Le 3 février prochain se tient l’édition 2021 de l’IBM Cloud Forum dont Alliancy est partenaire. A cette occasion, Agnieszka Bruyère, VP Cloud & Cognitive Software chez IBM France revient sur la maturité du marché cloud et des entreprises, suite à l’accélération connue en 2020. Elle identifie également les principaux axes de transformation qui sont à privilégier pour l’année à venir.
Alliancy. A quel point le cloud vous parait-il avoir été clé pour gérer les effets de bord que la crise sanitaire a eu sur les entreprises en 2020 ?
Agnieszka Bruyère. Quand il est question de l’accélération connue en 2020, la majorité des acteurs parlent en priorité de l’adoption des outils de collaboration. Mais nous avons également vu un changement très fort chez nos clients sur le fonctionnement de leur système d’information de manière générale. Ils se sont libérés des sujets de continuité de services grâce au cloud, ce qui est d’autant plus précieux en temps de crise.
A lire aussi : Pierre Houlès (Renault) : « Depuis quatre ans, nous préparons la plateforme IT à Renaulution »
Cette fiabilité et cette sécurité apportées par le cloud se sont avérés essentielles dans un contexte de forte croissance de l’activité digitale : le nombre de transactions chez les commerçants et les banques a considérablement augmenté par exemple. Les organisations qui avaient déjà une forte empreinte cloud ont été rassurées sur leurs capacités, mais elles ont dû se poser des questions sur comment aller plus loin dans la transformation digitale pour trouver des nouveaux modes d’engagement avec les clients, de nouvelles sources de revenus et améliorer, voire automatiser, les processus d’entreprises. Dans le contexte de crise sanitaire, les entreprises qui n’ont pas encore pleinement défini leur stratégie cloud accélèrent leurs réflexions : où placer le curseur entre les infrastructures internes et externes, comment tirer parti des bénéfices du cloud, quels avantages apporte le cloud hybride ? Nous allons voir en 2021 beaucoup de projets qui vont émerger de ces réflexions.
En France, quels sont pour vous les chantiers les plus importants qui restent à mener ?
Agnieszka Bruyère. Les entreprises abordent en premier lieu la question des nouveaux business à développer, en particulier dans les secteurs qui ont été très touchés par la crise. Les comportements des clients sont amenés à se modifier durablement et les entreprises ne peuvent pas rester passives. On le voit bien par exemple dans le secteur des transports au sens large, où la question des nouvelles mobilités est abordée de façon centrale par tous les acteurs. Les remises en question de modèle se font à tous les niveaux. Avec Renault, nous avons travaillé sur le projet XCEED, pour certifier la conformité des composants d’un véhicule de la conception à la production grâce à la blockchain. Ce genre de modification profonde, avec des collaborations en écosystème beaucoup plus développées, vont être de plus en plus visibles en 2021.
La deuxième tendance, c’est sans doute une réflexion de fond sur les infrastructures pour avoir plus de flexibilité afin de mener de telles transformations. En la matière, il y a une remise à plat des stratégies cloud. En France, on estime à 20-25% la part des applications dans le cloud, mais avec une volonté politique forte d’aller plus loin, et de dépasser les 50% pour atteindre le même niveau que les pays anglo-saxons. Ce bond en avant nécessite de lancer des chantiers ambitieux sur des sujets comme la souplesse, la sécurité, la réversibilité… liés aux technologies cloud.
A lire aussi : Cloud Forum : les CIO Louis Goffaux et Olivier Heitz partagent leurs grands défis cloud pour 2021
Plus précisément, quelles sont les tendances « technologiques » que vous conseillez aux entreprises de surveiller ?
Agnieszka Bruyère. De nombreuses entreprises se posent encore la question du degré que doit prendre leur transformation cloud. C’est pourquoi nous pensons que le sujet du cloud hybride va être très important en 2021. Notre acquisition de Red Hat il y a 18 mois est d’ailleurs une traduction claire de cette conviction. Cette hybridation a été rendue possible grâce à la conteneurisation et à l’orchestration des conteneurs. Red Hat OpenShift s’inscrit dans cette logique : adresser la portabilité en mode multicloud et rendre à l’entreprise le contrôle total sur les briques d’architectures, la sécurité intégrée by design, et la vision de l’ensemble du système d’information. C’est une tendance importante qui se profile partout dans le monde, pas seulement en France France. C’est également grâce à la containerisation que nous voyons émerger les cas d’usages d’ « edge computing » parfois associés à la 5G, et qui font partie des sujets phares en 2021, car ils accompagnent vraiment la tendance lourde du cloud distribué. Avec l’offre IBM Cloud Satellite, notre objectif est d’amener la puissance du cloud au plus près de la donnée, et donc de l’utilisateur. Cette offre permet de déployer et d’exécuter des applications de façon cohérente dans tous les environnements locaux, d’edge computing et de cloud.
