Ingénieur de formation, « pur produit » d’Air liquide, Olivier Delabroy, VP Digital Transformation du leader mondial des gaz industriels – présent dans toutes les chaînes industrielles -, mène ce chantier depuis janvier 2016. Retour sur sa vision et ses méthodes.
« Ce que j’aime partager, c’est la façon dont nous avons cadencé la transformation numérique chez Air Liquide. » Ainsi, démarre son intervention* Olivier Delabroy, VP Digital Transformation du groupe, à ce poste depuis trois ans, mais dans le groupe depuis de nombreuses années (il était patron de la R&D avant de prendre en charge le digital).
Partant d’une culture industrielle et technologique forte dans le groupe, il a d’abord jugé très important de prendre le temps d’identifier et de partager les fondamentaux liés à la transformation numérique (quelle création de valeur attendue ?), de définir un cadre, lié aux objectifs stratégiques et un langage commun avant de se lancer, une stratégie appelée « ACE » pour Actifs, Clients et Ecosystèmes. « C’est un temps hyper structurant et important pour y arriver », insiste-t-il. A commencer par l’organisation de learning expeditions pour le PDG, Benoît Potier, aux Etats-Unis (cloud et agilité) ou en Chine (new retail, IA)…
Une disruption venue de l’intérieur
La première phase a ensuite été de mettre en place une gouvernance, dotée des bonnes compétences (notamment en recrutant de nouveaux profils), puis de se lancer en initiant des opérations simples via l’i-Lab (laboratoire d’innovation), puis La Factory (pool de compétences digitales)… Partant du fait que le business et les opérations doivent toujours avancer de concert. Ces deux structures à disposition du core business sont toujours très actives et à la disposition des métiers, même si elles ont depuis beaucoup évolué dans leur finalité.
Ainsi, une des premières grandes réussites du groupe a été de chercher à valoriser les données dont il disposait pour gagner en efficacité sur ses actifs industriels, tout en proposant une relation client potentiellement capable de faire la différence. Le géant des gaz industriels l’a ainsi concrétisée en déployant « Connect » en France, dans le cadre de son programme mondial de pilotage et de monitoring à distance de l’ensemble de ses usines. « Avec nos clients, nous anticipons pour éviter les incidents et programmons ensemble les opérations de maintenance. Ce qui change tout en matière d’efficacité opérationnelle et dans nos relations », précise Olivier Delabroy.
Ainsi, dans un contexte BtoB industriel au-delà du pricing et de la technologie, le groupe a pour objectif de gagner du business en apportant une nouvelle « expérience utilisateur ». « Nous nous sommes concentrés sur l’adoption de nos solutions et avons proposé l’interface utilisateur la plus simple et fluide possible, qui soit à la fois « Safe et Privacy » by design. » (cybersécurité et RGPD)…
Enfin, le groupe a souhaité embarquer l’ensemble de ses collaborateurs dans cette démarche de transformation en travaillant cette fois sur « l’expérience collaborateur », en mettant à disposition de nouveaux outils collaboratifs… (digital workplace).
Une ouverture indispensable pour gagner
En parallèle, Air Liquide a accéléré sur l’open innovation. Ainsi, désormais, le groupe travaille avec une centaine de start-up dans le monde. « En cinq ans, nous avons révolutionné notre recherche, rappelait d’ailleurs Benoît Potier, le PDG du groupe lors de l’inauguration, en septembre dernier, du nouveau Campus Innovation Paris, implanté sur le Plateau de Saclay. Ce site incarne au mieux notre approche d’innovation ouverte, au service de la transition énergétique et l’environnement, la santé et la transformation numérique, tous nos métiers intégrant du numérique aujourd’hui. »
[bctt tweet= »Présent dans 80 pays avec environ 66 000 collaborateurs, @airliquidegroup sert plus de 3,6 millions de clients et patients. En 2018, le chiffre d’affaires s’est élevé à 21 milliards d’euros. » username= »Alliancy_lemag »]De fait, le groupe a totalement repensé son approche innovation avec d’un côté des Labs (i-Lab et la Factory dans Paris ; m-Lab et D2Lab à Saclay) et, de l’autre, ses « Campus de l’Innovation », désormais appelés ainsi pour insister sur leur caractère ouvert et décloisonné et sur le fait que l’on ne parle plus seulement de recherche, mais bien de « développement et de mise sur le marché ».
Sur place, un incubateur/accélérateur de start-up va bientôt accueillir une sélection de start-up deep tech ; en plus d’un partenariat actif du groupe avec Techstars Paris initié l’an dernier, l’antenne française du célèbre accélérateur de start-up américain, dont le modèle unique a permis à plus de 1 000 jeunes pousses de lever plus de 6 milliards de dollars en onze ans…
Et ça marche ! Le groupe vient par exemple de recevoir le Prix de l’Innovation des Rois de la Supply Chain 2019 avec la start-up parisienne Wakeo, pour la mise en place d’une plateforme numérique de visibilité en temps réel sur les flux d’hélium. L’outil temps réel en mode SaaS de la start-up lui a permis de gagner en proactivité et en rapidité d’exécution. Un exemple parmi d’autres…
@Wakeo_shipping et @airliquidegroup remportent le Prix de l’innovation des Rois de la #SupplyChain ! 🏆 Très fiers de cette belle récompense ! @TechstarsParis pic.twitter.com/w83llpkatF
— Wakeo (@Wakeo_shipping) 17 janvier 2019
« Reste que la difficulté pour tous ceux qui transforment, rappelle Olivier Delabroy, est d’éviter d’opposer des enjeux court terme et plus long termes. C’est pourquoi le business doit toujours être à la manœuvre, car c’est lui qui évolue et opère des solutions, et c’est aussi lui qui passe à l’échelle les innovations. C’est pour moi un des marqueurs de réussite. »
* Olivier Delabroy est intervenu au Cercle des Transformateurs d’Alliancy, le 18 mars dernier.
Deux projets dans le domaine de l’« Inclusive Business », Prox au Maroc (oxygène en bouteille pour artisans soudeurs), où le groupe dispose d’une école de soudage depuis 2011 (photo) et Access Oxygen au Sénégal (oxygène pour petites structures de santé) ont vu le jour au sein de l’I-Lab. Ils viennent récemment d’intégrer les business units classiques du groupe, qui souhaitent se développer sur ces marchés que le groupe ne regardait pas auparavant.