Alan, désormais « partenaire santé tout-en-un »

Jean-Charles Samuelian-Werve, cofondateur d’Alan avec Charles Gorintin, revient pour Alliancy sur l’évolution de la scale-up, à l’occasion du lancement d’un nouveau service digital complet dédié à la santé mentale des collaborateurs en entreprise, en partenariat avec de grands sportifs. Explications.

Alliancy. Suite au rachat mi-2021 de la start-up américaine Jour, vous avez lancé Alan Mind, un service digital dédié à la santé mentale des salariés. Est-ce le début du lancement de nouveaux services liés au bien-être dans l’entreprise pour Alan ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. Pour accompagner le lancement d’Alan Mind, nous nous sommes en effet associés à des athlètes, comme le footballeur Blaise Matuidi (1), pour améliorer encore et radicalement l’accès aux soins de santé, personnels et holistiques, pour tous les Européens. Nous pensons que les entreprises les plus performantes ressemblent aux meilleures équipes sportives du monde !

Notre objectif commun est donc de donner à nos membres la possibilité d’obtenir un contenu unique et très inspirant sur l’excellence, la nutrition, les routines et l’intégration travail-vie personnelle. Il faut démystifier tous ces sujets pour les rendre accessibles à tous. Nous le ferons avec des sportifs, mais aussi d’autres profils, comme des politiques ou des comédiens.

Au-delà, penser la prévention et l’accès aux soins de manière ultra-intuitive a toujours été au cœur de notre mission. Mais, pour réaliser cette mission à l’échelle, cela nous prendra plusieurs décennies… Donc, quel est le meilleur chemin pour le faire ? Nous avons commencé par créer l’assurance complémentaire-santé, qui est au centre du système. Depuis plus de deux ans maintenant, nous nous positionnons progressivement en tant que partenaire santé tout-en-un des individus et des entreprises.

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Qu’appelez-vous être un « partenaire santé tout-en-un » ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. Nous souhaitons accompagner nos membres à la fois d’un point de vue préventif (leur rappeler par exemple de faire un check-up au bon moment), leur donner accès aux bonnes informations, mieux les former sur la gestion d’un mal de dos, d’un diabète ou toute autre maladie chronique, penser prévention autant physique que mentale, etc. Maintenant, en effet, nous entrons dans l’industrialisation de la création de cette nouvelle catégorie qui n’existait pas vraiment chez Alan, avec énormément d’investissements pour la rendre accessible et ultra-intuitive au plus grand nombre, d’où le travail que l’on fait avec des athlètes.

Le Covid vous a-t-il fait accélérer en ce sens ou vous l’auriez fait quoiqu’il arrive ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. Nous avions déjà amorcé ce travail juste avant, mais il est clair que cette crise nous a permis d’aller plus vite dans l’itération, même si elle n’a pas changé notre trajectoire. Le Covid a surtout changé la perception qu’ont les citoyens, les dirigeants ou les RH de l’importance de la santé, de la prévention et de l’accès aux soins.

Plus de 90 % des salariés et des Français estiment que les difficultés psychologiques sont de plus en plus répandues au travail (Etude 2022 Harris Interactive pour Alan)

Voyez-vous chez vos clients la prise de conscience atour de l’importance de prendre en compte le bien-être de leurs salariés ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. C’est encore disparate dans la manière dont les entreprises ou les individus le voient. Mais la tendance va vers une compréhension de plus en large du fait que, pour gagner en performance, il faut entre autres que les gens se sentent bien, croient en leur mission… et surtout disposent des outils d’accompagnement à la gestion de leur bien-être mental dans l’entreprise. Cela deviendra un prérequis et une obligation dans la prochaine décennie car ce sera une attente forte des salariés et le retour sur investissement pour les entreprises n’en sera que très positif.

Un des risques serait donc d’opposer bien-être et performance…

Jean-Charles Samuelian-Werve. Absolument. On ne doit pas penser que l’on ne peut pas avoir de bien-être par le travail. La question à se poser est surtout de savoir comment on arrive à faire que le travail soit un amplificateur du bien-être (en agissant pour avoir un impact, avec des gens avec qui on partage ses idées et crée de la valeur, et ce tout a du sens)…

Tout cela demande énormément de travail proactif, de réflexion, d’accompagnement et de culture d’entreprise. Il faut arriver à former l’entreprise, les managers, les salariés… au bon niveau de résilience qui leur permet de passer des étapes et gérer le stress, les conflits ou le syndrome de l’imposteur de manière positive… Et là, on arrivera à créer des environnements qui seront plus sains et productifs. Le risque serait de tomber dans un monde utopique où tout doit être facile.

