« Il y avait parait-il un autre évènement ce soir à Paris, mais je pense que vous nous trouverez très intéressant aussi ». C’est ainsi que Fleur Pellerin, ancienne ministre de la culture et de la communication, à l’initiative de la French Tech, qui dirige aujourd’hui le fond d’investissement Korelya Capital, a accueilli – in english oblige – ses invités pour une soirée festive organisée au sein du très épuré showroom du 4 rue d’Uzès.
« L’autre évènement », c’est bien entendu l’inauguration de Station F qui draine une grande partie des personnalités de la tech française dans le sud de Paris ce soir-là. Ce qui n’empêche pas de nombreux dirigeants de start-up et investisseurs d’avoir répondu présent pour la rencontre plus informelle organisée par Fleur Pellerin. Le clin d’œil est d’autant plus assumé que Korelya est l’une des têtes de pont en France des investissements du groupe sud-coréen Naver. Et Naver, partenaire de Station F, lance au même moment dans le nouveau campus parisien son incubateur Space Green, qui accueillera des jeunes pousses dès septembre. Son PDG fondateur, Hae-Jin Lee, s’est même pour l’occasion déplacé en personne, c’est son premier voyage en France.
Présenter Naver est d’ailleurs bien l’objet de la fête. La firme est derrière le principal moteur de recherche en Corée du Sud, loin devant Google, qui ne réunit là-bas que 3,7% de parts de marché. Le groupe et sa filiale japonaise Line, avec son système de messagerie instantanée réunissant 220 millions d’utilisateurs, ont chacun abondé de 50 millions d’euros le fond K-Fund 1 de Korelya à l’automne 2016. Objectif : faciliter l’émergence de champions français et « d’au moins une licorne » dans les mois et années à venir. A ce jour, Korelya a investi par ce biais dans 4 entreprises : Devialet (HiFi), JobTeaser (recherche d’emploi), AB Tasty (marketing) et Snips, l’étoile montante de la scène IA dans l’Hexagone.
Parier sur l’Europe et la France
« Travailler avec Naver, c’est mettre en avant une philosophie : se dire que les données et leur valeur n’ont pas à être monopolisées par certains acteurs américains ou chinois et qu’il est nécessaire de faire naître des alternatives » s’est enthousiasmé Fleur Pellerin, en expliquant que le groupe coréen considérait comme un intérêt stratégique d’avoir une Europe et une France fortes sur la scène des acteurs technologiques internationaux. Un pari pour le moins compliqué mais qui ne décourage pas l’ancienne ministre. « La logique de « check and balances* » ne s’applique pas qu’au monde politique. C’est un enjeu économique majeur » assume-t-elle.
En la matière, la stratégie de Naver ne passe pas que par les start-up. La veille, le groupe a ainsi annoncé l’acquisition du centre de recherche de Xerox installé en Isère, pour un montant non communiqué. « Nous visons une forte expansion, et ce nouveau « Naver Lab Europe » veut montrer l’exemple au sein de la communauté de l’IA européenne » a soutenu Chang Song, le directeur de Naver Labs et CTO de Naver. En effet, les 80 chercheurs du centre grenoblois vont tous continuer à travailler sur leurs sujets fétiches d’intelligence artificielle : deep learning, natural language processing, véhicule autonome… en bénéficiant de l’appui du QG coréen. Pour le patron des laboratoires, la France a une véritable carte à jouer en la matière. Pour faire face à Google, Facebook, Tencent ou Baidu, cette sérénité venue du pays du Matin calme, suffira-t-elle ?
*référence à la théorie de la séparation des pouvoirs et aux moyens de contrôles/contrepoids réciproques qui en assurent la pérennité
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