A l’issue d’une consultation menée auprès de ses associés et salariés, la coopérative d’opticiens Atol dévoile son plan d’action stratégique (Transform’Atol) pour les quatre ans à venir.
Depuis plus de dix-huit mois environ, le marché de l’optique (6 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, entre 13 000 et 14 000 points de vente) tangue sérieusement… « Il éternue et stagne », résume en deux mots Eric Plat, opticien et PDG de l’enseigne Atol les Opticiens. Les raisons ? L’évolution des technologies, de même que celle des habitudes d’un consommateur de plus en plus « mobile » ; sans oublier la montée en force des réseaux de soins et les nouvelles législations. « Cinq lois nous ont impactés récemment », insiste le dirigeant.
De quoi donner envie de se bouger aux opticiens Atol, qui ont choisi de la jouer collectif (83 % des associés ont répondu à une enquête en ligne) pour bâtir un plan stratégique d’avenir basé sur trois fondamentaux : le professionnalisme (la valeur clé !) ; l’accessibilité au juste prix (surtout pas d’ultra low cost) et l’innovation (indispensable pour asseoir une différenciation sur le marché).
L’idée est simple : apporter toute la valeur de l’optique au client ! Ce qui passe inévitablement par de nouveaux produits, une nouvelle présentation (vidéo, web…) de l’offre par de nouvelles manières d’expliquer la santé visuelle au consommateur et un nouveau parcours client dans chaque point de vente… Des domaines très différents, mais bien complémentaires, où le client et le numérique sont rois. D’ailleurs, les personnalités qui incarnent le mieux l’enseigne pour les associés, l’illustrent bien : Elon Musk et Steve Jobs… Rien que ça !
Heureusement, les Français ont « la culture des belles lunettes ». Ce qui veut dire que nous sommes encore prêts à investir beaucoup pour notre vue, comme nous le faisons dans la mutualisation de notre santé. « Des points forts qui font face à la mauvaise image des opticiens… dans un marché morcelé affichant une quarantaine d’enseignes en France et prêt à accueillir des prédateurs », précise Eric Plat. D’ailleurs, le risque n’est plus si loin d’assister à une « japonisation » du marché (passé d’un chiffre d’affaires annuel de 5 milliards à 3 milliards) ou à une « uberisation » interne (avec une désintermédiation des acteurs).
Pour autant, il reste des opportunités pour une enseigne qui vise la qualité de services et de produits face à une population en hausse de seniors, d’adolescents myopes (ils sont trop sur leurs écrans ou encore abusent de l’exposition au soleil…).
Chez Atol, le principal site reste le physique
Chez Atol, l’innovation passera donc par différents canaux. A commencer par l’équipement des points de vente. A 100 %, ils seront bientôt tous équipés d’outils de mesure électronique à la pointe (70 % seulement le sont aujourd’hui). « Nous voulons les appareils les plus modernes dans nos magasins », précise Eric Plat, qui rappelle que 80 % des produits vendus en magasins n’existaient pas il y a trois ans…
Ceci veut dire ainsi plus d’écrans (de toutes sortes), pour transmettre des informations au client, qui souhaite de plus en plus avoir des explications claires et rapides. « Qu’est-ce qu’un verre progressif ? Nous devons le lui expliquer. » Mais, cela ira bien plus loin, avec une meilleure présentation des produits aux consommateurs, expérience qui passera par la réalité augmentée (comparatifs d’essais de montures et de design de verres) ou par le miroir intelligent… « Nous voulons être créatifs, se différencier. Il faut que le consommateur se sente chez Atol et chez personne d’autre. Il faut faire différemment, étonner ! », résume-t-il.
Un premier magasin test verra le jour d’ici à la fin de l’année. Déjà, plus de dix associés se sont montrés intéressés sur ce « nouveau concept » de magasin, qui nécessitera un investissement de 800 à 1 200 euros au mètre carré. Dans ce domaine, l’échange via les réseaux sociaux et autres plateformes, seront privilégiés entre associés (store staging), dans l’idée de partager les bonnes pratiques. Les opticiens pourront également être tous formés, grâce au développement de huit modules de formation en e-learning.
La localisation des points de vente dans la ville reste évidemment un élément crucial, comme leur visibilité sur internet… Pour améliorer cette présence physique et également numérique, des diagnostics « qualité » seront lancés au niveau national.
