Ouvert en 2006, le Technocentre d’Orange est « l’usine à marketing produit et design » du groupe français. Il se situe au cœur d’un large écosystème de lieux et d’initiatives qui doivent concrétiser la vision de la société à horizon 2020. Parmi eux, Orange Labs, Orange Vallée, les programmes Orange Fab et Lab Explorer, la Villa Bonne Nouvelle et (bientôt) une cité de l’innovation… Suivez le guide.
Crédit photos : Orange / Pixience / Fotolia
Il ne pouvait en être autrement. L’innovation était au cœur du show d’Orange tenu, fin mars, face à la presse et aux investisseurs au Grand Palais de Paris. Stéphane Richard, le PDG du groupe y a détaillé le plan Essentiels2020, qui positionne les axes de développement du premier opérateur français pour les 5 ans à venir. L’amélioration drastique de l’expérience client sera le cheval de bataille d’Orange certes, mais le groupe veut également développer de « nouveaux métiers » autour de l’Internet des Objets et des moyens de paiement mobiles, sujets incontournables de la décennie. Pour parvenir au milliard de chiffre d’affaires attendu dès 2018 sur ces nouvelles activités, l’opérateur compte s’appuyer sur son solide écosystème d’innovation mais également s’ouvrir un maximum : 500 start-up devraient être accompagnées par le groupe au niveau mondial dans les 5 prochaines années.
Le Technocentre d’Orange regroupe près de 500 personnes dédiées à la conception et au design des nouveaux produits de l’opérateur. Au côté des sites de Londres, Abidjan (Côte d’Ivoire) et Amman (Jordanie), la structure est présente à Châtillon au sud de Paris, dans un bâtiment de 6 étages. Les experts du Technocentre doivent traduire concrètement la vision du groupe, qui se voit aujourd’hui autant comme un « opérateur de l’ère Internet » que comme un opérateur télécom. Le pôle est organisé avec des séries d’open-space accueillants, à l’ambiance tranquille, parsemés de lieux de rencontre permettant aux collaborateurs de s’isoler ou de mener leurs réunions. Partout, des produits – passés, présents ou futurs – s’empilent sur les bureaux et les étagères. Le Technocentre en produit 200 par an, destinés à plus de 30 pays. « Les équipes sont mixtes, avec des responsables projets, des responsables techniques et des designers… tous ne dépendent théoriquement pas de la même hiérarchie, mais tous partagent le même objectif : apporter sa valeur ajoutée au produit conçu » explique Thibault de la Fresnaye, vice-président en charge de l’anticipation marketing produit « smart access ».
Au premier étage, moins de neurones en ébullition, mais une véritable vitrine des créations du Technocentre. Juste au-dessus du hall d’entrée du bâtiment, une mezzanine conduit en effet au « Showroom », où sont reçus les visiteurs de passage. Parmi eux, les délégations des filiales d’Orange, pays par pays, viennent découvrir et se laisser convaincre de l’intérêt des produits conçus au Technocentre pour leurs marchés spécifiques. Le centre s’investit en effet sur des sujets quand au moins une filiale nationale s’engage à ses côtés, afin de s’assurer que chaque innovation répond à un besoin concret et pourra immédiatement être commercialisée. Dans ce Showroom, tout est fait pour évoquer un appartement moderne, disposant du dernier cri en matière des technologies Orange. L’écran télévision du « salon » est ainsi équipé du TV Stick, une clef HDMI permettant de proposer une expérience télévisuelle « live » en pilotant chaînes, VOD, replay ou encore Dailymotion à partir de son smartphone. Cette réponse au Chromecast de Google devrait arriver en France dans le courant de l’année, car la première filiale à avoir eu le nez de s’engager avec le Technocentre sur cette technologie est… Orange Roumanie !
Nommé en 2013 à la tête du Technocentre et d’Orange Vallée, Luc Bretones s’est donné pour mission d’insuffler une dynamique toujours plus « start-up » au centre d’innovation du groupe. « Pour faire face à un contexte placé sous le signe de l’accélération permanente, nous avons affiné notre organisation, pour toujours plus « casser les silos » témoigne-t-il dans un entretien avec Alliancy, le mag. En 2 ans, le nouveau directeur a également « injecté le design » partout, afin de mettre l’expérience utilisateur au centre de l’attention de ses équipes. Objectif : toujours moins de modes d’emploi et toujours plus de place pour les usages intuitifs, que ce soit du côté software ou pour les dispositifs physiques. Le « Bloc d’Orange » un projecteur audio-vidéo connecté en bluetooth, commercialisé en 2014, est tout autant le fruit de cette approche que des multiples « itérations clients » permises par le Technocentre, du premier Proof of Concept jusqu’au Delivery, avec l’appui de nombreux ateliers de co-création avec les utilisateurs.
