Objectif industrialisation pour AXA France sur les cas d’usage de la donnée. L’assureur ambitionne de faire de la data l’or noir de l’expérience client. La direction de la transformation et des technologies, pilotée par David Guillot de Suduiraut, y travaille avec les métiers.
Quand et comment est née la stratégie data chez AXA France ?
En tant qu’assureur, la donnée a toujours été au cœur de nos activités. Au cours des dix dernières années, nous avons en outre connu plusieurs vagues de sensibilisation au sujet de la donnée. La première, c’était il y a sept ans, au travers du big data. Nous avons développé par ailleurs des cas d’usage, par exemple sur la vente. Nous avons aussi mis au point un système de pricing qui nous permet d’être plus rapides et meilleurs dans la définition de nos prix. Dans la lutte contre la fraude, nous disposons également de plusieurs cas d’usage avancés.
A lire aussi : Retour sur le Workshop « Projets Data/IA : quelles sont les bonnes pratiques des DSI pour industrialiser ? »
Depuis maintenant un an, nous nous sommes embarqués dans une toute nouvelle aventure qui s’inscrit dans le prolongement de cette démarche. La finalité n’est plus l’émergence de quelques cas d’usage, mais de les multiplier de façon cohérente afin de faire de la donnée l’or noir de l’expérience client. Notre credo est d’utiliser la technologie pour fournir des expériences simples. La data est un des leviers de cette expérience.
Et dans ce cadre, vous avez décidé de réunir les expertises dans une même direction. Pourquoi et pour quels bénéfices ?
Pour transformer l’entreprise, on a besoin de technologies, de digital, de données… Et donc, assez naturellement, cela faisait sens de rassembler ces forces de transformation dans un même ensemble.
Nous travaillons ainsi avec les métiers, non pas dans une approche push de moyens, mais de pull avec un point de départ qui est le besoin de transformation des processus et le besoin des utilisateurs : les clients, les distributeurs, les collaborateurs. Nous menons actuellement un grand programme : Axion. Dans ce cadre, nous redessinons des processus en partant du client. Et pour cela, il est plus simple de le faire au sein d’une même direction en collaboration étroite avec les métiers.
Qui sont les clients concernés ?
Il s’agit à la fois du client final, mais aussi du collaborateur et du distributeur. Pourquoi ? Parce que si c’est plus simple pour le collaborateur ou le distributeur, alors ça le sera également pour le client. Un exemple : un collaborateur en charge de la gestion de sinistres accède à de multiples sources d’information sur son poste de travail. Nous faisons en sorte, avec Axion, que le collaborateur dispose de toute la donnée depuis une seule et même page ; nos régleurs sinistres corporels ont vu leur outil progresser en ce sens depuis le début de l’année. C’est très positif.
Pour nos distributeurs, nous avons monté une sorte de YouTube de la formation directement dans Salesforce. En tapant des mots-clés, les distributeurs peuvent ainsi avoir accès aux bons modules de formation.
Côté client, nous ciblons des usages comme le recouvrement prédictif. La donnée nous permet d’identifier les consommateurs les plus susceptibles d’être en impayés. Nous pouvons anticiper et leur envoyer un message en amont. Cela contribue à l’augmentation de la satisfaction client en évitant de les pénaliser.
Comment développez-vous l’appétit des métiers pour la data ?
Comme on a coutume de dire « l’appétit vient en mangeant ». Le succès de cas d’usage favorise le développement d’autres usages. On le constate avec le métier des collectives par exemple. Le déclencheur a été la DSN, un flux de données partagé entre les assureurs et la sphère publique. Notre métier s’est emparé de cette donnée pour créer de la différenciation, notamment pour informer nos clients DRH ou pour déclencher automatiquement le versement d’indemnités.
Pour l’IARD, la demande est venue de ce que nous faisions sur le prix, un facteur critique sur un marché aussi concurrentiel. Notre méthode consiste donc à repérer des appétits forts dans les métiers, et à y répondre. C’est une première marche. La seconde marche idéale est de disposer de data scientists dans les métiers. Il en faut aussi en central pour émuler et stimuler.
A lire aussi : Pour Dataiku, sur la mise en production, tous les projets data ne sont pas égaux
Ensuite, il y a la question de la formation. Nous avons développé une école de la data, dont ont bénéficié une centaine de personnes, qui ont été acculturées aux enjeux de la donnée. Enfin, dernier point : l’outillage. Il doit être facile d’utilisation pour les métiers. C’est le cas de notre data lake qui compte plusieurs centaines d’utilisateurs, directement dans les métiers.
Cet outillage s’apparente à du self-BI avec des utilisateurs autonomes ?
Les données sont réunies dans le data lake. Les plus expérimentés peuvent attaquer le data lake en Python, notamment pour concevoir des modèles. Pour les autres, nous ajoutons une couche de BI via Power BI pour simplifier les usages. Nous disposons aujourd’hui d’une communauté de plusieurs centaines d’utilisateurs de Power BI.
Comment accompagnez-vous les métiers moins matures sur la data ?
L’approche reste la même : partir de la finalité, c’est-à-dire de ce que nous cherchons à améliorer pour le client. C’est sur cette base que nous ferons des propositions. Promouvoir l’enjeu des données au sein du comex contribue également à en développer l’intérêt dans l’organisation.
Dans certains cas, cela se fait de façon naturelle. Notre produit de souscription de flotte automobile a été refondu. Auparavant, l’agent devait entrer chaque véhicule à la main, ce qui représentait 250 points de données. Dorénavant, il n’a plus qu’à charger le Siret de l’entreprise, qui appelle le fichier des immatriculations, permettant de créer à la volée une offre. C’est une idée qui est venue directement du métier et de la tribu IT de proximité.
Quelles sont vos ambitions sur la data pour les deux ans à venir ?
En matière d’impact, nous voulons faire en sorte que la donnée soit une clé du moteur de l’expérience client, en nous permettant par exemple d’anticiper son insatisfaction, de lire à la volée des pièces justificatives, d’estimer automatiquement un prix en cas de sinistre auto, etc.
Les deux autres grandes catégories d’application des données sont les gains d’efficience, via notamment l’automatisation et le commerce. Nous recevons chaque année des millions d’e-mails de clients, qui doivent être routés vers le bon interlocuteur.
Nous sommes en passe d’atteindre les 70 % dans ce domaine. Sur le commercial, c’est utiliser la donnée pour être plus efficaces. Ces usages doivent nous permettre d’être sur le podium de l’expérience client.
Et sur quoi devez-vous progresser pour y parvenir ?
J’identifie trois piliers. Le premier est de disposer d’une data structurée beaucoup plus propre. Nous avons beaucoup progressé. Mais avec un grand nombre de parties prenantes saisissant de la donnée, il nous reste encore du travail à faire.
Le deuxième enjeu est d’avoir à disposition les bonnes équipes data. Nous recrutons pour cela, à la fois côté opérationnel et analytics. Le troisième pilier est de travailler avec les métiers pour développer des cas d’usage avec de l’impact.