Le PDG de la filiale numérique du groupe La Poste revient sur sa stratégie et les objectifs 2020 après le rachat de l’ESN Softeam Group fin 2019 et la volonté de développer massivement la solution d’Identité Numérique qu’il opère pour le groupe La Poste.
Alliancy. Vous avez procédé à sept acquisitions depuis votre arrivée à la tête de Docaposte en 2017. La dernière en date et la plus importante étant l’ESN Softeam Group (1 400 collaborateurs, 150 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019). Pourquoi ?
Mercredi 5 février 2020 : Dîner-débat du Cercle des partenaires du Numérique
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Olivier Vallet. Ces acquisitions sont faites soit pour nous renforcer dans nos quatre domaines d’activité prioritaires (lire encadré), soit pour prendre une position de leadership dans une activité qui nous renforce dans la dimension « tiers de confiance ». C’est le cas du rachat du nantais Voxaly par exemple en 2018, qui était notre concurrent dans l’élection dématérialisée. Ensemble, nous avons créé une BU Vote électronique, qui est aujourd’hui leader en France pour les élections professionnelles dans le secteur public et les grandes organisations.
Et concernant Softeam Group ?
Olivier Vallet. Déjà, il s’agit d’une ESN très dynamique, dont le métier est de fournir des experts, à la fois des consultants et des experts métiers, avec un très fort focus dans la banque-assurance. Ce qui nous permet de nous renforcer sur cette activité, mais également sur toute la dimension expertise par rapport à notre savoir-faire plus technologique, afin de pouvoir fournir une offre complète allant du conseil à la plateforme digitale… Enfin, ils nous amènent des talents dont nous avons également besoin pour conforter notre avenir. Cette acquisition est donc vraiment un projet de croissance puisqu’il n’y a pas de recoupement d’activité et déjà, l’on voit énormément d’opportunités business.
Comment se fait l’intégration de ces sociétés ?
Olivier Vallet. Avec Softeam Group, nous créons un Pôle « conseil et services » digital, mais nous conservons les marques, comme on l’a fait pour Voxaly et la nouvelle BU. Fin 2020, nous serons à 730 millions d’euros de chiffre d’affaires et 6 500 collaborateurs. Nous sommes donc en ligne avec notre trajectoire, mais d’autres acquisitions suivront pour atteindre les ambitions fixées qui sont d’atteindre le milliard de chiffre d’affaires en 2023 (lire encadré). Notre croissance organique aujourd’hui est de 8 à 10 % sur les activités numériques.
Ces entreprises sont toutes françaises. Est-ce un choix délibéré ?
Olivier Vallet. Pour le moment, c’est le cas en effet. Mais nous ne nous interdisons pas de nous développer ailleurs en Europe sur certains segments d’activité, comme pour le vote électronique par exemple où le potentiel de développement est réel. Nous avons également notre filiale Sefas (13 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018, 100 collaborateurs) qui propose une solution en mode SaaS pour concevoir et organiser toute la communication client d’une entreprise vers les canaux de diffusion, traditionnels et digitaux, qui est très présente à l’international… Mais, notre stratégie est déjà d’être leader en France avant de s’étendre.
Sur vos trois autres marchés, où en êtes-vous ?
Olivier Vallet. Sur le secteur public, nous avons un très bon taux de croissance et de développement, notamment sur les collectivités territoriales. Softeam par exemple propose quelques produits, dont e-Citiz une plateforme de gestion de la relation citoyen qui va renforcer nos solutions dans ce domaine.
Dans la e-santé, nous avons lancé deux mouvements importants. D’une part, le projet Territoires de santé de demain dans la région Grand Est, dont Docaposte est le partenaire IT. Et, d’autre part, nous nous sommes renforcés avec une prise de participation minoritaire dans l’entreprise canadienne Tactio, qui propose des solutions de santé mobile, de télésuivi et de télésurveillance médicale des patients à distance. Ses offres à destination des professionnels combinent applications mobiles, appareils médicaux connectés (A&D, Roche, Nonin, Omron, Welch Allyn, Medisana, Garmin, etc.), questionnaires patients et programmes de coaching santé. Un partenariat stratégique qui nous permet de voir ce qui se passe en Amérique du Nord dans ce domaine et à accélérer le développement de la e-santé en France.
Nous avons également racheté Icanopée l’an dernier, un éditeur de logiciels d’accès au dossier médical partagé (DMP) qui a développé plusieurs connecteurs permettant d’accéder, depuis un logiciel de dossier patient, aux services numériques déployés par l’Etat et l’assurance maladie dans le secteur de la santé, comme le DMP, le dossier pharmaceutique (DP) et les messageries sécurisées de santé (MSSanté). Stratégiquement, c’est une brique technologique importante.
Concernant la numérisation des ETI et PME, quels sont vos objectifs ?
Olivier Vallet. Là encore, nous avons fait l’acquisition d’Eukles fin 2018, un éditeur spécialisé dans la gestion électronique de documents (GED) et les solutions de back-up et d’archivage en mode SaaS pour des entreprises de toutes tailles. Leurs solutions sont commercialisées en mode indirect à travers un réseau de plus de 300 distributeurs, fournisseurs de matériel bureautique et informatique et de téléphonie, qui va donc nous aider à pousser nos autres solutions à destination des ETI et PME comme la signature électronique, le vote électronique, notre coffre-fort Digiposte… C’est un public en demande qui a besoin d’offres numériques « packagées », à condition qu’elles soient faciles d’utilisation et économiquement compatibles avec leur budget.
