Robotique – Nouveaux espoirs pour la chirurgie

Robotique – Nouveaux espoirs pour la chirurgie

Le CHU de Limoges (Haute-Vienne) a été l’un des premiers établissements français à acquérir le robot chirurgical da Vinci surgery

L’assistance du robot rend la chirurgie moins invasive pour le patient. Elle offre un plus grand confort au praticien et améliore le taux de réussite des opérations. Forte de ses atouts, la robotique chirurgicale est appelée à croître.

 

« A l’heure où se développe la télémédecine, il est inimaginable qu’il n’y ait pas d’applications à la téléchirurgie. » Le professeur Jacques Marescaux prêche évidemment pour sa paroisse. Premier chirurgien à avoir effectué, en 2001, l’opération transatlantique Lindbergh avec l’aide d’un robot Computer Motion et du réseau terrestre de fibres optiques à haut débit (associé au système ATM de transmission) de France Télécom, il est particulièrement convaincu que la robotique chirurgicale connaîtra un formidable essor dans les années à venir.

Actuellement, un robot monopolise le marché de la chirurgie abdominale. « da Vinci », développé et vendu depuis 2003 par la société américaine Intuitive Surgical, figure en tête des convoitises de nombreux établissements de santé. Mais son coût, d’environ 2 millions d’euros selon le modèle, fait naturellement réfléchir les hôpitaux en ces périodes de restrictions budgétaires.

Le centre hospitalo-universitaire (CHU) de Limoges, en Haute-Vienne, a pourtant rapidement fait le choix du da Vinci. Ce robot aide à réaliser quelque deux cents opérations annuelles. Cette année, l’hôpital limousin a même fait l’acquisition de la deuxième génération du da Vinci. « C’est un robot à plus forte dimension universitaire en raison de la présence d’une double console facilitant la formation des internes, explique Damien Dumont, directeur de projets au sein de l’établissement. Par ailleurs, les nouvelles fonctionnalités de ce nouveau robot entraînent de nouvelles indications, dans des spécialités restées à l’écart de la chirurgie robotique, la chirurgie cardiaque notamment. »

 

Bientôt la fin d’un monopole

Côté business, les chiffres d’Intuitive Surgical ont de quoi faire tourner les têtes. En dix ans, plus de deux mille établissements ont été équipés dans le monde et la compagnie (qui a depuis racheté Computer Motion) annonce une croissance annuelle de l’ordre de 25%. Son chiffre d’affaires annuel s’élève à 1,7 milliard d’euros, alors que sa valorisation boursière culmine à 15 milliards d’euros au Nasdaq ! Force de la société : « Aucun client ne compte pour plus de 10% des volumes de ventes ces trois dernières années », indique Intuitive Surgical dans son dernier bilan lequel précise que 130 millions d’euros (170 millions de dollars) ont été consacrés à la R&D en 2012.

« Cette entreprise est aujourd’hui en situation de monopole, décrypte Jacques Marescaux. Mais, beaucoup de brevets vont tomber dans le domaine public l’an prochain. » Ainsi les Canadiens de Titan Medical et Imris, les Italiens de Sofar, ou encore les Coréens de Meere travaillent à la conception de robots chirurgicaux aptes à concurrencer Intuitive Surgical. Par ailleurs, comme le reconnaît elle-même la firme américaine, « des entreprises ayant une substantielle expérience dans la robotique industrielle pourraient se développer dans le domaine de la robotique chirurgicale et devenir concurrents. »

En France, une PME a fait beaucoup parler d’elle ces derniers mois dans le secteur. La société montpelliéraine Medtech (lire interview de Bertin Nahum, président de Medtech : Des robots par spécialité) s’est retrouvée sous les feux de la rampe fin 2012 quand une revue éducative canadienne a classé son président et fondateur, Bertin Nahum, parmi les dix entrepreneurs high-tech les plus révolutionnaires du monde. Une aubaine pour la PME qui, grâce à cette exposition médiatique, a pu lever 4,5 millions d’euros, et qui prépare désormais son entrée en bourse sur Alternext. Montant escompté : 20 millions d’euros. En la matière, Bertin Nahum a bon espoir : « Il ne se passe pas un jour sans que nous ne recevions l’appel d’une personne souhaitant investir dans la société. »

