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Axel Dauchez (Publicis France) : « Face à la transformation digitale, il faut créer de la différence »

30 000 visiteurs, 5 000 start-up…  Dans la lignée des grandes manifestations « mondiales » dans le domaine du numérique, Publicis Groupe et le Groupe Les Echos ont ensemble imaginé Viva Technology. Leur idée : « marier » sur le long terme grands groupes et start-up du monde entier. Axel Dauchez, PDG de Publicis France, revient ici sur l’importance de l’émergence de ce nouveau modèle à conforter.

Axel Dauchez, PDG de Publicis France, lors de la conférence Viva Technology du 13 avril 2016.

Alliancy, le mag. Sur Viva Technology, plus de 5 000 start-up du monde entier sont attendues. Quels sont les différents angles d’entrée durant la manifestation pour les rencontrer ?

Axel Dauchez. Les angles d’entrée sont d’abord les Labs, qui représentent une vingtaine de secteurs d’activité dans lesquels les start-up interagiront avec les grandes entreprises présentes notamment. Puis, il y a tout l’espace « Hall of  Technology » où elles exposeront leurs dernières innovations, que ce soit dans la voiture connectée, la réalité augmentée, les drones… Enfin, il y a différents pôles interstitiels de l’ordre du « point de vue », comme des pavillons pays ou autour de thématiques émergentes, comme GovTech ou Tech for Good…

Quel est votre avis sur la réactivité des entreprises, petites ou grandes, par rapport à VivaTech ?

On a fait carton plein côté groupes et plusieurs milliers de start-up ont candidaté aux différents challenges… C’est une vraie réussite ! Nous allons d’ailleurs commencer, dès cette semaine, à révéler les jeunes pousses qui seront invitées sur les différents espaces de VivaTech… Pour la plupart, elles sont internationales, notre idée étant d’avoir vraiment une empreinte internationale.

Au-delà, comment jugez-vous l’écosystème français de start-up ?

Il a explosé ces trois dernières années. Il y a une véritable densité d’innovation en France qui n’est pas comparable à celle des années précédentes. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé au Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas en janvier dernier… Cela révèle une vraie dynamique.

Récemment, quelques-unes de nos « super » start-up sont passées dans le giron de groupes internationaux. Votre réaction ?

Oui, nous avons un vrai terreau d’innovation en France et ça c’est génial. On ne peut que s’en réjouir tous les jours. Mais, en suivant, on peut ajouter : on n’a pas la 2ème tranche de la fusée qui permet à ces entreprises de passer à une autre échelle. L’accès au capital ou la fiscalité sur les stocks options peut en effet leur poser problème… Mais n’est-ce pas là le reflet de l’économie de notre pays qui compte de grands fleurons industriels, et peu d’ETI Tech dont on aurait besoin pour faire le lien… Les deux ne s’opposent pas : il faut juste que l’on s’améliore sur la 2ème strate.

Et le fait que l’Europe ne dispose pas de ces « grandes » plateformes à l’américaine ou à la chinoise ?

Il y a des chiffres qui me frappent : 45 % des sociétés du classement Fortune 500 font de l’open innovation contre 92 % des groupes du CAC 40. On voit là qu’il y a une attention beaucoup plus importante en Europe sur des logiques d’open innovation. En fait, ce que vous dîtes, c’est « Vous avez une start-up qui pointe, trouvera-t-elle des grands frères industriels ? » Si on les cherche dans un terreau d’ETI Tech, on ne les a pas. Si ce sont des acteurs du type les Gafas, on ne les a pas non plus… Par contre, ce peut être de grands groupes internationaux.

C’est-à-dire ?

Notre manière de gérer le scale-up est justement notre capacité d’avoir des groupes mondiaux qui, finalement, s’ouvrent beaucoup plus que leurs homologues internationaux… Ce ne sont certes pas des Gafas, ni des ETI consolidantes, mais ce sont de vraies étapes de croissance radicales… Sur Deezer, Orange a joué ce rôle-là par exemple.

Les grands groupes sont-ils prêts à servir de marchepied ?

Face à la transformation digitale, il y a une vraie prise de conscience de notre fragilité, de la réalité du rôle à jouer. C’est le bon moment ! En France, nous avons des fleurons industriels et commerciaux mondiaux. Ceux-ci sont peut-être encore plus soucieux de leur transformation que leurs homologues et, de ce fait, ils peuvent devenir des marchepieds absolument déterminants pour les start-up. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas renforcer le capital-risque pour soutenir l’accompagnement…

C’est donc une autre voie ?

