- Type d'évènement : Dîner-débat
- Date : 07/10/2014
- Info supplémentaire :
Par Nathalie Foulon, le 7 octobre 2014 – Photos Gilles Vautier
Le client a pris le pouvoir. Il est désormais au cœur des stratégies des assureurs qui déploient des outils technologiques au service de leur relation client. Accès multicanal, optimisation des outils CRM, regroupement de moyens entre les acteurs pour faire face à une concurrence exacerbée, fin des clauses de désignation des branches professionnelles,…le marché de l’assurance est en pleine mutation. L’adaptabilité des acteurs à ces nouvelles tendances est alors essentielle. D’autant plus que les mesures réglementaires se multiplient. Dans ce contexte, les outils numériques sont plus que jamais indispensables pour gagner en compétitivité et accompagner les nouveaux modes de relation.
Quel est l’impact du numérique sur le métier des assureurs ? Quels sont les enjeux de ces mutations ? Comment s’adapter aux évolutions de demain ? Telles sont les questions qui ont été abordées par les participants du dîner organisé par Alliancy, le Mag, le 22 septembre 2014 à Paris dans les locaux de la rédaction.
1 – Appréhender les évolutions du marché de l’assurance santé
« Le comportement de nos adhérents a énormément changé. La jeune génération notamment d’infirmiers qui sort de l’école est ainsi beaucoup plus tournée vers le numérique avec une explosion de la fréquentation d’internet et des réseaux sociaux. Cette génération a de plus en plus de contacts avec nous via les outils numériques. Cela constitue une tendance qui remonte à quelques années et que nous commençons à peine à appréhender. Comment nous adapter alors à ce nouveau mode de relation et quelles seront les orientations pour demain ? » Sylvain Chapuis, directeur général de la MNH (Mutuelle Nationale des Hospitaliers)
« La vocation du groupe Istya est de développer des solutions de gestion commune, tout en préservant l’identité de chacune des six mutuelles qui le compose. Chaque mutuelle n’a pas forcément les moyens de déployer des innovations à elle seule. D’autant plus que le niveau affinitaire sur lequel ont vécu ces mutuelles de fonctionnaires n’est plus le même. Aujourd’hui, pour garder sa légitimité de mutuelle professionnelle, il est nécessaire de disposer d’outils, de moyens, de services, adaptés à la demande du marché. » Antoine Catinchi, directeur général adjoint d’Istya
« Alors que les besoins de nos adhérents évoluent, que le nouveau référencement approche, nous devons répondre aux attentes, les anticiper, sous le prisme de la digitalisation et de ses applications. Notre réflexion doit pour cela nous conduire à développer les nouveaux moyens technologiques et services digitaux, et en parallèle, continuer à accompagner nos adhérents sur le terrain, en développant la proximité. En tant que membre d’Istya, nous abordons ces sujets au sein du groupe. » Jean-Claude Rouyre, directeur général de la MGEFI (Mutuelle Générale de l’Economie, des Finances et de l’Industrie)
« Nous devons proposer une interface pour des distributeurs qui ont besoin de retrouver du lien avec leurs clients. Le numérique, la digitalisation peuvent être perçues sous plusieurs aspects, les gains de productivité, la relation client mais aussi comme un moyen de redonner du sens à des réseaux de points de vente physiques. » Roger Mainguy, directeur général d’April Santé Prévoyance
« Nous traitons et analysons des données de santé en tant que gestionnaire. Par exemple, cela nous a conduit à mettre en place des études sur l’absentéisme chez nos clients. Autre exemple, les entreprises qui vont devoir fournir en 2016 à tous leurs employés des complémentaires Santé. Les courtiers pourront intervenir notamment dans une approche B to C via des surcomplémentaires, pouvant être multicanales. » Jean-Pierre Wiedmer, président de Mercer France
« Les réseaux physiques, le digital, l’e-commerce ne sont pas concurrents mais complémentaires. Mais pour combien de temps encore ? En effet, nous remarquons que la jeune génération achète uniquement via l’e-commerce. C’est une évolution que nous devons accompagner dans les 10-15 ans au fur et à mesure que cette jeune génération va devenir consommatrice. Notre réseau physique de fait va s’amoindrir dans le temps. » Sylvain Chapuis, directeur général de la MNH
« Créé il y a 20 ans, notre groupe s’est développé dans le secteur informatique, tout d’abord bancaire. Notre relation de proximité avec nos clients nous a permis de développer des logiciels de niche. Depuis 5-10 ans, nous travaillons sur lesecteur de la santé, d’une part sur les traitements des flux -liés aux dysfonctionnements, à la fraude,…- et d’autre part, sur la prévention. Nous sommes attentifs aux futures évolutions réglementaires, à l’accroissement de l’évolution des usages, à l’arrivée de nouveaux supports, générateurs de nouvelles opportunités pour les assureurs, contexte qui nous permet de mettre en avant notre capacité d’innovation et d’agilité. » Pascal Denier, Président directeur général d’Elcimaï
2 – Réglementation : Quels sont les impacts et les enjeux pour les assureurs santé ?