A lire aussi : Olivier Heitz (Bouygues Telecom) : « Nous suivons de près les tendances en matière d’hybridation et conteneurisation »
L’autre tendance majeure c’est celle de la protection de la donnée. Avec l’initiative GaiaX, s’est ouvert une réflexion de fond sur la souveraineté de la donnée pour éviter son exploitation inappropriée par des tiers. Cela trouve énormément d’échos auprès des utilisateurs et va a minima clarifier la lisibilité des engagements de réversibilité, de conformité et de transparence des différents cloud providers. Pour IBM, il est évident depuis toujours que la donnée appartient à l’entreprise, que ce soit d’un point de vue usage ou technique. Notre conviction est que cette préoccupation doit se traduire dans les choix que font les entreprises en matière du cloud . Ainsi, notre stratégie depuis 2020 est d’aller vers des clouds sectoriels, qui ont pour spécificité d’adresser les sujets de sécurité et de conformité relatifs à un secteur d’activité, et pas seulement une personnalisation des fonctionnalités métiers. Nous le faisons par exemple déjà pour le secteur des télécommunications ou le secteur des services financiers.
Quelle est la maturité des entreprises sur la question de la conteneurisation ?
Agnieszka Bruyère. Il faut différencier les sujets. La maturité est assez élevée sur la compréhension de la technologie de conteneurisation et de ce qu’elle apporte. Nous travaillons depuis au moins deux ans pour les accompagner sur ce point. Cependant, il devient aujourd’hui nécessaire de passer à la deuxième étape du choix d’une solution adéquate et à une mise en œuvre opérationnelle. Nous constatons qu’au premier semestre 2021, nous sommes entrés dans la phase du choix d’outils. Cette partie-là n’est pas la plus complexe, une deuxième séquence s’ouvrira à partir de la fin de l’année et sera beaucoup plus longue pour réellement mettre en œuvre une stratégie cohérente sur du cloud hybride, en tenant compte des spécificités de l’activité et de la dimension du projet de transformation.
Les DSI doivent-ils selon vous passer de nouveaux messages à leur Comex en 2021 ?
Agnieszka Bruyère. Chez les DSI, il existe une bonne prise de conscience de l’ensemble des enjeux précédemment cités. Ils souhaitent se positionner depuis des années comme enabler de business. Il ne faut pas que cela change : le DSI doit porter la maîtrise des grandes innovations technologiques du marché en gardant la capacité à traduire auprès du Comex la valeur business qu’il va pouvoir en tirer. Trop souvent, ces dernières années, le cloud est resté un sujet d’infrastructure dans les discussions et les métiers avançaient sur la partie business sans la DSI. En 2021, on ne peut plus permettre cette dépossession et pour y arriver, il faut une dimension business systématique dans les projets: il faut comprendre les grandes innovations technologiques et savoir les convertir en valeur pour le business.
Sur un autre front, les statistiques de cybersécurité montreront sans nul doute dans quelques semaines à quel point l’année 2020 a été un record en termes d’attaques. Le DSI doit donc aussi porter plus que jamais cette sensibilité cyber au Comex. Il n’est pas possible de parler de business et d’agilité sans sécurité.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur les évolutions du marché lui-même ? Où se situent les efforts à faire pour les providers ?
Agnieszka Bruyère. La conviction des entreprises sur les bénéfices du multicloud est aujourd’hui avérée. Le but est bien de choisir le meilleur cloud selon des besoins fonctionnels en allant chercher ce qu’il y a de meilleur chez chacun. Le cloud n’est pas une finalité en soi, mais un soutien à la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise. Les aspects de confidentialité, de sécurité de la donnée, de conformité vont peser de plus en plus dans les choix et doivent être à la hauteur pour répondre aux attentes des entreprises, d’où nos investissements dans le Cloud pour le secteur financier et des télécommunications
Puis, nous pensons que le choix des entreprises sera le cloud hybride. Le curseur entre l’adoption du cloud public et du cloud privé dépendra des spécificités de chaque secteur d’activité voire même de l’entreprise.
A lire aussi : Michel Paulin (OVHcloud) : « Un écosystème innovant, digne de confiance à l’échelle européenne, est nécessaire »
Nous travaillons aussi avec des fournisseurs européens du cloud pour permettre d’enrichir leur offre avec certains de nos composants technologiques. L’enjeu en France et en Europe est de faire émerger des catalogues de services assez riches pour attirer massivement les entreprises et ne pas donner l’impression qu’il y a très peu d’alternatives sur le marché. Nous sommes tout à fait ouverts à ces nouveaux types de collaboration sur le marché.
La suite logique de cette réalité d’une multiplicité de providers et de types de cloud est la problématique du multicloud management. Ce sera un enjeu majeur : garder la vision de bout en bout sur plusieurs clouds et sur des environnements privés, que ce soit du point de vue de la sécurité, de la performance ou de la continuité de services. Notre solution de multicloud management permet d’appréhender cet enjeu et nous l’enrichissions continuellement en capitalisant sur les capacités d’intelligence artificielle et notre dernière acquisition, Instana.