Après Google, c’est au tour d’Apple de se montrer ambitieux dans l’automobile. De quoi attirer les constructeurs traditionnels dans la Silicon Valley… à un moment où le soft devient tout aussi indispensable aux nouvelles générations de véhicules que les composants lourds.
Selon une information du Wall Street Journal, parue à la mi-février, Apple travaillerait sur un projet de voiture électrique, sous le nom de code Titan. Dans ce cadre, la firme à la pomme aurait déjà recruté 200 ingénieurs chez des constructeurs automobiles, mais ses intentions à long terme ne sont pas encore très claires. Selon plusieurs sources, le groupe entendrait révolutionner le secteur, comme il l’a fait pour les smartphones avec son iPhone. Une ambition qui rappelle celle de l’horloger Swatch avec sa Smart. Mais la petite voiture avait été produite avec le concours de Mercedes, avant que le Suisse ne se désengage ensuite du projet. Les spécialistes du monde numérique s’intéressent de plus en plus à l’automobile. Mais, sont-ils une réelle menace pour les acteurs historiques ? L’exemple de Tesla est un premier élément de réponse. Fondée en 2003 par Elon Musk, le cofondateur de PayPal, Tesla est implanté dans la Silicon Valley, à Palo Alto. Parti de zéro, le constructeur a misé sur la voiture électrique, plus simple à produire que son homologue thermique. Il s’est entouré des équipementiers de référence dans le monde auto (Magna, Hitachi…), tout en mettant en place sa propre unité d’assemblage. Lors d’une récente conférence de presse, Elon Musk commentait toutefois son aventure : « Il est difficile d’imaginer à quel point il est complexe d’industrialiser un tel produit… »
Google, avec sa Google Car, est à un stade de
développement plus avancé. Son premier prototype de voiture autonome est assemblé par le petit constructeur Roush et de nombreux équipementiers de premier niveau (Bosch, Delphi, Continental…) y ont apporté leur concours. En janvier dernier, lors d’une conférence à Détroit, Chris Urmson, directeur du programme de voiture autonome chez Google, affirmait que, pour l’heure, il n’était pas question de se positionner comme un constructeur automobile. « Ces derniers réalisent un travail extrêmement complexe, et il serait prétentieux de vouloir faire mieux », assurait-il. Et de déclarer que Google pourrait faire appel à un industriel confirmé pour fabriquer sa petite voiture lorsqu’elle sera prête.
Avec ce projet, Google se positionne toutefois comme un futur acteur incontournable dans un secteur de plus en plus dépendant de l’innovation logicielle. Selon IBM, les composants électroniques embarqués et les logiciels représentent, aujourd’hui, 40 % de la valeur d’une voiture. Avec son homologue « autonome », cette part sera encore plus importante et de nouveaux besoins apparaîtront, comme l’utilisation de données cartographiques de précision pour permettre à la voiture de se diriger.
Pour Gabriel Plassat, ingénieur Énergies et Prospectives au sein de l’Ademe. « La connaissance du monde physique sera le moteur de la voiture autonome et Google collecte justement les données nécessaires. » De son côté, Stéphane Lagresle, directeur marketing Europe de l’équipementier Harman, relativise l’emprise que pourrait avoir le géant de Mountain View. « Le contrôle de la partie matérielle reste déterminant. Nous ne voyons pas Google comme un concurrent, mais comme un partenaire susceptible d’offrir de nouveaux services à nos clients finaux. »
La connectivité des véhicules, axe de différenciation
Face à de tels enjeux et pour mieux différencier leurs offres, on comprend mieux l’engouement des constructeurs « traditionnels » pour aller voir ce qui se passe outre-Atlantique… C’est au cours des années 2000 qu’ils ont commencé à implanter des centres de R&D au cœur de la Silicon Valley. Arrivé en 1998, Volkswagen est l’un des pionniers. Son centre Electronics Research Laboratory (ERL) vise à « transférer des technologies de secteurs variés dans les véhicules de demain », explique la marque allemande. Pour Ford, débarqué en 2012 avec un Lab et, tout récemment, avec un centre de R&D de 125 chercheurs, cette implantation à Palo Alto « aide à s’immerger dans un gigantesque réservoir d’idées et de projets », explique Mark Fields, président de la marque. Celle-ci compte également sur la présence de spécialistes qualifiés. Ford vient ainsi d’embaucher Dragos Maciuca, ex-spécialiste des technologies mobiles chez Apple, en tant que directeur de ce nouveau centre de recherche, le troisième du groupe au niveau mondial (après Détroit à l’est du pays et l’Allemagne).
L’étendue des domaines d’expertises des entreprises de la Silicon Valley est un autre argument qui intéresse les constructeurs. Toyota, qui y a implanté un centre de recherche en 2001, y travaille, par exemple, sur les réseaux sans fil, l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique (machine learning), les logiciels, la robotique et les solutions de mobilité.
Une communauté d’innovateurs
Ces projets sont souvent menés via des partenariats et
* Etude « Connected car in Europe – Strategies and Technologies for connected driving ». A consulter ici : http://bit.ly/1DtPqUV
Mises à jour à distance comme un smartphone Dans l’automobile, la convergence avec le monde de la IT s’opère sur les fonctionnalités, mais aussi sur son fonctionnement intrinsèque. L’électronique suit une croissance rapide dans les véhicules et certains modèles peuvent maintenant être remis à jour en ligne ou recevoir de nouvelles fonctions via un correctif. Charles Delaville, responsable des relations extérieures de Tesla France, explique que la dernière version de la Berline S est le premier exemple de cette nouvelle approche. « La voiture est livrée avec douze radars et une caméra extérieure. Ils sont utilisés par quelques fonctions d’assistance à la conduite et les prochaines mises à jour du système électronique de la voiture – via le réseau 3G – implémenteront de nouvelles fonctions de sécurité. Dans quelques années, si la législation l’autorise, on peut même imaginer que cette voiture puisse rouler de manière autonome sur certaines portions de route. Il suffira de lui envoyer la mise à jour adéquate. » Selon Stéphane Lagresle, directeur marketing Europe de l’équipementier Harman, « les mises à jour à distance vont rapidement se développer. Nous avons d’ailleurs racheté Red Bend, une start-up spécialisée dans ce domaine, pour développer cette fonction ». Et de souligner le rôle central des dispositifs présents sur les tableaux de bord : « Les véhicules sans écran LCD vont progressivement disparaître. Le système multimédia qui y est rattaché est de plus en plus imbriqué dans l’électronique du véhicule. De plus en plus, la voiture ne peut plus fonctionner sans. » |