Vous êtes un offreur de solutions pour les entreprises, d’autres services suivront-ils prochainement ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. Nous ne sommes qu’au tout début de l’aventure d’Alan, même si nous avons déjà construit des fondations solides. Nous nous positionnons à l’échelle du temps très long. Certes, nous proposons déjà notre clinique virtuelle (2) ; vous pouvez aussi commander des lunettes dans l’app ; il y a désormais Alan Mind sur la santé mentale… Nous allons continuer à développer ce type de services et d’autres services complémentaires qui vont du mal de dos à la santé féminine ou masculine, aux maladies chroniques, au sommeil…

Ces évolutions passeront-elles par des partenariats ou resterez-vous sur votre modèle actuel très intégré ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. En général, nous avons une vision très intégrée. Cela permet une expérience supérieure en termes de qualité, de suivi de la data et de proactivité… Je ne pense pas que les gens souhaiteront demain avoir une dizaine d’applications pour gérer leur santé et leur bien-être dans leur smartphone. Ils préféreront n’en avoir qu’une… Notre enjeu est donc de créer cette « super app » ultra-intégrée. Ce qui ne veut pas dire que l’on ne va pas réfléchir à des moyens de très bien intégrer des partenaires à moyen terme, comme cela a été le cas avec le rachat de Jour.

Dans votre secteur, la gestion des données personnelles est un sujet majeur. Quelle est votre position vis-à-vis de vos membres ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. On essaie d’être très transparent avec notre communauté. Et, dans ce domaine, le RGPD est assez clair : il faut du consentement explicite si on utilise la donnée. Ensuite, en matière de sécurité, nous investissons énormément dans nos infrastructures, mais aucune entreprise au monde n’est totalement protégée quand on voit le niveau de profondeur des hackers aujourd’hui…

Au-delà de la France, Alan est également présent en Belgique et en Espagne. La disparité des règles sociales en Europe est-elle un blocage pour vous dans votre expansion à l’international ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. On le voit à la fois comme une difficulté à dépasser et un avantage compétitif. C’était déjà le cas en Belgique et en Espagne quand nous nous sommes lancés et l’on a prouvé notre capacité à comprendre les marchés et à se développer en utilisant une plateforme commune, sur laquelle nous agrégeons ensuite des modules différents par pays. Ainsi, nous pouvons réutiliser les nombreux building blocks que l’on a construits dans chacun des pays, que l’on adapte au marché local. Nous sommes les seuls à le faire dans la santé.

Alan est une entreprise souvent citée pour avoir une culture d’entreprise très forte. Comment la caractériseriez-vous ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. Chez Alan, la culture d’entreprise est le cœur du réacteur. On ne peut pas avoir un esprit sain, sans corps sain et inversement. La mission et la culture se répondent énormément et servent la performance. Maintenant, nous cherchons à être au mieux dans l’excellence avec une obsession que sont nos membres et les citoyens, ce qui veut dire qu’il faut attirer les meilleurs talents du monde, en leur donnant beaucoup de pouvoir de décision.

Pour y parvenir, il faut de l’information, facilement accessible, et de la confiance, ce que nous appelons la transparence radicale. Enfin, une entreprise est un organisme vivant, qui nécessite d’être apprenante en permanence, d’où l’importance de la culture de la croissance personnelle et du feedback pour s’améliorer en continu et nous développer collectivement. Une des conséquences de cela chez Alan est une culture forte de l’écrit, qui permet notamment de travailler en asynchrone, de mieux contrôler son temps et de mieux gérer la responsabilité, d’être plus transparent… Voilà les fondamentaux qui résument nos cinq grandes valeurs affichées.