« La réglementation nous conduit à nous remettre en question et à réexaminer nos champs d’intervention, nos fondamentaux et comment y développer de la valeur ajoutée pour nos adhérents. L’ANI (Accord National interprofessionnel) nous oblige à nous reconsidérer et à apporter des réponses adaptées pour les adhérents de notre mutuelle professionnelle concernés par ce dispositif. » Jean-Claude Rouyre, directeur général de la MGEFI
« J’ai le sentiment que ce n’est pas le réglementaire qui impacte notre métier mais c’est surtout le jeu de la concurrence entre les mutuelles, les assureurs, les institutions de prévoyance, qui a bouleversé le marché depuis une dizaine d’années. » Sylvain Chapuis, directeur général de la MNH
« C’est vrai que l’ANI impacte fortement le marché de l’assurance, mais la démographie vieillissante de la population va également forcément bouleverser le secteur. Au niveau de la réglementation, elle évolue et on peut regretter que les décrets d’application aient un peu de mal à sortir au même rythme. » Jean-Pierre Wiedmer, président de Mercer France
« Les organismes de protection sociale complémentaire ont historiquement mis l’accent sur leur valeur ajoutée sociale plutôt que sur leur valeur ajoutée économique. Nous sommes en train de transformer notre métier afin de rééquilibrer cette valeur ajoutée économique, à la fois à travers la gestion du risque –pour autant qu’on nous permette de le faire– et de la prise en charge de services, avec par exemple, des programmes de bien-être dans les entreprises. L’accès aux données publiques en matière de santé est nécessaire pour mettre en place ces actions, pour autant il reste difficile à obtenir, ce qui n’est pas conforme, me semble-t-il à la législation. » Guillaume Sarkozy, délégué général de Malakoff-Médéric
« L’utilisation de certaines données réglementées commence à changer. Par exemple, en Angleterre une personne peut choisir délibérément de communiquer et monnayer ses données individuelles à des sociétés (exemple datashake.uk.com ou datacoup.com…). Ce n’est pas encore le cas en France mais il n’y a plus grand chose d’impossible». Guillaume Lemele, directeur des pôles logiciels de MMA Assurances
« Les objets connectés ne servent à rien tant qu’il n’y a pas de traitement des données. La question est alors de savoir ce qui empêche l’émergence de ce modèle économique ? D’une part, il me parait important que des acteurs permettent de donner du sens aux données. Et d’autre part, que l’on s’intéresse à travers ces données aux usages et non à la technologie. Il faut pouvoir apporter à nos clients des accès complétement banalisés à travers le multicanal. Cette révolution est en train de se produire. » Guillaume Sarkozy, délégué général de Malakoff-Médéric
3 – Que prépare le Gouvernement en matière de données de santé ?
« A la suite du rapport de Pierre Louis Bras, membre de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), remis en 2013 à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, cette dernière a mis en place une commission « open data » en santé que j’ai co-animée et qui réunissait une quarantaine de membres issus des différentes parties prenantes –chercheurs, patients, professionnels et établissements de santé, organismes complémentaires,… –. Cette commission a notamment discuté de l’ouverture des données de l’assurance maladie agrégeant tous les remboursements de soins et de séjours hospitaliers des Français de façon non nominative. S’il est impossible de remonter directement au patient, cela peut être le cas de façon indirecte, et il s’agit donc de données sensibles au sens de la loi informatique et libertés.