La semaine dernière, l’Anssi a validé la conformité de la solution Identité Numérique proposée par La Poste avec la réglementation européenne en matière d’identité numérique (eIDAS). Qu’est-ce que cela change ?
Olivier Vallet. L’Identité Numérique de La Poste est dorénavant attestée conforme au niveau de sécurité substantiel par l’Anssi. C’est la première solution d’identification et d’authentification à être qualifiée à ce niveau en France. Il nous aura fallu 18 mois de travail pour obtenir ce label… Ainsi, La Poste répond à cette exigence à travers une vérification des pièces d’identité (passeport, carte d’identité ou titre de séjour supérieur à cinq ans) en face à face, une démarche qui s’effectue à domicile ou dans l’un des 370 bureaux de poste participant à la phase de test. Cette clé unique et sécurisée répond à 90 à 95 % des besoins des Français dans le monde digital.
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Où s’utilise cette solution ?
Olivier Vallet. Tous les Français peuvent l’utiliser gratuitement, notamment via France Connect qui propose déjà 700 démarches dématérialisées. Mais demain, cela ouvre des possibilités nouvelles à la fois dans la sphère publique et dans la sphère privée, que soit dans le domaine de la banque, de la e-santé… Beaucoup de nos clients la demandaient. L’enjeu aujourd’hui est donc de la développer massivement. La Poste par exemple va l’utiliser pour l’envoi et la réception de lettres recommandées en ligne ou encore pour effectuer, toujours en ligne, les démarches nécessaires pour un retrait de colis ou la réexpédition de son courrier en cas de déménagement..
Après près de 600 recrutements en 2019, comptez-vous encore recruter cette année ?
Olivier Vallet. Tout à fait, nous recrutons fortement, y compris chez Softeam Group, que ce soit des ingénieurs, des développeurs, des UI/UX Designers, des experts Data et IA… Nous travaillons beaucoup sur notre marque employeur pour y parvenir d’ailleurs.
Quels sont vos différenciateurs pour recruter ?
Olivier Vallet. Les jeunes recherchent des projets qui font sens. Chez Docaposte, nous travaillons sur des projets qui parlent et transforment la vie des gens… L’identité numérique en est un bon exemple, Digiposte aussi. Nous sommes une entreprise responsable, c’est un autre point dont ils tiennent compte.
Nous organisons également depuis trois ans le concours du Meilleur Développeur de France (MDF)… qui a accueilli plus de 5 000 visiteurs et 60 speakers lors de sa dernière édition en 2019. Il est important de valoriser ce métier et montrer également que nous sommes très innovants. Enfin, nous avons le programme French IOT qui permet à des start-up de s’associer à des industriels pour les aider à se développer et de se connecter à notre infrastructure « Hub Numérique » pour aller plus vite…
Un dernier mot sur le cloud souverain. C’est un de vos sujets ?
Olivier Vallet. Nous sommes déjà un cloud souverain puisque nous disposons de nos propres datacenters et nous sommes en mesure de proposer des offres, comme nous le faisons dans le projet Smartcity d’Angers en tant que tiers de confiance numérique. Plus largement, nous faisons en effet partie des discussions à ce sujet, un domaine dans lequel il faut éviter de refaire les erreurs du passé.
1 milliard de chiffre d’affaires en 2023 !
Olivier Vallet a repris la présidence de Docaposte en 2017 avec pour plan stratégique :
- Passer de 430 millions d’euros de chiffre d’affaires (60 % d’activités physiques et 40 % d’activités digitales) à 1 milliard d’euros en 2023 (70 % d’activités digitales et 30 % d’activités physiques). Ceci passera notamment par des acquisitions, la dernière en date et la plus importante depuis 2017 étant celle de l’ESN Softeam Group fin 2019 (après Brains, Eukles, Voxaly, Inacopée, Applicam…).
- Avec une concentration, en tant que tiers de confiance, sur quatre marchés prioritaires que sont la banque-assurance, le secteur public (Etat et collectivités territoriales), l’e-santé et le mass market (ETI et PME). Des secteurs où la partie réglementaire, la sécurité et l’importance des données sont très sensibles.
Docaposte en chiffres
Premier opérateur de signature électronique en France, Docaposte est leader sur le vote électronique, l’archivage, l’hébergement des données de santé.
- Plus de 23 000 entreprises et administrations clientes (dont plus de 90 % du CAC 40)
- Plus de 5 000 collaborateurs dont 1 000 ingénieurs IT (583 recrutements en 2019). 6 400 aujourd’hui après l’acquisition de Softeam Group.
- 522 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018 et 560 millions attendus en 2019 (plus de 700 millions avec Softeam Group)
- 1,7 milliard de pages imprimées ; 900 millions de chèques traités ; 6 milliards de documents archivés ; 1,5 milliard de requêtes traitées ; 30 millions de messages EDI échangés ; 220 millions de pages numérisées par an ; plus de 20 millions de transactions signées électroniquement…
- Plus de 50 sites en France
- Plus de 30 ans d’expérience
- Quatre datacenters sécurisés en France
- 5 000 participants au MDF, le plus grand concours de code d’Europe, organisé par sa filiale Ametix.