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Quels sont les atouts numériques de la sonde Juice, en partance pour Jupiter ?

Numériques de la sonde Juice

La sonde Juice de l’Agence spatiale européenne emporte avec elle un condensé de technologies et de sciences que Giuseppe Sarri, le responsable historique du projet, s’est chargé de nous faire découvrir.

Neuf ans pour préparer un voyage de 2 milliards de kilomètres. C’est le temps pendant lequel Giuseppe Sarri est resté à la tête du projet de la sonde Juice (Jupiter Icy Moons Explorer ou explorateur des lunes glacées de Jupiter) depuis la fin de la phase d’études en 2014 jusqu’à la phase de vérifications une fois le satellite mis en orbite, quatre mois après son lancement le 14 avril 2023. Et c’est la distance que va parcourir cette sonde jusqu’à ses lieux finaux d’explorations.

C’est donc avec ce chercheur et vulgarisateur hors pair, considéré comme le père de Juice à l’ESA, l’Agence spatiale européenne, que nous analyserons la technologie qui doit permettre à Juice de voyager vers Jupiter en passant en flyby trois fois par la Terre et une fois par Vénus. La raison d’utiliser la force d’attraction de la masse de ces planètes ? Bénéficier de ce que l’on nomme l’assistance gravitationnelle pour emmagasiner suffisamment d’énergie afin qu’à l’issue du dernier flyby, le troisième de la Terre, programmé en 2029, la sonde puisse filer jusqu’aux trois lunes glacées de Jupiter, Ganymède, Callisto et Europa, étapes finales. Le satellite artificiel de six tonnes au total n’emporte en effet que trois tonnes de carburant pour une destination Terre-Jupiter qui nécessiterait soixante tonnes si elle était réalisée directement.

Utiliser l’assistance gravitationnelle

Pour calculer la trajectoire du voyage et la vitesse tout en appliquant les lois de la gravité de Newton, les analystes de la mission utilisent des logiciels numériques : « Ça ne réside pas juste à entrer des données pour obtenir des résultats. Nos analystes savent comment le système solaire marche, comment la gravité fonctionne et quelles sont les idées fondamentales qu’il faut appliquer », commente Giuseppe Sarri.

Comment prépare-t-on une odyssée de deux milliards de kilomètres ? « Pendant la phase de développement, on sait déjà plus ou moins le voyage que l’on va faire.  On savait que l’on allait voyager durant presque huit ans avec quatre flybys, le premier de la Terre à la Lune, réalisé avec succès en août dernier, de Vénus en 2025, de la Terre en 2026 et une dernière fois un avec la Terre en 2029 », renseigne Giuseppe Sarri.

L’ESA sait aussi quels types de missions scientifiques elle désire accomplir, c’est-à-dire que lorsque Juice arrivera à proximité de Jupiter, elle orbitera autour de la plus grande planète du système solaire, mais dans chaque orbite elle effectuera un flyby, c’est-à-dire qu’elle passera à côté de l’une des trois lunes glacées, et ce plusieurs fois pour chacune d’entre elles, en utilisant l’assistance gravitationnelle. Au bout de 35 survols des trois lunes glacées, elle s’écrasera sur Ganymède. Pour concevoir cela, « il y a un logiciel et une intelligence naturelle, c’est-à-dire que c’est l’analyste de mission qui donne la direction vers laquelle on veut aller. Et comment il faut faire. Le logiciel se charge du reste. Nous aurions pu aller plus vite, mais chaque voyage implique une fenêtre de tir. Pour Juice, on ne pouvait pas lancer n’importe quel jour si on veut faire un flyby de la Terre, de Vénus et de deux fois la Terre », informe Giuseppe Sarri.

Deux fenêtres de tir par an

Compte tenu du fait que les planètes suivent leur propre trajectoire dans le système solaire, Juice n’a été lancé que lorsque des positions particulières des planètes dans le système solaire étaient réunies. « Pour aller jusqu’à Jupiter, nous avions deux fenêtres de tir par an, chacune avec une durée de trois ou quatre semaines. En 2023, on pouvait tirer autour du 14 avril ou en août. Et si on tirait en 2024, on n’effectuait pas les mêmes flybys. Nous avions une solution pour tirer en 2022, mais à cause du Covid, nous avons raté cette fenêtre. Avec cette solution, nous faisions cinq flybys. On passait par Mars en plus et on gagnait six mois sur le voyage », commente Giuseppe Sarri. Ça n’a pas été le cas.

Mais pour conforter le voyage, le logiciel de bord veille au grain. « On a lancé Juice avec la dernière version du logiciel de bord car la seule possibilité de réparer, si l’on a des problèmes techniques, c’est de changer le logiciel puisqu’on peut télécharger toutes les actualisations », ajoute le père de Juice.

Un bruit problématique

Juice a été lancée avec un logiciel nominal qui a été testé au sol et qui permet d’effectuer toutes les opérations du satellite, de commander les dix différents instruments, puis après les trois mois de la phase de Commissioning, les scientifiques trouvent toujours des problèmes ou des améliorations possibles. Une fois ces actualisations réalisées, elles sont essayées au sol grâce à une réplique quasi similaire du satellite, que l’on appelle l’Engineering Model : « Une fois que nous sommes satisfaits de la mise à jour, on télécharge. Tous les satellites qui voyagent ont à l’arrivée un logiciel de bord très différent que lorsqu’ils sont partis », constate Giuseppe Sarri.

Juice est parti, lui, avec un bruit problématique. « Juice a beaucoup d’instruments, notamment ceux qui doivent mesurer le champ électrique et le champ magnétique de Jupiter et aussi des très petites variations de champ magnétique quand on survole les trois lunes glacées de Jupiter. On veut mesurer cette variation, pour comprendre s’il y a de l’eau non salée. Car l’eau pure ne peut pas supporter la vie au contraire de l’eau salée. Si nous avons un océan salé sur la surface d’une des lunes, il sera conducteur et s’il est en mouvement, il peut générer des courants électriques qui génèrent des champs magnétiques. Notre satellite doit mesurer un champ 50 000 fois moins important que celui de la Terre. C’est extrêmement faible. Or, un bruit vient du système électrique de bord, passe à travers l’antenne et perturbe les mesures. Nous savons où il est situé et avec un logiciel nous saurons l’atténuer comme sur Photoshop. » Pour mieux mesurer l’éventuelle possibilité de vie sur la plus grande planète du système solaire.

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