Complément logique et précieux d’une vision qui laisse la part belle aux feedbacks des utilisateurs – et à leur validation des choix de design – le programme des Lab Explorers est une des fiertés que l’on présente aux visiteurs du Technocentre. Cette communauté web du « Lab Orange » permet aux individus d’échanger leurs attentes, tests et remarques sur les offres du groupe, en contrepartie d’avantages divers, de goodies et d’invitations à des évènements organisés par l’opérateur. Ils sont 40 000 participants à être actifs sur cette plateforme, fenêtre privilégiée sur les usages des particuliers. Le Technocentre ne se contente cependant pas de compter sur les échanges online : environ 20% des interactions se font dans le cadre d’ateliers organisés aux différents stades de conception d’un produit, avec mise en situation d’usage et des retours des testeurs sur l’ergonomie. Certains Lab Explorers testeront un produit à une étape de sa vie, pour apporter un regard neuf, là où d’autres pourront voir de bout en bout les premiers concepts devenir des produits finis.
Depuis 2014, tous les 6 mois, Orange sélectionne par l’intermédiaire de son programme Orange Fab, une demi-douzaine de start-up que le groupe va accompagner dans leur croissance. Cette séance d’accélération express, en 3 mois, a du succès : l’opérateur explique avoir reçu environ 200 dossiers pour chacune de ses premières saisons. La sélection se fait sur la maturité des jeunes pousses sur leur sujet évidemment, mais aussi sur la complémentarité des expertises que le groupe remarque avec ses propres divisions. Celles-ci apportent aux entreprises invitées la vision industrielle de leurs marchés, tout en se faisant l’intermédiaire auprès d’acteurs nationaux et étrangers, ou encore de formateurs et de coachs, pour les équipes des start-up. Un accès privilégié aux études de marchés du groupe, aux testeurs de son écosystème et à une série d’évènements complètent le programme. Celui-ci s’inscrit plus globalement dans une démarche d’open innovation que les groupes du CAC 40 multiplient ces derniers mois.
« Pendant les 12 semaines intensives d’accélération chez Orange Fab, nous avons beaucoup mûri en termes de stratégie et de business development » explique Alexandre Dellaleau, le directeur général de Pixience. En 2014, la start-up toulousaine qui fabrique des technologies dédiées à la dermatologie, notamment en matière d’imagerie médicale et de détection des cancers de la peau, s’est portée candidate au concours de sélection d’Orange Fab avec l’idée d’un projet de diagnostic à distance pour la télémédecine. La jeune entreprise de 10 personnes entendait profiter de l’expertise du grand groupe en matière médicale, à travers sa branche Orange Health Care. Après avoir mené une présentation et un grand oral devant le jury du programme, Pixience a fait partie des 7 sélectionnés de la saison 1. « Nous avons pu bénéficier de la bonne connaissance du marché de la télésanté d’Orange Health Care, mais également d’apports de leurs équipes marketing et communication, ainsi que d’une bonne sensibilisation autour des enjeux de recherche de fonds » détaille Alexandre Dellaleau. Si le dirigeant déplore la complexité pour une start-up basée en région d’assister à tous les évènements parisiens qui font partie du programme Orange Fab, il souligne l’intérêt de pouvoir accéder à la communauté web des Lab Explorers du groupe, pour avoir des remontées utilisateurs.
A 500 mètres du Technocentre, toujours à Châtillon, une autre structure fait la part belle à l’open space et à l’esprit start-up. Il s’agit d’Orange Vallée, filiale innovation du groupe, créée elle-aussi en 2006. Ici, les équipes sont plus jeunes, le dynamisme est de mise, les échanges se font à moitié en anglais, à moitié en français et les méthodes de développement agiles règnent en maître. Orange Vallée se concentre sur la création de nouvelles offres de télécommunications autour de services web. Sa réussite la plus emblématique ? Libon (pour « Life is better on »), un service de voix sur IP et de messagerie instantanée pour smartphone qui veut « redonner du sens à la communication » en permettant aux utilisateurs de personnaliser au maximum leur expérience, tout en réduisant les coûts des appels internationaux. Au Mobile World Congress de 2015, à Barcelone, Libon a présenté « Reach Me » une nouvelle fonctionnalité permettant d’appeler et de recevoir des appels, gratuitement, même en l’absence de réseau mobile – grâce à une connexion wifi.
