Le projet J.E.D.I. – Joint European Disruptive Initiative – lancé dans un premier temps entre la France et l’Allemagne – doit permettre à l’Europe de développer rapidement des innovations de rupture, habituellement élaborées sur le long-terme. André Loesekrug-Pietri, ancien conseiller spécial de la ministre des Armées, fondateur du fonds d’investissement A.CAPITAL et à l’initiative du projet, en détaille les objectifs.
En quoi consiste le projet J.E.D.I. ?
André Loesekrug-Pietri. Il s’agit d’un outil européen agile – doté de circuits décisionnels courts pour prendre des décisions en quelques jours – destiné à financer et accompagner l’innovation de grands groupes et de start-up / PME travaillant sur des briques technologiques afin d’obtenir des innovations de rupture aboutissant à des changements de business-modèles. Au lieu de commencer avec les 27 membres de l’Union européenne, nous démarrerons dans un cadre franco-allemand, c’est un bon compromis pour éviter toute complexité et ces acteurs ont l’habitude de discuter ensemble. J.E.D.I. ne sera pas un centre de recherche supplémentaire, il représente plutôt une manière exigeante de financer des sujets orientés sur le long-terme ou trop risqués pour que le privé puisse s’y engager, les fameux moonshots. Son financement sera effectué par les États, qui contribueront ainsi à créer des prototypes repris par le privé et des industriels.
Pourquoi une telle initiative vous paraît-elle indispensable ?
André Loesekrug-Pietri. Aux États-Unis, la Darpa a révolutionné la manière de faire de l’innovation. Elle a été à l’origine d’Internet, du GPS ou du véhicule autonome. Nous voulons nous en inspirer pour encourager l’innovation et ne pas laisser l’Europe se faire distancer alors qu’elle possède tous les talents. Car les innovations de rupture constituent un véritable avantage concurrentiel pour nos entreprises, et une obligation tant la valeur se concentre de plus en plus sur les leaders, « winner takes all ». J.E.D.I. a reçu un très bon accueil, et depuis le discours du président français qui a lancé un chantier sur l’innovation de rupture, de plus en plus de pays sont intéressés. Pour simplifier, l’Allemagne, qui est spécialisée dans le hardware, s’intéresse notamment à la manière de rattraper son retard dans le software et la data, là où la France a une carte à jouer.
Sur quels projets allez-vous travailler ?
André Loesekrug-Pietri. Sélectionner un nombre limité de projets est un facteur clé de réussite. Nous définirons ainsi des priorités pour ne pas disperser nos efforts et travailler dans une approche pilotée par l’écosystème et non par des intérêts technocratiques. Nous nous concentrerons par exemple sur l’ordinateur quantique, qui va renverser la donne en cybersécurité, sur l’intelligence artificielle, la cybersécurité et les biotechnologies. Dans le choix des projets, nous serons exigeants sur le critère temporel car l’objectif est d’être les premiers sur le marché. Nous ne sélectionnerons ainsi que des projets de vraie rupture et visant à développer des prototypes, et nous nous sommes fixés pour objectif d’accorder un financement à chacun d’eux compris entre 1 et 30 millions d’euros.De très nombreuses start-up « deeptech », de grands groupes technologiques comme Safran ou Thalès, et des centres de recherche ont rejoint notre Comité de Pilotage, comme le Centre national d’études spatiales (CNES), l’Inria et son équivalent outre-Rhin, le Centre de recherche allemand pour l’intelligence artificielle (DFKI).
Retrouvez la présentation d’André Loesekrug-Pietri et la réaction d’Antoine Petit, PDG de l’Inria :