Les actions de « Souveraineté Télécoms » avancent

Les futures architectures réseaux de la France se mettent peu à peu en place, en parallèle de ce qui se fait en Europe. Philippe Keryer d’Alcatel-Lucent, président du comité de pilotage du plan Souveraineté Télécoms, présentait hier un premier bilan d’étape.

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Philippe Keryer aux Rencontres Digitales d’Alcatel-Lucent en Juin 2015

Hier, Philippe Keryer, directeur de l’Innovation et de la Stratégie du groupe Alcatel-Lucent basé aux Etats-Unis, faisait un point d’étape sur les différentes actions de « Souveraineté Télécoms » de la solution Confiance Numérique, lancées dans le cadre de la Nouvelle France Industrielle. « Faire du numérique une opportunité de croissance économique pour notre pays nécessite de développer des infrastructures sécurisées, c’est-à-dire les réseaux télécoms de demain à commencer par la 5G », rappelait-il d’entrée. Et de reprendre les propos d’Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 18 mai dernier : « La confiance numérique est un axe majeur de la stratégie de la nouvelle France industrielle » et de la future loi NOE (Nouvelles Opportunités Economiques), qui sera bientôt dévoilée plus en détail par le ministre de Bercy.

Chef de projet des actions engagées depuis dix-huit mois, Philippe Keryer s’est montré plutôt satisfait, annonçant dans la foulée la mise en place progressive d’un certain nombre de démonstrateurs. Si dix-sept actions avaient été lancées au départ, elles sont aujourd’hui réduites à 13 du fait d’un certain recentrage tout à fait classique. Elles se concentrent en priorité sur la définition de la future norme de la cinquième génération des réseaux mobiles (5G), le déploiement industriel de la fibre (THD fixe et mobile) ; l’IoT ; la plateforme de virtualisation des réseaux, la formation ou encore l’intégration des TPE/PME et start-up dans tous ces projets.

« La 5G constituera la véritable explosion des données mobiles, estime l’expert, mais servira également à supporter le déploiement de l’internet des objets. » Selon les projections du groupe Alcatel-Lucent d’ailleurs, l’écosystème autour de l’IoT devrait représenter 500 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2025. « On sera alors dans un monde totalement différent, devant une connectivité absolue en temps réel avec 50 milliards de devices en service… », estime-t-il.

Au sujet de la 5G fixe et mobile, toutes les actions mises en place visent à développer la filière en France, de façon à créer les meilleurs consortiums et récupérer des financements européens sur les grands projets de la 5G PPP. La préparation pour le 2ème appel à projets européen de novembre 2016 a d’ailleurs déjà démarré lors du 2ème « 5G Info Days » qui s’est tenu récemment.

Pour accompagner cette montée en puissance des industriels sur la 5G et également le déploiement rapide de la fibre sur tout le territoire (FTTH), l’une des actions Souveraineté télécoms intègre un volet Compétences, Formation et Emploi. Ainsi, le projet de SEM Innovance, retenu par le Commissariat Général à l’investissement, comporte la mise en place d’un réseau de pôles de formation courant du 1er semestre 2016 et l’installation d’une instance de concertation nationale pour l’ensemble des acteurs publics et privés concernés.

L’Ile-de-France, la Bretagne et les pôles

Autre volet important du plan, la virtualisation des réseaux télécoms fera l’objet de la mise en place d’une plateforme de référence sécurisée et ouverte début 2016 également. Elle permettra d’accueillir les différentes briques d’une infrastructure virtualisée, ainsi que des services réseaux virtualisés associés. L’ensemble sera déployé dans deux régions, l’Ile-de-France et la Bretagne, en collaboration avec les industriels, les opérateurs, les IRT et la Cité de l’innovation d’Alcatel-Lucent. Une évolution de la règlementation sur la sécurisation des réseaux actuels et futurs réseaux virtualisés est également en cours auprès de l’ANSSI, ainsi que le développement de solutions de sécurisation des infrastructures auprès de Thales.

Tout ceci se fait en parallèle de l’évolution des réseaux sécurisés dédiés par des acteurs industriels comme Airbus Defence & Space et Thales, qui ont chacun déposé un projet sur l’évolution des réseaux PMR Tetra/Tetrapol vers les technologies LTE PMR. Ces deux projets ont reçu un avis favorable en termes de financement de bpiFrance et pourront être mis en œuvre dès d’année prochaine.

Pour intégrer au mieux les start-up et les PME dans l’ensemble de ces actions, une cartographie complète des acteurs potentiels en France a été faite par Orange, en partenariat avec les différents pôles de compétitivité concernés (Systematic, Images&Reseaux, Cap Digital, SCS…). L’objectif étant de permettre à tous ces petits acteurs de se rapprocher des grands groupes en vue d’un partenariat commercial, d’un accompagnement technologique ou d’un accès aux plateformes de développement.

En parallèle, le 1er décembre, le Cofis (Comité de filière industrielle de sécurité) s’est également réuni sous l’impulsion du gouvernement, pour redéfinir ses priorités dans un contexte de menace terroriste exacerbée. La réunion avait pour objet de valider la feuille de route des deux prochaines années, articulée autour de quatre axes principaux : fédérer et valoriser l’ensemble des acteurs de la filière (notamment les PME et les acteurs locaux) ; développer à la fois l’offre et la base industrielle de sécurité par la mise en cohérence du besoin exprimé et des réponses technologiques apportées ; et accéder aux marchés nationaux et à l’export. Le concours mondial de l’innovation intègre ainsi depuis peu un 8ème thème dans ses appels à projets : la sécurité collective et la protection contre les actions malveillantes… 

Un pilotage voué à évoluer

Alcatel-Lucent, spécialiste de l’Internet, du cloud et du très haut débit, préside le comité de pilotage qui réunit des industriels (Airbus Defence & Space, Alcatel-Lucent, Eblink, Orange, Thales), des opérateurs (Orange) et des acteurs publics comme l’Anssi, le Commissariat général à l’Investissement, la Direction générale des Entreprises/DGE, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et bpiFance.

« Centraux aujourd’hui, les réseaux le seront plus encore demain. Les événements dramatiques du 13 novembre n’ont fait que le confirmer. Il est donc essentiel d’avancer sur les défis concrets qui s’ouvrent à tous les acteurs français et européens, explique Philippe Keryer, qui assure que la fusion en cours d’Alcatel-Lucent dans Nokia, ne remettra pas en cause la présence du groupe dans la poursuite des projets Souveraineté Télécoms. Reste à savoir maintenant comment se poursuivra le pilotage du plan à terme… Philippe Keryer l’assure : «  On en discutera en temps et heure avec les ministres concernés. Mais, personnellement, j’ai la volonté de continuer, peu importe comment ».