Dans cette culture d’entreprise que vous déployez et à laquelle peut-être tous les « talents » ne sont pas habitués, qu’est-ce qui est le plus compliqué à mettre en œuvre ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. Tout d’abord, c’est à chaque entreprise de trouver sa culture et sa manière de performer, en passant du temps à y réfléchir. Qu’est-ce qu’elle est ? Pourquoi ? Quelle est sa mission ?… Ensuite, je ne pense pas qu’il faille viser l’inclusivité à outrance, qui dit que toute boîte est faite pour tout le monde. Alan est propre à nous et n’a certes pas vocation à être universelle…

Je pense juste qu’avoir une culture d’entreprise forte est un grand moteur pour se développer. Après, pour revenir à votre question, ce qui est intéressant, c’est de maintenir nos valeurs à l’échelle : comment on maintient la transparence radicale à l’échelle ; comment perdurent les décisions distribuées et la prise de risques… Tout ceci n’est pas toujours simple quand on recrute en continu [entre 100 et 200 personnes d’ici à fin 2023, NDLR] et que les profils viennent d’univers différents.

C’est pourquoi nous communiquons beaucoup sur ces sujets à l’extérieur, tout comme nous tenons à avoir des processus d’entretien et d’on-boarding qui soient les plus affinés possible… Il faut s’assurer que la culture est vécue par tous et tous les jours et que la montée en compétences de chacun soit bien accompagnée. La difficulté est qu’il faut très bien penser tous les détails à chaque instant, de façon à s’améliorer en continu partout.

Alliancy pour ses dix ans souhaite défendre un « numérique porteur de sens ». Est-ce important pour vous une telle prise de conscience collective ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. Encore une fois, tout dépend de l’ambition des entreprises et de la taille qu’elles visent à terme… On ne peut pas imposer les mêmes contraintes à une TPE qu’à une entreprise de 20 000 personnes. A la fin, en tant que chef d’entreprise, il s’agit d’avoir une mission claire et forte et d’en connaître l’impact – positif ou négatif – sur la société. Après, les jugements peuvent diverger. Par exemple, Uber a-t-il eu un impact positif ou négatif sur le transport ? Certains diront oui et d’autres certainement le contraire.

Les entreprises ne peuvent plus réfléchir seulement en terme financier… Pour autant, face aux tensions sociétales, c’est aussi un risque de vouloir que les entreprises règlent tous les problèmes. Il est donc très important de trouver cette bonne tension en étant à la fois inclusif, portant des valeurs fortes, essayant d’innover pour le système… tout en ne se perdant pas en essayant de servir toutes les causes à la fois. Chaque entreprise doit choisir ses combats, chacun à son échelle et à sa manière. C’est ce qui fera son succès à condition que les collaborateurs soient alignés sur la mission commune.

Sentez-vous que les salariés attendent autre chose de leur employeur aujourd’hui ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. On attire peut-être un public particulier, mais il est vrai que l’on voit une évolution pour parler de ces sujets et ils attendent qu’on les traite avec intelligence. Comment gère-t-on notre impact environnemental par exemple ? C’est une vraie préoccupation en interne. De même sur la diversité ou la santé mentale. Comment bien le faire au service de la mission ? L’objectif étant d’agir le plus efficacement possible à notre échelle.

Et pour avancer collectivement sur ces sujets, voyez-vous des solutions ? Cela doit-il passer par l’Etat ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. L’action publique est nécessaire et importante, mais pas systématiquement. La transparence et l’honnêteté vis-à-vis de l’extérieur – sur qui on est et comment on fait les choses… – vont être les valeurs qui régulent le mieux le système et de manière plus efficace.

Un dernier point que nous aurions oublié ?

Jean-Charles Samuelian-Werve. Oui ! Du fait des tensions internationales et économiques actuelles, on a peut-être l’impression que le futur est morose, mais nous sommes aussi dans un moment de potentiel de transformation pour le meilleur grâce à l’innovation et c’est le leadership par l’optimisme réaliste qui aidera à améliorer le tout. C’est important de le redire je pense.

(1) Ce lancement se fait avec le soutien des fonds de capital-risque Origins de Blaise Matuidi (soutenu par plus de 50 athlètes professionnels de haut niveau dans le foot et le rugby dont Paulo Dybala, N’Golo Kante, Olivier Giroud ou encore Antoine Dupont) et Teampact Ventures, qui rentrent au capital (série E) de l’entreprise à hauteur de quelques millions d’euros.

(2) La clinique Alan est un lieu d’échanges, d’accueil et d’orientation par messagerie instantanée avec des professionnels de santé, ouvert à tous les assurés, disponible gratuitement, 7 jours sur 7, et sans limite.