La R&D chez Orange est une affaire internationale. Les Orange Labs, évolution de la division historique de recherche et développement de France Télécom, sont ainsi répartis aux quatre coins du monde : en France évidemment à Lannion, Issy-les-Moulineaux, Grenoble, Caen ou encore Sophia Antipolis, mais également au Japon, aux Etats-Unis, en Espagne ou en Pologne. Pour le Technocentre, qui s’intègre naturellement dans ce large écosystème, ces laboratoires sont autant de « postes avancés » permettant de « prendre en permanence le pouls de l’innovation ». Cette démarche d’anticipation se retrouve largement dans le processus d’innovation porté par l’organisation : ainsi le programme « Active Senior » doit permettre d’identifier les axes d’innovation qui permettront le lancement de services… à horizon 2017. Ethnologues et sociologues aident à différencier les différents usages et attentes des seniors, loin d’être homogènes.. Orange veut ainsi surfer sur le potentiel de la Silver Economie, avec un projet de « Silver Cocoon Management » mené avec tout un écosystème de partenaires, qui doit favoriser le maintien à domicile à l’aide de systèmes non-intrusif et passif (comme des capteurs de mouvement). Les premiers tests auprès de 80 foyers volontaires issus des Lab Explorers ont commencé en mars 2015.
350 m² au cœur de Paris, consacré aux nouveaux modes de travail et aux formes agiles de collaboration. C’est la Villa Bonne Nouvelle d’Orange, inaugurée en octobre dernier, qui s’est installée avec cet objectif dans l’un des immeubles emblématiques du groupe, celui des « demoiselles du Téléphone », rue Mazagran dans le 10e arrondissement. Là, l’opérateur entend pousser au maximum la ligne de conduite déjà prônée au Technocentre : amener l’innovation par la confrontation d’équipes aux backgrounds différents, en mode ouvert et horizontal. Jusqu’à 50 personnes peuvent travailler dans ces locaux parisiens, y collaborer avec des start-up, le temps d’un projet de plusieurs mois, en étant à proximité immédiate du Living Labs du groupe, "espace d'interaction avec les clients et de test en situation réelle des projets". Orange espère ensuite que ces collaborateurs, forts de leur expérience, ramèneront dans leur structure d’origine l’habitude de ces nouvelles formes de travail, pour faire évoluer leur organisation de l’intérieur.
Le message a été affirmé haut et fort par Stéphane Richard avec Essentiels 2020 : Orange ne se voit plus seulement comme un opérateur télécom. Le groupe veut pouvoir affronter la concurrence grandissante avec les acteurs « Over the top » issus de l’univers Internet. Pour les entreprises, Orange se voit ainsi comme un « opérateur de la donnée » à tous les étages ; et pour le grand public comme un opérateur privilégié pour les objets connectés. A la croisée de l’Internet des Objets et des tendances Big Data, le groupe a, dans cette dynamique, dévoilé fin 2014, Datavenue, une « plateforme dédiée à la collecte, au stockage, à l’agrégation et à la sécurisation des données ». Celle-ci doit permettre de fournir un socle de base aux développeurs, éditeurs, fabricants d’objets connectés, mais aussi aux entreprises disposant d’énormément de données, pour développer de nouveaux services. Le but est de tirer parti d’une approche de « partage écosystémique » et « open innovation » pour sortir des sentiers battus. Malakoff Médéric, Schneider Electric, SEB, Société Générale, Suez Environnement, TF1 ou encore Netatmo, sont parmi les premiers partenaires à s’être positionnés pour commencer à utiliser la plateforme dès 2015.
Le prochain grand lieu de l’innovation d’Orange devrait ouvrir ses portes en 2016. Ce sont 3000 salariés du groupe et 500 prestataires qui devraient ainsi rejoindre l’Eco-Campus de Châtillon, un ensemble de près de 72 000 mètres carrés au sud de Paris, possédés par Crédit Agricole Assurances, et dont Orange doit être l’unique locataire. Cette "cité de l'innovation" de 8 bâtiments, établie autour d’un parc d’1,5 hectare, vise les meilleures certifications environnementales : toitures et façades végétales, pistes cyclables, bornes de recharges pour voitures électriques et station Autolib’, parking en sous-sol et emplacements dédiés au covoiturage… Comme la plupart des grands acteurs de l’internet, Apple et Google en tête, qui ont largement communiqué sur leurs nouveaux bureaux aux allures originales, Orange a fortement investi sur ce projet (le montant exact reste cependant inconnu) et pour cause : le groupe veut faire de ce campus, dit C5, « un centre de recherche à la Silicon Valley ».