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A Mayotte, l’impuissance numérique

[Billet d’humeur] Les images et les témoignages de dévastation provenant du 101 département français nous rappellent à quel point nos progrès technologiques restent souvent conditionnés à des environnements maîtrisés. Un douloureux retour sur terre face à l’hubris technologique qui prévaut parfois dans certains discours. 

 

Les bilans provisoires s’enchaînent à Mayotte après le passage dévastateur du cyclone Chido : le nombre de morts se compte en dizaines et celui des blessés en milliers. Très vite, les destructions d’infrastructures deviennent un problème majeur pour les survivants, que ce soit au niveau sanitaire, sécuritaire ou tout simplement pour coordonner les actions de sauvetage. 

Depuis Paris, on ne peut que constater les difficultés qu’ont les services de secours, les particuliers et les entreprises à échanger des informations et à utiliser les outils numériques du quotidien. La faute aux dégâts sur le réseau électrique et les antennes de télécommunications mobiles. C’est un rappel violent qu’à l’heure où nous nous enorgueillissons collectivement de bonds en avant technologiques, comme l’IA générative, celle-ci se révèle bien peu de chose quand il n’est pas possible d’accéder à Internet ou simplement de recharger son smartphone. Quand le combat du quotidien est de trouver de l’eau potable ou de faire fonctionner un hôpital de fortune, l’annonce d’un abonnement à 200 $ pour les data scientists sur ChatGPT, ou le fait que l’outil d’OpenAI puisse désormais faire office de moteur de recherche, fait sans doute moins rêver… 

Alors, bien sûr, une partie du problème vient de l’isolement insulaire de Mayotte et de la fragilité sociale et économique du département le plus pauvre (et, on peut le dire, ignoré) de France. Mais des épisodes de tempêtes sur le territoire métropolitain ces dernières années (Ciaran en a été un bel exemple il y a un an) n’ont pas manqué de nous rappeler à quel point nous étions dépendants au quotidien de nos réseaux. En ce sens, les investissements industriels, technologiques et humains, d’acteurs comme EDF, Enedis ou des opérateurs télécoms, se révèlent bien souvent notre dernier filet de secours en cas de catastrophe naturelle. 

La bonne nouvelle, c’est que des innovations portées par l’intelligence artificielle peuvent aider ces mêmes acteurs clés à mieux anticiper, réagir, intervenir… au même titre que les forces de sécurité civile et les secours. Pour le coup, il s’agit là d’un numérique porteur de sens, dont on ne peut qu’encourager le développement rapide et la diffusion la plus large possible – comme dans le secteur de la santé, au demeurant. 

Reste que les catastrophes comme celle du cyclone Chido doivent aussi appeler à l’humilité : la toute-puissance technologique est souvent une vue de l’esprit quand les fondations de nos systèmes sont mises à terre. Et le premier réflexe des professionnels de la résilience, comme au sein des Armées, est bien de ne pas considérer la puissance de la tech comme un acquis qui nous mettrait à l’abri. Évitons donc l’hubris en nous rappelant que nous devrons nous aussi, un jour ou l’autre sans doute, être confrontés à cette impuissance numérique. 

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