Accor se fixe comme objectif en 2023 une capture accélérée de la valeur sur la Data. Le groupe peut compter sur des fondations, dont une nouvelle stack technologique. Mais son succès, il veut aussi le fonder sur des principes inspirés du Data Mesh.
Le secteur de l’hôtellerie n’est pas de tout repos. C’est sur ce marché qu’Accor mène depuis plusieurs années déjà de profonds changements dans le cadre de sa transformation digitale. Les grandes manœuvres débutaient en 2014 avec la nomination de son premier chief digital officer. La direction lui allouait un budget de 225 millions d’euros sur 5 ans.
Le groupe a beaucoup changé depuis, comme son industrie touchée par une crise sanitaire mondiale. En 2022, Accor officialisait ainsi la scission de ses activités. Sur la Data aussi, les choix évoluent.
Jongler entre 50 marques, 110 pays et 5300 hôtels
La nomination l’année dernière d’un nouveau chief data officer en témoigne. Or, dans ce domaine, les chantiers ne sont pas simples. Motifs ? Accor, c’est 50 marques, 5300 hôtels, et aussi 10.000 restaurants. La taille du terrain de jeu : 110 pays.
A ce périmètre s’ajoute l’enjeu du moment, et il n’est pas exclusif : le développement durable. Accor s’est fixé pour objectif zéro émission d’ici 2050. Pour y parvenir, il entend mettre à contribution le digital et la Data.
Pour Alix Boulnois, la Chief Digital Officer du groupe, le rôle des données se situe au niveau de la mesure – et “mesurer l’empreinte carbone d’un hôtel, c’est compliqué”, reconnaît-elle. Mais la complexité ne fait que croître lorsqu’on intègre les différents composants d’un voyage ou que la mesure porte sur le gaspillage alimentaire.
Data & IA doivent aussi intervenir dans la prise de décision, par exemple afin de réduire la consommation d’énergie. Enfin, grâce aux données, Accor veut sensibiliser aux enjeux environnementaux de populations diverses, y compris en termes de culture : les clients, les hôtels et les collaborateurs – dont les développeurs afin d’installer des bonnes pratiques de développement.
Pour piloter les initiatives groupe, Accor dispose d’une Data Factory centrale. De quoi générer des embouteillages ? “Nous avons beaucoup travaillé le modèle organisationnel pour ne pas en faire une entité en silo et tech-centrée, mais au contraire tournée vers les enjeux business”, répond la CDO.
Une Data Factory avec des objectifs business
La Factory est en outre rattachée au Comex, un lien direct qui illustre son ambition, souligne Alix Boulnois. Pour cette dernière, il était en outre essentiel que le département intervienne comme un centre d’excellence dont une des missions est notamment d’acculturer le reste de l’organisation et d’embarquer sur la gouvernance, le tout au service d’objectifs métiers
“C’est peut-être un peu atypique, mais les membres de la Data Factory ont des objectifs métiers et non tech. C’est un vrai changement de paradigme (…) Cela oblige à travailler au service du métier”, défend la directrice du digital.
Définir des principes est nécessaire, mais pas suffisant. Jean-François Guilmard, le Chief Data Officer, rappelle l’ampleur des défis à relever. Le groupe est composé d’une multitude d’entités et de marques. A lui seul, le programme de fidélité mobilise 70 partenaires. Les sources de données sont par conséquent nombreuses et hétérogènes.
“Chaque hôtel, c’est un système de gestion différent”. Dès lors, collecter et agréger toutes les données pour proposer des produits data “c’est déjà un grand challenge”. Et pour définir et exécuter sa roadmap, la direction Data a listé des OKR – approche aussi suivie par Club Med.
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“Cette déclinaison en OKR participe à la transformation data driven de l’entreprise”, estime le chief data officer d’Accor. Autre réponse apportée : l’organisation. Se pose dans toutes les entreprises la question de l’équilibre entre centralisation et décentralisation, où les marques seraient autonomes dans la valorisation de leur actif Data.
Chaque modèle présente des avantages et des limites. Accor a opté pour une organisation hybride, avec une partie des données centralisée. Cette Data est agrégée et traitée en central pour être ensuite mise à disposition. Parallèlement, la Factory “équipe les marques et géographies avec les outils et les données pour qu’elles soient autonomes” dans la manipulation.
Une nouvelle stack technologique construite autour de Snowflake
Ce modèle doit être répliqué au niveau des plateformes elles-mêmes. Celles-ci ont été “profondément modernisées”. Premier choix structurant : le cloud, motivé par la recherche d’élasticité financière et en termes d’infrastructure, et d’agilité pour la conduite de nouveaux projets.
Pour combiner mise à disposition simple des données et scalabilité (stockage et CPU sont découplés), la stack se compose de Snowflake, “au cœur de notre architecture de données”. Pour la gestion de la privacy et la conformité RGPD, Accor exploite Privitar.
Pour l’exposition, le groupe a fait le choix de Dataiku (pour les utilisateurs avancés) et de Tableau (plusieurs milliers de licences déployées). La stack technologique est en cours d’intégration d’un catalogue de données pour “l’exposition de nos produits”.
La problématique consiste à présent à favoriser l’adoption du nouvel environnement. Comment ? En promettant une amélioration par rapport au legacy, explique Jean-François Guilmard. Et le progrès, c’est en particulier “une source de données unique et vérifiée” permettant de prendre des décisions comprises et acceptées de tous.
L’appropriation dépendra aussi de la capacité à “lancer des initiatives clés, comme de l’hyperpersonnalisation pour nos clients, un enjeu très fort pour Accor, ou pour nos hôteliers avec des services qui les aident à comprendre l’activité dans leur hôtels et de se comparer.”
Le Data Mesh pour définir les fondations Data
Afin de guider sa démarche et ses opérations, la Data Factory a pris pour inspiration le Data Mesh. Au niveau organisationnel, cela se traduit chez Accor par des équipes Data organisées en domaines métiers. Ces spécialistes sont réunies au sein de tribus (distribution, fidélité, corporate, finance, canaux directs…).
Pour ces équipes dédiées par domaine, la donnée est appréhendée comme un produit. Cela a pour effet un “changement profond sur la manière dont nous concevons nos solutions Data. Nous ne sommes plus en mode projet, mais en mode produit (…) Un produit ce doit être désirable, documenté, accessible et centré sur les usages et utilisateurs.”
Le Data Mesh se traduit enfin chez Accor par la définition d’une gouvernance fédérée, reposant sur des rôles de data managers et de data stewards. Ces derniers sont garants de la qualité des données et déclenchent les projets associés. Les Data Stewards constituent une fonction nouvelle chez Accor.
Enfin, quatrième pilier du Data Mesh : l’infrastructure data as a service. La plateforme est gérée par une même équipe. Sa mission est de fournir aux différents domaines une stack commune et générique, pour prévenir la multiplication des solutions technologiques et garantir l’interopérabilité des données et produits entre les Data Domains.
Pour Accor, 2023 sera consacrée à l’implémentation du Data Catalog, mais aussi à la mise en production de multiples cas d’usage data science à destination des hôtels et des clients finaux, notamment dans le secteur de la personnalisation. Le groupe prévoit aussi de décomissionner ses briques legacy. “2023, sera une année de capture accélérée de la valeur”, conclut Alix Boulnois.