Un système d’information renouvelé
Evidemment, l’innovation se traduira aussi au niveau des produits. Après la collection D’Clip personnalisable et interchangeable au design plus épuré revisitée en mars avec des branches plus fines , deux nouvelles collections verront le jour, comme la gamme EKO avec des prix plus accessibles (compris entre 35 et 89 euros). Pour baisser ses tarifs, le groupe mise là sur de « meilleures relations » avec ses fournisseurs, rappelant la création d’une coopérative d’achats (Retina) avec les groupes italien Vision Groupe et espagnol Cione Grupo, en vue d’améliorer le rapport de force. De même, pour contrebalancer cet écrasement du marché qui pourrait avoir lieu, Atol jouera la carte de la 2ème paire de lunettes « de qualité », en passant des accords, notamment avec l’italien Safilo sur les Polaroid…
Viendra ensuite la collection Adriana (prénom de l’égérie de la marque, Adriana Karembeu), lancée en novembre prochain et totalement personnalisable (taille, couleurs et signature). « L’expérience client sera là tout à fait nouvelle, avec des conseils en visagisme. Une façon de répondre à cette tendance générale du « sur-mesure » et du « Do it yourself » ». Pour assurer la production de tels produits, l’impression 3D ne sera pas obligatoirement la solution : « Elle n’est pas encore de qualité suffisante. On l’utilise seulement pour les prototypes dans notre laboratoire de R&D et l’hyperpersonnalisation des branches », précise le dirigeant.
Le système d’information va lui aussi évoluer. Multicanal et connecté entre la plateforme industrielle et logistique nationale du groupe à Beaune (21), tous les points de vente et les fournisseurs, il permettra de suivre également le consommateur de A à Z. En cours de développement depuis un an, ce SI sera déployé en 2017 sur tout le réseau et permettra la simplification du travail de l’opticien face à une législation modifiée et lourde (Sécu, mutuelle, carte santé…).
Des lunettes de plus en plus « branchées » pour la sécurité de tous
Si le groupe fait le choix affirmé de ne vendre aucune paire de lunettes sur son site internet (« ça n’a pas de sens de vendre des lunettes sur internet »), il mise largement sur les nouvelles technologies pour cibler de nouvelles populations, souvent plus jeunes et se positionner comme un opticien à la pointe de l’innovation. « Nous travaillons de plus en plus sur l’internet des objets autour des lunettes connectées, car cette technologie va prendre une place énorme dans les années à venir dans nos vies. » Trois ingénieurs (2 en place, 1 en cours d’embauche) travaillent ainsi à imaginer de nouveaux services pour le consommateur, et ce dans quatre directions autour de la sécurité.
Le seniorcare, pour de nouvelles offres aux seniors dépendants et isolés (capteur dans les lunettes dont on n’a pas à se préoccuper). L’idée étant que les proches puissent savoir si un souci, une chute par exemple, a eu lieu, et de rester en relation avec eux. Des annonces devraient être faites prochainement.
Le homecare : « Les technos existent, mais elles ne sont pas encore si simples… Il faut que tout soit simplifié avec les lunettes connectées si on se trouve dans sa maison, afin de pouvoir la piloter de manière intuitive.»
Le juniorcare (trop d’écrans et de sédentarisation des jeunes ados…) et, enfin, le drivercare (les lunettes doivent aussi apporter des services au conducteur tel que lui permettre de quantifier son niveau de fatigue…).
Pour rappel, le groupe a été le premier au monde à lancer, en août 2015, la première paire de lunettes connectées géolocalisables (la Téou), équipées d’une carte électronique embarquée dans la branche reliée à une application dédiée sur smartphone… « Nous n’en vendons pas beaucoup, quelques centaines de paires tout au plus par mois, mais c’est déjà une première marche, analyse Eric Plat. Nous avons ainsi pu voir les limites de la technologie, de l’intégration d’une batterie rechargeable par induction… Surtout, nous remontons beaucoup d’informations des consommateurs sur ce produit afin d’améliorer notre offre. Ce qui va nous servir pour nos futures lunettes connectées. »
Très ouvert aux collaborations extérieures et d’abord « françaises » (La Poste…), le groupe collabore aussi avec des start-up sur l’ensemble de ses projets, et devrait bientôt annoncer la création de sa propre entité pour encore accélérer…
Chiffres clés Atol
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