Accepter les changements contractuels et les hausses tarifaires imposés par Broadcom n’est pas une fatalité. Il existe plusieurs technologies pour substituer vSphere, tant chez les éditeurs commerciaux que du côté de l’open source.
Pour beaucoup d’entreprises, les changements de mode de licensing et de tarifs annoncés par Broadcom ont eu l’effet d’un électrochoc. Pour certains fournisseurs de services cloud, les augmentations demandées par le repreneur de VMware remettent en cause leur business model. Or des solutions de substitution à VMware, il y en a et même… beaucoup. Certains iront voir du côté des géants du logiciel comme Microsoft avec Hyper-V et System Center, Citrix avec Citrix Hypervisor et XenServer, ou encore Nutanix, qui semble l’un des premiers gagnants du mouvement de migration pour quitter VMware. Lors de la conférence .Next 2024 de Nutanix à Barcelone (Espagne) du 21 au 23 mai dernier, Nutanix annonçait que Computershare avait réalisé la migration de 24 000 machines virtuelles sur AHV, son hyperviseur maison. En France, peu avant les annonces de Broadcom, Cdiscount migrait 4 000 VM sur Nutanix en quelques mois. Jean-Luc Vegrinne, account sales representative chez Nutanix, explique le positionnement d’une offre bâtie sur la notion d’hyperconvergence : « Nous ne proposons pas à nos clients de repartir d’une page blanche, mais de migrer petit à petit en fonction de leurs cas d’usage. Lorsque je suis arrivé chez Nutanix il y a deux ans et demi, 70 % de nos clients utilisaient VMware sur Nutanix pour 30 % qui préféraient notre hyperviseur AHV. » Pour Nutanix, l’hyperviseur est désormais une commodité, car la console Nutanix permet de piloter des VM AHV, le format de l’éditeur, mais aussi des machines virtuelles VMware, Hyper-V.
Une pléthore de projets open source en lice…
L’écosystème open source est certainement le vivier d’offres concurrentes à vSphere le plus riche. Proxmox, par exemple, est une solution open source dont on parle énormément en ce moment. Grégory Bernard, DG de DynFi, gold partner de l’éditeur explique comment Proxmox peut remplacer VMware dans les entreprises : « Proxmox permet de construire des infrastructures de cloud privées ou publiques de tailles petites et intermédiaires. La solution est robuste et mature, basée sur KVM, une solution de virtualisation qui est pratiquement aussi ancienne que celle de VMware. Elle permet une gestion efficace des charges de travail, et offre une excellente interopérabilité et ouverture. » Le logiciel peut être téléchargé et essayé gratuitement, dispose d’un support de type « entreprise » et d’un écosystème de partenaires relativement important. L’atout de l’open source est bien évidemment d’éviter tout risque de lock-in sur les licences logicielles, mais ce choix pose la question du support. Il est nécessaire de s’assurer qu’un support de type « entreprise » est disponible, soit auprès de l’éditeur dans le cas où le projet open source s’adosse à une entreprise commerciale, soit auprès d’intégrateurs en France lorsqu’un support de proximité en français est recherché.
« L’écosystème open source est certainement le vivier d’offres concurrentes à vSphere le plus riche »
… accompagnée d’un changement de paradigme
Enfin, l’open source pousse les DSI à changer d’approche dans leur façon de consommer du logiciel. « L’open source implique un changement de paradigme, estime Grégory Bernard. Cela peut nécessiter de s’impliquer dans le développement de la solution. Vous bénéficierez du support de Proxmox qui assure le développement de la solution, mais cela ne signifie pas que vous n’aurez pas à vous impliquer dans une stratégie de développement de ces briques. Même s’il s’agit d’une solution mature, il y a toujours des éléments à améliorer et à développer. » Proxmox est loin d’être le seul concurrent crédible de VMware dans le clan open source. On peut ajouter OpenNebula, OpenStack, XCP-ng. Cette dernière fait partie de l’offre du français Vates qui rassemble dans son Vates Virtualization Stack XCP-ng, Xen Orchestra et la solution d’hyperconvergence Xostor. Enfin, Red Hat pousse désormais sa solution OpenShift Virtualization auprès des entreprises à la recherche d’une voie de secours face à Broadcom. Jusqu’à maintenant, Red Hat poussait OpenStack sur le marché en tant que solution d’hébergement de conteneurs logiciels, mais l’attitude de Broadcom l’a conduit à réinvestir sur OpenShift Virtualization. L’éditeur développe tout l’outillage périphérique nécessaire pour transformer cette solution relativement basique en une alternative crédible à vSphere.
Chaque solution de virtualisation dispose d’outils d’import de données afin de simplifier les projets de migration depuis VMware vSphere. Migrer des VM vers un autre format est désormais considéré comme une commodité.
