L’équipementier technologique international, concepteur de produits connectés dans différentes activités très compartimentées au niveau industriel, a remis à plat toute sa stratégie du management de l’innovation numérique il y a un an. Explications par son vice-président exécutif Innovation stratégique du Groupe, Stéphane Gervais-Ducouret.
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Comment, en matière de « compétences numériques », Lacroix Group vit sa transformation interne ?
Stéphane Gervais-Ducouret. Lacroix Group conçoit et industrialise différentes gammes de produits connectés [lire encadré] pour les villes, les grands intégrateurs, les gestionnaires de réseaux d’eau, des smartgrids, le trafic routier, l’intermodalité… Mais qui dit « connectés », dit contrôle à distance, gestion de ces produits, gestion des paramètres de ces produits, des données collectées, etc.
Toutes ces gammes de produits et leur software dédiés avaient été développés par des entités différentes, en interne ou avec des prestataires de services externes, et à différentes époques… Notre legacy était donc très diverse sur ces sujets, du fait également des acquisitions réalisées. Avec la montée en puissance du numérique, nous avons vu alors les limites d’un tel modèle, dans lequel nous n’avions pas la maîtrise globale de ce qui était fait, encore moins de l’architecture technologique choisie… Il était donc difficile d’évoluer vers là où nous souhaitions aller.
Que s’est-il passé ?
Stéphane Gervais-Ducouret. Nous avons voulu agréger tout ce que nous faisions sur ces types de produits dans une seule et unique plateforme web, appelée LX Connect (trafic urbain, réseaux d’eau ou d’énergies…) ; mais là encore nous avons vraiment réalisé nos limites. Y compris chez nos sous-traitants car une partie de notre legacy était réalisée en interne et une autre en externe… Le manque de centralisation de nos outils posait problème, tout comme la difficulté à partager des ressources, des informations, des données, des interfaces communes… Chacun avait des architectures, des histoires, des équipes différentes, notamment mises au point au gré des demandes de nos clients. Tout cela n’était plus gérable en l’état. Il nous fallait une architecture software et une conception globale, capable d’être à la fois évolutive et interopérable. Nous nous sommes posés la question du comment y parvenir…
Quelle a été la solution adoptée ?
Stéphane Gervais-Ducouret. Il y a un peu plus d’un an, nous avons créé une équipe interne d’une quinzaine de personnes, toutes recrutées à l’extérieur sauf leur manager, transverse au groupe et pilotée par notre DSI. Cette équipe s’occupe aujourd’hui de cette plateforme LX Connect, pour laquelle nous avons remis à plat toute l’architecture software afin de la rendre, comme je l’évoquais, évolutive, interopérable, mais également utilisable par toutes nos activités et par tous.
Y compris par des acteurs externes ?
Stéphane Gervais-Ducouret. Nos clients peuvent se connecter à la plateforme, mais pour l’instant, uniquement pour gérer les produits que nous leur vendons. Celle-ci remplace peu à peu nos précédentes plateformes existantes dans nos différentes activités. Ce software n’est pas un produit à part entière, il est obligatoirement lié à nos produits connectés, mais ce de façon plus ouverte, avec la possibilité par exemple d’inclure différents moyens de paiement pour acheter des options, avec des API pour se connecter à d’autres capteurs connectés… Notre plateforme est donc utilisable au-delà même des produits Lacroix et interopérable avec les plateformes de nos clients également.
Par rapport à des prestataires de services externes, comment fonctionnez-vous désormais ?
Stéphane Gervais-Ducouret. Nous continuons à faire appel à eux, mais différemment. Comme nous avons entièrement la main sur notre architecture, ils travaillent obligatoirement avec cette nouvelle équipe interne software qu’ils complémentent sur des domaines particuliers que nous ne maîtrisons pas aujourd’hui, sur des compétences humaines spécifiques… Il y aura toujours besoin de ces prestataires extérieurs, mais sur des demandes à plus forte valeur ajoutée. Mais nous garderons la maîtrise d’œuvre de notre plateforme. Nous ne voulons plus être dépendants par rapport à notre software.
