Ducray est l’une des principales marques dermo cosmétique de Pierre Fabre, le deuxième laboratoire pharmaceutique indépendant français. Depuis quelques années, le spécialiste de la dermo cosmétique doit changer son rapport aux clients utilisateurs de ses produits. Une philosophie qui amène des changements technologiques et culturels. Alexia Clémenceau, responsable institutionnel et digital détaille ces conséquences.
Alliancy. Au milieu de toutes les transformations que vit votre secteur, quel est le plus important enjeu actuel de Ducray ?
Alexia Clémenceau. Nous sommes la seule marque du groupe Pierre Fabre à traiter à la fois les pathologies liées à la peau et aux cheveux. C’est une dualité que nous devons arriver à traduire dans le nouveau rapport que nous voulons avoir avec notre client final, l’utilisateur de nos produits. Celui-ci achète nos soins sur la prescription d’un dermatologue, pour répondre à un seul problème, par exemple l’acné. Pourtant, un adolescent qui en souffre aura sans doute également des problèmes au niveau du cuir chevelu au cours de sa vie. Il faut donc que nous arrivions à faire rebondir ce patient intelligemment entre nos différentes gammes de soins.
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Pourquoi cela serait-il particulièrement un défi ?
Alexia Clémenceau. Le mode de distribution indirect a toujours prévalu dans notre métier, avec des produits vendus en pharmacie et parapharmacie. Ce n’est que très récemment que nous avons pris le parti d’assumer un véritable parti-pris BtoBtoC. Le premier site internet de Ducray date de 2012 seulement ! Nous avons profité de la refonte de la marque en 2017 pour changer la donne. Nous avons demandé à SQLI qui travaillait déjà avec le groupe depuis 5 ans, de nous accompagner sur la transformation de ce site internet à l’aune de cette nouvelle stratégie d’attention client.
Qu’a impliqué cette stratégie ?
Alexia Clémenceau. Notre enjeu principal est d’adopter une posture de conseil beaucoup plus proactive vis-à-vis des clients, en particulier sur notre nouveau site internet. En tant que fabricant, c’est par ce canal que nous avons nos principaux et précieux contacts patients. Au-delà des aspects ergonomiques et de présentation de la dualité de la marque, tous deux très importants, nous avons mis en place un chat communautaire. Celui-ci permet d’échanger avec les autres clients quand quelqu’un a une interrogation sur un produit ou une pratique. Notre ambition est de donner à ces clients un véritable statut de « coach » et de mettre en place un programme qui permette de faire vivre cette coopération avec eux sur le long terme. Nous avons aussi innové fondamentalement en permettant à nos clients de poser directement une question à Laëtitia Liegard, notre responsable de communication médicale, par l’intermédiaire de ce chat. Cela a représenté un véritable changement de métier pour elle, avec la création de ce lien direct. Nous avons abattu les barrières et nous pouvons aujourd’hui avoir des retours immédiats des patients plutôt que d’avoir une remontée sur toute la chaîne depuis leurs échanges avec les pharmaciens.
Avez-vous évalué la possibilité d’utiliser un chatbot pour répondre à ces enjeux ?
Alexia Clémenceau. Oui et nous avons expérimenté sur le sujet. Mais les questions qui nous sont posées sont en majorité bien trop spécifiques pour qu’un chatbot puisse être un vrai différenciateur. Finalement, il renvoyait la plupart du temps vers un interlocuteur humain afin d’apporter une réponse personnalisée.
Et comment a été accueilli le changement culturel demandé à une responsable de communication médicale ?
Alexia Clémenceau. Très bien ! La démarche est valorisante en termes d’expertise et d’attention portée au client. En revanche, il a fallu trouver le moyen de dégager du temps pour qu’elle puisse remplir cette nouvelle mission. Même avec la création d’un référentiel autour de 50 questions « types » pour la France, c’est un effort qui n’est pas anodin. Notre objectif est cependant de montrer à toutes nos autres entités pays comment installer un tel système. Cela nécessitera à chaque fois des adaptations culturelles sur les réponses, mais aussi la présence locale d’un directeur médical.
Le site internet incarne-t-il un changement plus global au niveau de votre métier ?
Alexia Clémenceau. Tout à fait. Sur le site, nous amènerons des contenus de conseils pratiques courant 2019 pour permettre de « mieux vivre au quotidien », qui est la promesse de notre marque. Nous voulons vraiment apporter une différence par rapport à un article Doctissimo ou Wikipedia. Mais notre métier change aussi dans notre façon de commercialiser nos soins. Si le premier achat d’un patient est souvent en magasin physique, les réachats sont plutôt online. Du fait de l’opacité des chiffres des grossistes nous ne pouvons cependant pas affiner notre stratégie sur le sujet. C’est pour cela que nous envisageons de faire dorénavant des contrats de distribution directe avec de grands sites e-commerce, auprès desquels nous avons un double enjeu de maîtrise d’image de marque et d’accès à la data anonymisée. En échange, notre posture de conseil et d’expertise peut avoir une vraie valeur qui amène de la fidélisation pour leurs clients, plutôt que d’avoir seulement une approche de merchandising produit. Il faut trouver les partenariats équilibrés. C’est un enjeu que nous avons en parallèle avec celui de l’internationalisation de notre écosystème digital. Début 2019, ce seront 25 pays qui se seront emparés de notre nouveau site et de la nouvelle stratégie dont il est le point de départ.