Valeurs, culture, salaire, carrière, posture managériale… qu’est-ce qui pèse le plus pour exercer un métier qui a du « sens » dans le secteur public ? Et quels sont les préjugés à démystifier ? Nous avons pris notre bâton de pèlerin.
Dans cette DSI-là (1 200 collaborateurs), on a découvert et adopté les principes agiles dès… 2008. Trois coachs, des collaborateurs internes formés et motivés, ont permis au sujet d’essaimer au fil des années. Ils sont allés chercher des Product Owners chez les Métiers, ont mis sur pied des formations coconstruites avec la DRH, à destination notamment des manager en quête de nouvelles méthodes.
Ici, on construit des chatbots et des sites grand public. Dans les couloirs, on parle tests Utilisateurs ou Design Thinking, on s’intéresse au DevOps.
Où pensez-vous vous trouver ? Dans une start-up ? Indice supplémentaire : les projets dont il s’agit touchent directement au quotidien des Français et brassent des milliards d’euros.
Une grande entreprise privée, peut-être ? Non, vous n’y êtes pas.
Nous sommes à la DSI de l’Urssaf (Caisse nationale), en compagnie d’Eric Bergelin, coach agile et fidèle collaborateur de l’Urssaf qu’il a intégré en 1997.
Sur le terrain, les preuves contre les préjugés
Confronté à la difficulté, comme partout, de retenir les meilleurs collaborateurs et à celle d’attirer de nouveaux candidats, Eric ne voudrait pas « survendre » son entreprise, mais le fait est qu’en racontant son quotidien, il abat méthodiquement tous les préjugés qui pèsent sur l’Urssaf.
L’inertie, la poussière, le formalisme exacerbé… Et bien sûr, cette étiquette de « censeur », cette animosité communément éprouvée à l’encontre de « celui qui vient chercher l’argent ».
« Je crois que nous nous en débarrassons progressivement, explique Eric. Les enjeux sont trop importants. Pendant le Covid notamment, les Français ont senti que nous étions à leurs côtés. Si nous collections les fonds, c’est pour rendre possible l’assurance-maladie, les retraites, les chèques emploi-service, les aides au logement… tout ce qui fait la vie en société. »
Chaque ligne de code a donc un impact sur la marche du pays. Même si tous les collaborateurs n’en ont pas conscience, cette forme de noblesse reste un atout majeur pour la marque-employeur. « On ne vend pas des chaussures ni des téléphones. Les 200 projets que nous avons sur le feu servent tous notre mission régalienne. » L’Urssaf gère plus de 10 millions de comptes usagers, plus de 700 applications en production, et une vingtaine de sites web.
Eric s’emploie à cultiver les valeurs-phares de l’agilité : humilité, interactions, partage de connaissances, entraide. Un état d’esprit qui plaît particulièrement aux jeunes profils IT. « Le côté fun, nous l’avons aussi. L’agilité plaide également en faveur de l’autonomie, un aspect très important pour conserver des collaborateurs sur des carrières longues. Certes, il nous reste du chemin à parcourir pour diminuer le nombre de niveaux hiérarchiques, mais nous progressons ! »
Recettes RH et qualité de vie au travail
Si les profils numériques poussent la porte de l’Urssaf, c’est aussi parce que l’institution propose un rythme de travail adapté à leurs nouvelles attentes, avec un accord de télétravail qui concerne 90% des salariés, ou encore un grand potentiel de mobilité interne.
Nous voici cette fois aux côtés du DRH : Romain Thévenon, dont le mandat recouvre près de 2 000 collaborateurs. « La mobilité interne, c’est le fait de changer de poste, de spécialité si on le souhaite, de construire une trajectoire de carrière, mais aussi tout simplement de changer de ville et de région puisque nous sommes implantés sur dix sites différents, de Montreuil à Toulouse. »
Romain accorde une vigilance particulière au recrutement des profils Tech. « La digitalisation des démarches se trouve au cœur des missions de l’Urssaf. La DSI est donc, non pas une simple fonction support, mais la pierre angulaire de toutes nos activités Métiers. Nous réalisons 200 recrutement par an à la DSI, dont une cinquantaine d’alternants. Au sein de la DSI elle-même, pas moins de dix personnes sont dédiées au recrutement. Il nous faut des RH qui comprennent le langage des informaticiens… »
Les moyens sont là et, pour attirer les candidats, l’équipe valorise son impact : « Nous reversons plus de 500 milliards d’euros de cotisations sociales : ce n’est pas possible sans un SI ultra-performant ». Ainsi que le côté high-tech de ses projets. « Nous avons par exemple développé un chatbot à destination des auto-entrepreneurs. Accessible depuis les sites urssaf.fr et autoentrepreneur.urssaf.fr, il répond aux questions de 1er niveau, soit par une navigation par boutons, soit grâce à une IA qui comprend les questions saisies dans la barre de texte. Il compte en moyenne 4 000 utilisateurs par jour. »
Partenariats avec les écoles, développement de l’alternance, droit à la déconnexion, QVT, dispositif d’intrapreneuriat, label Great Place to Work en cours… : aucune thématique n’est négligée par le DRH, et surtout pas la formation. « Nous disposons de budgets solides en la matière – deux millions d’euros cette année – et c’est un vrai atout pour les collaborateurs qui nous rejoignent. Il ne suffit pas de regarder la ligne du salaire », conclut Romain Thévenon, qui répond ainsi, mine de rien, au principal reproche formulé à l’encontre du secteur public : le montant de la rémunération.