Robotique – Nouveaux espoirs pour la chirurgie

 

La structuration d’une filière en France

Avec son robot Rosa, vendu entre 350 000 et 450 000 euros, Medtech s’est spécialisée dans l’assistance au geste neurochirurgical et prépare une adaptation de son robot pour les opérations de la colonne vertébrale. « Nous développons nous-mêmes l’interface logicielle, explique Bertin Nahum. Quant aux robots, nous nous fournissions auparavant chez Mitsubishi. Désormais, c’est chez Staübli, en Haute-Savoie, que nous nous équipons. » Le souci du dirigeant est celui de la réactivité, mais également celui de parvenir à structurer une filière en France.

Aujourd’hui, les acteurs français du secteur s’estiment correctement suivis. Au moins lors de la création. « La France est un pays merveilleux pour créer son entreprise innovante », estime même Pascal Barrier, président de Dexterite Surgical et inventeur d’un robot destiné aux opérations gynécologiques et urologiques. Avant de lever 2 millions d’euros auprès de business angels d’Annecy (où est installée l’entreprise) et de fonds d’investissement, Dexterite Surgical a remporté un prix Oseo doté de 450 000 euros répartis en numéraire et en prêt à taux zéro. Lancée en 2008, l’entreprise aura vendu en fin d’année une quinzaine de robots à 50 000 euros l’unité : un robot destiné à la chirurgie mini-invasive – la peau est à peine incisée, pas totalement entaillée – totalement différent de celui de Medtech.

Rosa aide en effet le chirurgien à positionner un foret ou une aiguille, alors que le robot de Dexterite aide à opérer par le biais de petites mains articulées pilotées par un joystick. Dans ce dernier cas, le chirurgien voit ce qu’il fait sur un écran. Afin que le chirurgien soit plus précis encore, la société allemande Karl Storz a développé une caméra 3D, permettant à ce dernier, équipé de lunettes adéquates, d’opérer avec une vision 3D.

Loin d’être un gadget, la robotique chirurgicale peut – Jacques Marescaux en est convaincu – améliorer les taux de réussite. « Pour des opérations complexes, il est possible d’imaginer qu’il sera bientôt possible d’opérer en deux points distincts de la planète entre une équipe expérimentée et une équipe novice, selon le même principe que celui du pilote et du copilote dans un avion. » Une possibilité technique dont beaucoup de chirurgiens doutent cependant qu’elle trouve un jour une application concrète. De plus, si les connections Internet permettent aujourd’hui de réaliser, des gestes téléchirurgicaux avec une rapidité d’exécution suffisante par rapport au retour image, il reste un problème évident de sécurité, un hacker pouvant toujours pirater la ligne.

 

 

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Maquette de l’IHU MIX-Surg Strasbourg

Visibilité internationale pour le cluster biomédical strasbourgeois

Dans le cadre de l’appel à projets « Instituts hospitalo-universitaires » (IHU), lancé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’IHU MIX-Surg, porté par le CHU de Strasbourg, l’Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad) et l’Université de Strasbourg, a été validé en avril 2011. Subventionné par l’Etat à hauteur de 67,3 millions d’euros (sur un total de 200 millions d’euros), il entrera en service en 2015. Plus de 30 millions d’euros seront apportés par les collectivités locales pour construire le bâtiment de 10 000 mètres carrés de l’IHU, qui sera relié aux bâtiments de l’Ircad, et 80 millions par des partenaires privés.

Ce « projet d’excellence de niveau international » est dédié au développement d’une nouvelle chirurgie, appelée hybride, qui combine les technologies mini-invasives aux dernières avancées de l’imagerie médicale. Il comptera trois spécialités (où la place des robots est centrale) : la chirurgie mini-invasive, l’endoscopie flexible et la radiologie interventionnelle.

Photos : Courtesy of B-to-B Design in Montpellier/Medtech/Nogha Consulting Architectes

 

Lire aussi : Jacques Marescaux – « Personnalité numérique de l’année 2013 »

 

Cet article est extrait du n°4 d’Alliancy le mag – Découvrir l’intégralité du magazine