Avec le retour de Trump, l’UE lèvera-t-elle le pied face à Musk ?  

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche renforce son proche allié Elon Musk face à l’Union européenne qui pourrait hésiter avant de prononcer de lourdes amendes contre son réseau social X soupçonné d’amplifier la désinformation. 

Le patron de Tesla et SpaceX a mis tout son poids pour aider le candidat républicain à redevenir président des États-Unis. L’homme le plus riche du monde l’a non seulement aidé financièrement, mais a aussi mobilisé la formidable caisse de résonance de sa plateforme anciennement dénommée Twitter. Le pari a payé et le président élu a annoncé mercredi qu’il nommerait Musk à un poste de ministre à l’Efficacité gouvernementale. Est-il désormais intouchable ? Alors que l’Europe dépend des États-Unis face à la menace russe, peut-elle fâcher Trump en punissant l’un de ses proches ? Durant la campagne, le futur vice-président J.D. Vance a laissé entendre que Washington pourrait retirer son soutien à l’Otan si l’UE sanctionnait le patron de X. Le recours à « la puissance américaine est assorti de certaines conditions. L’une d’elles est le respect de la liberté d’expression », a-t-il affirmé. 

Elon Musk mène une bataille idéologique, en phase avec la droite américaine, contre le règlement de l’UE sur les services numériques (DSA) qu’il décrit comme un instrument de censure auquel il refuse de se soumettre. « Les élections aux États-Unis n’auront pas d’incidence sur notre travail de mise en application de la loi », a affirmé un porte-parole de la Commission européenne, interrogé par l’AFP.  De nombreux experts en doutent. 

Mises en cause formelles

Le réseau de microblogage a été mis en cause formellement en juillet pour trois infractions présumées : tromperie des utilisateurs avec les coches bleues censées certifier les sources d’informations, transparence insuffisante autour des publicités, non respect de l’obligation d’accès aux données de la plateforme par des chercheurs agréés. Pour chacune d’elles, et faute de mise en conformité, la Commission pourrait infliger à Elon Musk une amende jusqu’à 6% du chiffre d’affaires mondial annuel de l’ensemble des entreprises qu’il contrôle, de quoi atteindre plusieurs milliards d’euros. L’enquête suit son cours.

D’après plusieurs sources proches de l’exécutif européen, son issue était imminente et une sanction lourde en préparation, avant la démission en septembre du commissaire européen au Numérique Thierry Breton, désavoué par la présidente Ursula von der Leyen avec qui il entretenait des relations notoirement tendues. Mais le contexte a changé. L’UE redoute que le futur hôte de la Maison-Blanche se lance dans une guerre commerciale contre les Européens et retire son soutien à l’Ukraine contre l’invasion russe. 

Ne pas provoquer Trump

La mise en application du DSA envers X devient dès lors très politique. « Cela m’étonnerait que la Commission veuille provoquer Donald Trump avec une affaire pareille alors que ce n’est probablement pas le sujet sur lequel il faudra le plus se battre », estime Alexandre de Streel du groupe de réflexion Center on regulation in Europe (Cerre). « Musk estime que le DSA va trop loin dans la régulation des contenus qu’il demande aux plateformes. C’est aussi ce que pensent les partis d’extrême droite en Europe. On est dans un combat d’idées. Je ne vois pas Musk plier, surtout maintenant », confie cet expert des législations numériques. L’exécutif européen doit aussi composer avec des alliés de Trump au sein des États membres comme le Premier ministre hongrois Viktor Orban ou la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni. Mme von der Leyen, réputée très atlantiste, a insisté après la victoire de Donald Trump sur la nécessité de forger un partenariat « fort ».

Une ligne reprise par la Finlandaise, Henna Virkkunen, candidate désignée pour remplacer Thierry Breton dans la mise en oeuvre du DSA. « Avec une guerre à ses portes, l’Europe doit réfléchir. Je ne pense pas qu’elle puisse se permettre d’énerver Trump dans les premiers mois », estime Umberto Gambini, partenaire de la société de consultants Forward Global, spécialiste des affaires européennes. Selon lui, les enquêtes vont se poursuivre, mais le départ de Thierry Breton, tenant d’une ligne dure, va entraîner un redémarrage de la relation avec Musk. Dès août, la Commission avait pris ses distances avec le commissaire français, après une lettre de mise en garde adressée au patron de X. Face aux géants de la tech, « l’Europe doit continuer de brandir des sanctions en milliards d’euros si elle veut être crédible », assure néanmoins M. Gambini. Pour conforter la relation transatlantique, elle pourrait toutefois être tentée de viser prioritairement des plateformes chinoises comme TikTok, estime ce fin connaisseur de l’UE.