En décidant de déployer sur l’ensemble de ses métiers Office365, le groupe La Poste a lancé son premier véritable grand projet transverse d’évolution de ses modes de travail. Nathalie Brousset, directrice de la conduite du changement, explique les questions que s’est posée la célèbre enseigne à l’oiseau bleu. Nathalie Brousset interviendra sur ce sujet au Dîner digital workplace organisé le 1er octobre par Devoteam en partenariat avec Alliancy.
| Cet article fait partie du dossier « Ressources Humaines : les fondamentaux bousculés »
Alliancy. Qu’est-ce qui a poussé le groupe La Poste pousse à changer son environnement de travail ?
Nathalie Brousset. Une des caractéristiques principales de La Poste est d’avoir plusieurs métiers bien distincts : courrier, banque, réseau de distribution… auxquels il faut ajouter le corporate et la branche numérique. Chacun a toujours eu sa propre organisation, ses façons de faire et donc ses propres outils. Cependant, nos clients ne voient qu’une seule entité La Poste évidemment et pour répondre au mieux à leurs nouvelles attentes, nous avons besoin de mettre en place des offres qui reposent sur les expertises de nos différents métiers, de façon complètement transparente. Nous avons donc souhaité changer en profondeur les modes de collaboration et de travail grâce à des pratiques et des outils différents.
Quel a été votre point de départ ?
Nathalie Brousset. En 2014, nous avons mené une première expérimentation sur le sujet, autour d’un « réseau social d’entreprise ». C’était un périmètre restreint, 3 000 utilisateurs seulement, mais déjà issus de plusieurs branches : nous étions déjà convaincus que la meilleure façon de travailler était de créer de la transversalité. Notre autre conviction, était qu’un réseau social seul ne pouvait évidemment suffire à changer nos modes de fonctionnement. Il nous fallait un outil bien plus intégré. Nous savions que sans une approche globale, chaque métier trouverait le moyen de faire à sa façon, et cela créerait plus de fragmentation que de collaboration. Nous avons donc pris notre bâton de pèlerin pour sensibiliser les autres services à cette nécessité. Par chance la DSI était à l’époque dans une vraie logique de renouvellement du socle technologique et donc la convergence entre objectifs métiers et IT s’est faite naturellement. La DSI a porté l’enjeu de rationalisation des différents systèmes, notamment à travers le passage dans le cloud, nous y avons adjoint notre vision à travers les usages afin de faciliter la vie de tous au quotidien.
Quels sont les enjeux majeurs d’un tel programme avec une « approche globale » comme la vôtre ?
Nathalie Brousset. Il doit concerner plus de 200 000 personnes, sans être perçu comme un changement d’outils, mais bien comme une nouvelle façon de travailler. Sur la partie technique, il a fallu mettre toutes les DSI autour de la table ; nos métiers étant très différents, certaines avaient des contraintes bien spécifiques – pour la partie bancaire par exemple. Nous avons pris le temps de la réflexion afin de ne pas axer notre communication exclusivement sur le déploiement outils. Il fallait que nous « embarquions » tout le monde, pas seulement les technophiles. Nous avons marketé le programme autour de l’humain et l’avons nommé : .COM1 (« point commun », ndlr) pour qu’il soit perçu comme un vrai point de rassemblement. Heureusement, dès le début, nous avons profité de la vision de long terme du top management et de son sponsoring pour insuffler les profonds changements « du travailler autrement » auprès de l’ensemble des collaborateurs.
Qui avez-vous retenu pour la partie technologique ?
Nathalie Brousset. Google, IBM et Microsoft savaient répondre à nos enjeux collaboratifs autour d’un outil complètement intégré. Du fait des exigences de sécurité sur nos activités bancaires, nous avons cependant écarté Google. Finalement, nous avons retenu l’offre Office365 de Microsoft, notamment du fait de sa facilité de prise en main par les collaborateurs. Nous sommes aujourd’hui au cœur du déploiement avec 77 000 utilisateurs qui se sont emparés de ces nouvelles possibilités. Pour en arriver là, il a fallu faire de gros efforts de communication et de vulgarisation pour permettre de matérialiser ce que signifiait ce déploiement. Nous avons multiplié les teasings, les démos… tout ce qui pouvait donner du sens concret et donner surtout donner envie.
Qu’en est-il de l’adoption réelle des outils et des nouvelles pratiques par les collaborateurs ?
Nathalie Brousset. Nous analysons de très près l’adoption des outils, qui, pour le moment se situent en 10 et 25 % d’actifs par entités, en augmentation constante. Nous avons, par ailleurs, créer un réseau d’ambassadeurs qui nous remontent les cas d’usages du quotidien. Par exemple, des entités commerciales ont imaginé leur reporting différemment autour de leurs « belles ventes ». Un service financier a même créé une web série autour de ce nouveau digital workplace ! Quand des idées commencent à émerger en bottom-up, qu’on sort de l’abstraction, c’est aussi un signe de succès.
Avez-vous trouvé cette transversalité dans la collaboration que vous cherchiez au départ entre vos entités ?
Nathalie Brousset. Créer des usages transverses au quotidien est notre graal ; mais nous pensons qu’il faut déjà que les équipes s’emparent des outils et des pratiques avant qu’elles puissent commencer à innover en ce sens. Clairement, 2019 sera placée sous le signe du développement de la transversalité, une fois que tout le monde aura accès aux mêmes opportunités de collaboration. Et que le déploiement sera terminé !
Qu’est-ce qui fait selon vous le succès ou l’échec d’un projet aussi structurant ?
Nathalie Brousset. La proximité entre les métiers et les DSI. Pour ma part, je pilote ces changements au niveau du Groupe, mais j’ai bel et bien un alter-égo pour la partie qui concerne les systèmes d’information. Il faut travailler plus que jamais main dans la main. Cette vision « en binôme » doit se retrouver dans tous les aspects de gouvernance du projet. J’ai besoin d’une excellente visibilité sur l’évolution technologique afin de passer le sens aux collaborateurs sur cette transformation et savoir que nous allons pouvoir tenir nos promesses.
Quelle est la promesse idéale à faire aux métiers vis-à-vis du projet ?
Nathalie Brousset. « Vous allez pouvoir être plus autonome et vous pourrez capitaliser sur les énergies des autres. Vous pourrez diffuser cette énergie afin que chacun puisse avoir plus de temps pour mieux appréhender le digital, être plus à l’aise dans ses tâches quotidiennes, innover, générer de nouvelles idées pour le Groupe ». Afin de tenir cette promesse, nous devons faire adhérer « le middle management » autour de cela, pour qu’il soit à l’aise avec le droit à l’innovation, le droit à l’erreur aussi, au sein de leurs équipes. De tels changements sont évidemment des sujets à risque, car le thème est très médiatique, et tous les projets sont très observés. Trop souvent nous entendons des discours utopiques qui sonnent bien différemment es réalités terrain vécues par les postiers. Nous en avons conscience et nous voulons éviter cet écueil pour que ce programme devienne le socle transverse dont nous avons tous besoin au quotidien. « Je coopère, nous gagnons », notre devise au sein de l’équipe : un bon résumé de notre philosophie.
Nathalie Brousset est l’une des intervenantes au Dîner digital workplace organisé le 1er octobre par Devoteam en partenariat avec Alliancy. Inscrivez-vous !