Les conteneurs, cette alternative technologique à la VM vSphere
Avec ces deux offres, Red Hat mise sur la complémentarité entre la virtualisation et les conteneurs, une cohabitation qui est clairement dans l’air du temps. Proxmox, par exemple, met en œuvre Linux Containers LXC pour proposer aussi l’hébergement de conteneurs sur sa plateforme. Les conteneurs apparaissent aussi comme une approche pour quitter le monde VMware, mais ils sont la base des architectures IT de demain. Des DSI se sont lancées dans la migration de leurs infrastructures virtualisées vers des architectures Kubernetes, mais toutes ne sont pas prêtes à franchir ce pas. « Il s’agit d’un vrai changement de paradigme sur la façon de penser et d’opérer l’IT », estime Jean-Luc Vegrinne. Tout basculer sur des conteneurs implique de franchir une marche qui est assez haute. C’est une vague de fond. Pour les applications cloud natives et les microservices, les conteneurs sont une alternative possible. Néanmoins, migrer l’ensemble d’un SI sur des conteneurs reste complexe à mener. » L’analyse est la même chez Fabien Marteau, head of group product and service strategy chez Adista (« partenaire Premier VCSP » de Broadcom) : « En tant que cloud service provider, la conteneurisation est clairement l’avenir de l’usage des ressources informatiques et si les VM ont tué les serveurs physiques, les conteneurs feront de même aux machines virtuelles. Il faut proposer cette alternative à nos clients. La bascule s’opère beaucoup plus vite chez les Anglo-Saxons, mais la conteneurisation est clairement la solution d’avenir. »
Fabien Marteau, head of group product and service strategy chez Adista
« Nous constatons une accélération forte de la conteneurisation, y compris chez les PME et PMI. De plus en plus d’applications qu’elles achètent sont déployées sur ces infrastructures et elles ont besoin de solutions de conteneurisation. Actuellement, notre offre Kubernetes marche assez fort et l’affaire Broadcom incite nos clients à accélérer leurs programmes de transformation vers les conteneurs. »
Une migration des réseaux virtuels non dénuée de difficultés
Les offres concurrentes à vSphere sont nombreuses et chacune d’elles propose des outils pour migrer des VM vSphere. C’est notamment le cas de Nutanix avec la solution Move. « Comme le dit mon DG, la migration des VM est aujourd’hui un no-brainer », explique Jean-Luc Vegrinne. Tout le monde considère qu’un simple « lift and shift » de VM n’est pas un projet très complexe. Par contre, migrer un centre de données mettant en œuvre la stack complète VMware avec NSX et/ou vSAN est bien plus ardu. « Le point sensible, c’est la partie NSX, le volet réseau de l’offre VMware qui reste une solution unique en matière de paramétrage. Nous avons un équivalent, mais il ne s’agit pas d’une migration 1 pour 1 ? Le réseau est clairement un point de vigilance dans un tel projet. » Impossible de basculer de manière automatisée une architecture de réseau virtuelle portée par NSX. Là encore, il existe des solutions de substitution, mais cette opération est bien plus délicate et nécessite le lancement d’un véritable projet. « Faire un passage de VM à VM n’est pas suffisant, il faut réfléchir à la cible et à ce vers quoi on souhaite amener son data center. Généralement, il s’agit d’ajouter de l’agilité et de l’automatisation via de l’infrastructure en tant que code à l’occasion de ces projets. »
Stéphane Hertault, Aruba DCN sales leader chez HPE, partage cette analyse : « La partie réseau est incontestablement la plus complexe à migrer, mais aujourd’hui on peut tout à fait se passer de NSX et virtualiser le réseau autrement. Ainsi, notre solution Aruba Fabric [Composer] s’intègre complètement à l’environnement VMware vSphere et peut délivrer la cartographie d’un système, de la VM jusqu’au port du switch. Cela permet de mieux comprendre comment migrer et se déparer des services mis en œuvre sur NSX, notamment la microsegmentation dans les DPU, les traitements est-ouest, les firewalls, des choses qui sont importantes à mettre en œuvre dans un data center. » HPE Aruba a intégré des DPU (unités de traitement des données) sur ses commutateurs top-of-rack (ToR) qui interconnectent les serveurs. « Cela permet de faire de la microsegmentation, du firewall distribué sur l’ensemble de la fabrique. Cela offre une alternative à la virtualisation réseau intégrée dans les hyperviseurs, afin de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. » Cette virtualisation du réseau travaille au niveau de flux et peut fonctionner tant pour les environnements VMware que pour Nutanix, Proxmox, XCP-ng, etc.
Si la migration de VM ne pose guère de problèmes techniques d’un environnement de virtualisation à un autre, c’est le volet réseau, et plus particulièrement la brique VMware NSX, qui demande le plus de travail, car elle n’a pas d’alternative directement équivalente.
Enfin, une migration de VMware vers les offres IaaS est une voie possible. Jusqu’à peu, l’offre Amazon Web Services (AWS) for VMware apparaissait comme une solution particulièrement séduisante pour migrer des VM vers le cloud sans heurt, mais l’attitude de Broadcom pousse désormais AWS à conseiller ses clients de migrer vers EC2. Néanmoins, opter pour des instances AWS, Microsoft Azure ou Google Cloud a de moins en moins d’adeptes face à l’essor des conteneurs. Si elle élimine le volet hardware de l’équation DevOps, l’approche IaaS pose les mêmes challenges que la virtualisation en matière de maintenance des serveurs, mais peut aussi réserver quelques surprises à la réception de la première facture cloud.
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