meilleur suivi de l’évolution du virus et compléter les informations dans le cadre du logiciel Sidep (système d’information national de dépistage du Covid-19).
“L’épidémie n’est pas terminée, nous identifions de nouveaux cas groupés chaque jour, a tenu à compléter Maurice-Pierre Planel, directeur général adjoint de la Santé. Stop Covid est un rempart supplémentaire contre le virus et il permet de gagner du temps”. Il reste plutôt optimiste quand à l’intérêt futur de la population pour l’application, notamment à Paris où le déconfinement augmente drastiquement l’afflux des personnes dans les transports en commun.
Vittoria Colizza, directrice de recherches à l’Inserm, pousse le raisonnement en affirmant qu’il “faudra expliquer que ce taux d’adoption va être nécessaire pour stopper l’épidémie et remonter la chaîne de transmission”. Chose en pratique impossible dès lors que des personnes qui ne se connaissent pas se croisent dans les lieux publics et les supermarchés.
Plus encore, StopCovid est considéré comme crucial pour la gestion de l’épidémie dans les zones encore en alerte rouge et orange, notamment au sein des territoires d’outre-mer. En Guyane par exemple, le souci principal reste encore de rendre l’application plus accessible et de faire de la pédagogie sur l’utilisation du QR code en particulier auprès des médecins traitants. L’idée étant de s’en remettre au corps médical présent sur place pour pallier la fracture numérique qui touche la Guyane.
De nouvelles mises à jour techniques
Malgré les faiblesses de StopCovid, plusieurs mises à jour sont envisagées. Et lorsque les journalistes demandent des détails techniques, Cédric O s’en remet à Bruno Sportisse, président-directeur général de l’Inria.
“Stop covid est un objet qui bouge, qui est vivant”, explique-t-il. “Nous envisageons par exemple d’inclure les objets connectés pour ouvrir Stop Covid à d’autres types de terminaux que le smartphone.” Bruno Sportisse a ensuite passé en revue les différentes briques technologiques ajoutées au projet comme une nouvelle solution captcha pour vérifier que les utilisateurs sont bien humains. Un “captcha souverain développé par Orange” pour se passer de celui proposé par Google.
En effet, l’objectif est clairement affiché de montrer que la France est en mesure de se passer des géants technologiques pour déployer son propre système et éventuellement donner l’exemple pour le reste de l’Europe.
L’Inria a notamment mis à jour son protocole Robert avec un nouveau, intitulé Désiré. Concrètement, le nouveau protocole permettra de créer un seul identifiant pour caractériser la “rencontre” entre deux smartphones pendant quinze minutes. Ainsi le traçage numérique via smartphone et bluetooth ne change pas, assure Bruno Sportisse, ni le modèle centralisé et souverain du stockage des données. Mais avec Désiré, l’Inria espère tendre vers une possible interopérabilité européenne, tout en maintenant l’indépendance vis à vis de lois extraterritoriales.
Une “Équipe de France” soudée
Cédric O a tenu à féliciter ses partenaires comme l’Inserm, l’Institut Pasteur, l’Anssi, la Direction générale de la Santé et enfin l’Inria, qui a “travaillé jour et nuit pour assurer le déploiement en moins de deux mois”. Une “Équipe de France” qui selon lui permet aujourd’hui de proposer une alternative centralisée et viable pour faire face à la domination des Gafam sur les infrastructures cloud. Une déclaration qui fait écho au rétropédalage de l’Allemagne fin avril sur le principe d’une instance unique de centralisation des données – isolant alors l’Hexagone comme seul défenseur du modèle en Europe.
“La facilité aurait été de se décharger auprès d’acteurs numériques non européens, affirme Guillaume Poupard, directeur général de l’Anssi. Mais sur des sujets aussi graves que la santé, nous risquons de perdre la maîtrise sur notre destin”.
La semaine dernière, la commissaire européenne chargée du numérique et de la concurrence Margrethe Vestager reprochait à la France de tenir sa position vers un modèle non compatible avec les applications décentralisées déployées chez ses voisins. Cédric O s’est pour sa part cantonné de rappeler “l’absence d’interopérabilité européenne entre les systèmes de santé” et a suscité son intérêt pour le groupe de travail eHealth Network initié en mai 2012 par la Commission Européenne pour étudier la faisabilité d’un tel projet.