La Commission a rendu un rapport en juillet 2014 à la ministre, préconisant le développement de publications de données en « open data » anonymes, soit de façon agrégée, -par exemple, au niveau départemental-, soit au niveau individuel mais avec des variables assez floutées pour ne jamais pouvoir remonter à une personne. S’agissant des données exhaustives détaillées, qui comportent un risque de réidentification des personnes, nous avons préconisé d’ouvrir les accès en les régulant. Ainsi, la proposition est que les chercheurs et les acteurs privés puissent y accéder sous la condition que l’étude présente un intérêt public. Le projet de loi santé, que la Ministre présentera en Conseil des Ministres dans les prochaines semaines, comportera en outre une autre condition :concernant les organismes privés, seuls les bureaux d’études – pourront accéder à ces données indirectement nominatives, afin de mieux garantir le respect du cahier des charges en matière de compétences, transparence et absence de conflits d’intérêt. Par ailleurs, la commission n’a pas traité de la question de l’accès parles organismes complémentaires aux données de remboursement de leurs propres assurés –nous n’avions pas été missionnés sur ce sujet–. Cela renvoie aux expérimentations Babusiaux, menées il y a quelques années. » Franck von Lennep, directeur de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees)
4 – Quelles sont les opportunités offertes aux assureurs par le numérique ?
« Il existe de nombreuses possibilités d’opportunités du fait de l’analyse des données, de l’évolution comportementale des individus pour être dans l’immédiateté, de l’économie du partage,… Il s’agit d’une vraie révolution et nous devons nous préparer pour pouvoir accompagner au mieux nos clients. » Jean-Pierre Wiedmer, président de Mercer France
« La mutuelle la plus importante d’Istya, la MGEN, a lancé un programme autour de la gestion du risque et de la prévention auprès d’une cohorte d’assurés sociaux et adhérents qui bénéficieront d’un suivi comportemental et médicalisé lié aux maladies cardio-vasculaires en fonction des critères de risques tels que l’âge et leur situation. La vocation de ce programme est de servir à terme l’ensemble des mutuelles du groupe. » Antoine Catinchi, directeur général adjoint d’Istya
« Nous avons mis en place une cellule pour réfléchir à créer un réseau social pour nos hospitaliers. Plus cette communauté hospitalière prendra forme, plus les hospitaliers qui ne sont pas encore chez nous, auront envie de nous rejoindre » Sylvain Chapuis, directeur général de la MNH
« Ce qui peut être entrepris au niveau technologique n’a plus de limite. Cela ouvre le champ concurrentiel et il faut tenir compte de l’émergence de nouveaux acteurs tels que les moteurs de recherche qui capturent directement des données pour proposer de nouveaux services au détriment du lien historique entre une mutuelle et son sociétaire. » Guillaume Lemele, directeur des pôles logiciels de MMA Assurances
« Si auparavant, on se rendait dans une agence bancaire pour obtenir une Carte bleue, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Tous les produits qui ne possèdent pas de valeur ajoutée ou différentiante sont voués à une forme de dématérialisation. » Roger Mainguy, directeur général d’April Santé Prévoyance
« Les Systèmes d’Information envisagés il y a quelques années sont-ils assez agiles et adaptables pour permettre aux assureurs de remporter leurs enjeux stratégiques ? En matière d’expérimentations, il faut savoir changer de braquet immédiatement si on n’a pas su créer une proposition de valeur ou monétiser le service. Indubitablement, les acteurs qui vont prendre des positions seront ceux qui disposent de services à valeur ajoutée.» Eric d’Andigné, directeur général adjoint d’Elcimaï
Nous remercions, pour leur présence à ce dîner :
- Sylvain Chapuis, Directeur général – MNH
- Antoine Catinchi, Directeur général adjoint – Istya
- Jean-Claude Rouyre, Directeur général – MGEFI
- Roger Mainguy, Directeur général – April Santé Prévoyance
- Jean-Pierre Wiedmer, Président – Mercer France
- Guillaume Sarkozy, Délégué général – Malakoff Médéric
- Guillaume Lemele, Directeur des pôles logiciels – MMA Assurances
- Pascal Denier, Président directeur général – Elcimaï
- Eric d’Andigné, Directeur général Adjoint – Elcimaï
- Franck von Lennep, Directeur – Drees
- Carmela Riposa – Drees
Un dîner organisé en partenariat avec :