Auriez-vous un conseil à donner à ces prestataires externes par rapport à cette évolution interne ?
Stéphane Gervais-Ducouret. Oui ! Nous aurions aimé utiliser une plateforme à customiser pour nos besoins certes, mais elle n’existait pas… Il aurait fallu qu’elle soit proposée par des prestataires et non des offreurs de solutions afin de l’adapter à chacun de nos métiers… Ensuite, il faut que nous ayons le contrôle sur cette plateforme, au-delà même du prestataire. Quid si celui-ci s’arrête ? Qu’est-ce qu’on récupère ? Que peut-on utiliser dans la continuité ? Ce sont des questions importantes pour notre avenir. C’est toute la question de la dépendance sur un sujet qui était peu critique auparavant, mais qui devient majeur du fait de la transformation numérique en cours dans nos métiers.
En termes de compétences pour constituer une telle équipe, comment avez-vous procédé ?
Stéphane Gervais-Ducouret. Nous avons regardé les mêmes profils que l’on retrouve chez tous les acteurs de l’IT. La différence est que nous leur proposons une vision et des projets concrets sur le moyen-long terme. Avec nous, en tant que groupe industriel, ils construisent un projet et le font vivre.
Quelle est la moyenne d’âge de cette équipe ?
Stéphane Gervais-Ducouret. C’est un vrai mélange de talents expérimentés et de jeunes ingénieurs motivés et compétents.
Quid du Cloud dans votre groupe ?
Stéphane Gervais-Ducouret. La problématique du cloud souverain reste importante car nos clients nous interpellent régulièrement à ce sujet ainsi que l’utilisation de la data. Aujourd’hui, nous avons plusieurs prestataires comme nous avons encore notre legacy à gérer. Nous travaillons par exemple avec Amazon, Microsoft, Docaposte, OVH… Le cloud est un vrai sujet technique sur lequel nous sommes en réflexion, y compris au niveau des outils spécifiques d’analyse que chacun de ces acteurs proposent : ils ne sont malheureusement pas portables entre différents cloud. Ces réflexions incluent aussi nos grands partenaires avec qui nous serons amenés à échanger de plus en plus de données et d’analyse de données via notre plateforme, sachant que les données que nous collectons appartiennent à nos clients ainsi qu’à des acteurs publics comme les villes et territoires.
LACROIX Group : une ETI familiale cotée de plus de 80 ans
- Fournisseur d’équipements connectés et sécurisés pour la gestion des infrastructures de la voirie intelligente (éclairage public, gestion et régulation du trafic, signalisation et V2X) à travers Lacroix City, et pour la gestion des infrastructures d’eau et d’énergie à travers Lacroix Environment.
- Le groupe développe et produit également les équipements électroniques de ses clients automobiles, domotiques, aéronautiques, de l’industrie ou de la santé à travers Lacroix Electronics.
- PDG : Vincent Bedouin.
- 482 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019 (dont 65 % réalisés hors de France).
- 4 100 collaborateurs.
- Présent dans 11 pays (4 continents).
- 10 usines et 11 bureaux d’études.
« Carte blanche », le podcast pour découvrir l’industrie électronique du futur
D’une durée de 5 à 7 minutes, chaque épisode de ce « podcast industriel » donne librement la parole à un collaborateur de l’entreprise Lacroix Electronics pour partager son interprétation des changements en cours, son point de vue d’expert sur les enjeux industriels de demain et livrer un petit bout de sa personnalité au travers d’anecdotes et de confidences. Un format accessible sur SoundCloud et le site web de l’entreprise, qui a travaillé sur ce nouveau format de communication avec l’agence nantaise spécialisée Alvéole Média.
« Le podcast est comme une parenthèse de temps, de concentration, d’explication approfondie, au milieu d’une industrie en perpétuelle transformation », explique Stéphane Klajzyngier, Directeur général exécutif de Lacroix Electronics et 1er invité de cette Carte blanche. « Une voix, cela dit beaucoup de choses (…), cela rend les échanges plus humains ».