La deuxième édition des Assises nationales de la féminisation des métiers et filières numériques a mis en lumière les obstacles persistants et les solutions à activer. Entre stéréotypes ancrés dès le plus jeune âge et manque d’alliés masculins, l’événement a réaffirmé l’urgence d’une mobilisation collective pour construire un secteur plus inclusif.
Synergie, sororité et combativité. Voilà ce qu’on peut retenir de la deuxième édition des Assises nationales de la féminisation des métiers et filières numériques, organisées par la fondation Femmes@Numérique à Paris. Pendant une journée, quatre cents personnes ont assisté à des conférences, des workshops et un stand-up avec un objectif en tête : intensifier et promouvoir la présence des femmes dans la tech. “À l’avenir, on considère qu’un métier sur deux sera en lien direct avec le numérique. Pourtant, les chiffres montrent que de moins en moins de filles et de femmes se dirigent vers ces métiers”, déclare Élisabeth Moreno, présidente de la fondation Femmes@Numérique.
En 2022, la part des femmes exerçant une profession dans le numérique ne dépassait pas les 23%. Parmi celles qui avaient sauté le pas, 50% quittaient le numérique avant leurs 35 ans, en partie par peur de ne pas évoluer dans la branche, selon l’INSEE. Difficile donc d’envisager une carrière scientifique quand les rôles modèles sont aux abonnés absents. Heureusement, Chloé O ’Brian, l’experte informatique de la série 24 heures chrono, a convaincu Houleymatou Baldé, fondatrice de Yeeso.fr et du réseau IT WOMAN : “Je ne savais pas quoi faire, mais je voulais que ma voix compte. Dans la série, Chloé était prise au sérieux, elle avait un impact. C’est là que j’ai décidé de faire de l’informatique”, explique-t-elle sur la scène des Assises avec l’espoir d’inspirer à son tour les jeunes générations.
Un décrochage dès le CE1 chez les filles
En outre, le manque flagrant de filles et de femmes dans les métiers et filières numériques s’avère multifactoriel. La journée a relevé la persistance des stéréotypes de genre, notamment dans l’orientation. Malgré les efforts de l’éducation nationale, le nombre de filles dans les filières techniques ne cesse de diminuer. L’école polytechnique a, par exemple, accueilli 16% d’étudiantes cette année, contre 21% en 2023. “La loi Haby du 28 décembre 1976 a rendu la mixité obligatoire dans l’enseignement. Mais, l’école n’est pas mixte, en tout cas pas dans toutes les filières”, dénonce Claude Roiron, haute fonctionnaire à l’égalité filles garçons au Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Les spécialités telles que philosophie, littérature et langues comptent 8% de garçons. À l’inverse, le parcours sciences de l’ingénierie ou NSI dénombre 8% de filles. Cette orientation genrée s’exprime dès les classes de quatrième, troisième avec les premières options. Mais, elle prend ses racines à l’école élémentaire où le décrochage des filles en mathématiques intervient dès le CE1. “Il faut que les enseignants prennent conscience que leur manière de féliciter une note, ou, au contraire, de disputer un échec a un impact sur la construction et l’orientation des enfants”, déclare Claude Roiron. La région lilloise propose d’ailleurs un stage en informatique et mathématique réservé aux lycéennes, baptisé les Fourmis. Dorénavant, Morgane est sûre de sa trajectoire professionnelle, mais elle regrette l’absence de garçon dans le programme. “J’aurais voulu qu’ils comprennent notre posture et leur prouver, que nous, aussi on peut être dans le milieu scientifique”, regrette la lycéenne.
Le rôle primordial des alliés masculins
Reste que si la journée s’organise sous le signe de la féminité, Elisabeth Moreno martèle que « ensemble” signifie avec des alliés masculins. Ces-derniers prennent encore 90% des décisions structurantes de notre société et, sans eux, l’évolution vers une parité marcherait encore au ralenti. Cette année, ils représentaient 30% de l’assemblée soit le double de la première édition. Un workshop et une table ronde ont même été dédiés aux comportements masculins, comment devenir un bon allié. « Il faut que les politiques publiques, les associations et les acteurs du numérique se rencontrent régulièrement pour créer une synergie commune. Ensemble, on avance plus vite et on va plus loin”, affirme Élisabeth Moreno. Et c’est tout l’enjeu des Assises : réunir ce triptyque vertueux pour proposer des parcours inspirants, des accompagnements associatifs et des actions gouvernementales. L’approche du Sommet pour l’action de l’IA donne de l’espoir à Elisabeth Moreno. “Les femmes créées par l’IA stéréotypent davantage leurs corps. Alors, au sommet je veux voir des femmes brillantes, chercheuses, docteurs en sciences qui ne sont pas réduites à leurs enveloppes corporelles”, espère la présidente de Femmes@Numérique. D’autant plus, face à l’hégémonie numérique américaine, il semble impensable de se passer de talents et de compétences féminines pour renforcer les rangs.