Avant, il y avait deux voies. « Je lève des fonds » dans une logique purement capitaliste, avec des fonds qui sont souvent californiens… et puis, il y a « Je me vends ». Aujourd’hui, en France, on est sous-équipé par rapport à ces deux modèles. La même idée à Palo Alto et à Paris ne vaut pas la même chose. Là-bas, il y a un accès au capital qu’on ne trouve pas ici. Alors, soit on invente un modèle qui est différent et qui est celui de la smart growth, en tentant la collaboration avec les grands groupes. C’est pour cela, et sur ce constat, que Vivatech se positionne sur la rencontre entre grands groupes, prêts à s’ouvrir, et start-up qui cherchent de nouvelles façons de « scaler »…

Il manquait le lieu pour ça ?

Il existe des dizaines de salons, de lieux de rencontres en tous genres, mais aucun ne travaillait ce point de création de valeur. La question qu’on s’est posée, est-ce un point singulier et conjoncturel, ou plus structurel… Pour moi, il est structurel, car nous sommes en train de passer d’une construction de la valeur centrée sur les entreprises telles qu’on les connaît depuis toujours vers un monde où les points de cristallisation ne sont plus « entreprise centric », mais deviennent « écosystème centric ».

C’est un grand changement…

C’est clair ! Là, on ne sait plus ce qu’est le chiffre d’affaires d’un écosystème, le bilan d’un écosystème… Tout cela n’existe pas dans notre comptabilité actuelle… Il faut donc que l’on invente de nouvelles clés pour raconter l’histoire d’une entreprise. Vivatech, pour revenir à notre sujet, c’est aussi la matrice où ces écosystèmes prennent naissance, c’est le lieu peut-être où se créeront les partenariats, les alliances, les collaborations qui, demain, feront que ça change.

C’est déjà en cours, non ?

Tout à fait, mais on est seulement au début du chemin de trouver les « bonnes » collaborations, de trouver les « vraies » alliances. On l’a vu dans la construction des challenges pour Vivatech. Les grands groupes ont été très pointus dans leur demande. Pour autant, l’open innovation n’est qu’un des maillons nécessaires pour faire la transformation des entreprises, elle a aussi ses limites.

Justement, pour vous, la révolution numérique elle est où ?

Les acquis des entreprises actuelles sont challengés de cinq manières différentes. Chacun de ces challenges pouvant être létal pour l’entreprise quelle que soit sa taille. Les deux premiers on les voit facilement, ce sont la désintermédiation aval (quelqu’un se met entre vous et vos clients et l’exemple, c’est Booking) ; le deuxième, c’est l’apparition de nouvelles offres (un nouveau concurrent débarque sur un marché un peu connexe, mais vient vous concurrencer et l’exemple c’est Airbnb ou BlaBlaCar). Ceux-là tout le monde les voit… Et puis, il y a trois autres challenges, moins visibles, mais tout aussi dangereux. Le premier, c’est la désintermédiation amont (quelqu’un devient une ressource essentielle à votre business et l’exemple c’est Android). Reste ensuite la productivité industrielle (le numérique peut tellement changer la productivité industrielle que si vous ne l’utilisez pas, vous êtes disqualifié) et la productivité client/business (désormais, il est vraiment possible d’être « client centric » grâce au digital et à la data. Si vous n’en tirez pas parti, ce peut également être disqualifiant).

Par rapport à ces changements, le dirigeant français est-il prêt culturellement ?

L’open innovation est nécessaire, mais pas suffisante. C’est un bol d’air qui fait beaucoup de bien. Si en plus, elle est bien faite, cela permet de penser différemment, d’échanger, de tester des choses, d’accélérer le time-to-market… Ensuite, l’entreprise qui veut vraiment bouger, commencera à investir de l’argent dans des fonds, des incubateurs, des start-up… Tout ça c’est super. En revanche, dans la plupart du temps, la vraie transformation passe non seulement par investir de l’argent, mais surtout par le fait d’accepter de prendre un risque sur son business tel qu’il est aujourd’hui… et c’est là où c’est difficile et se fait la différence.

Vous auriez un « bon » exemple à citer ?

Oui, AccorHôtels car ils se sont mis à la table de la transformation et ils y vont à fond. Pour changer en profondeur, il faut savoir prendre des risques et jouer à la table du marché qui est en train de se construire.

Et chez Publicis, cette transformation passe par quoi ?

Par deux axes principalement : avoir une démarche très agressive de mélange des savoir-faire. Le point de départ a été les premières acquisitions réalisées, dont Sapient. Là, il s’agit de mettre les forces en présence autour de la table qui permettent de regarder les choses de façon holistique. Et puis, à l’autre bout de l’équation, cela passe par utiliser la transformation du client comme la clé de cohérence de notre propre transformation. C’est ce qui été le facteur de la réorganisation annoncée fin 2015.

De devenir totalement « customer centric » ?

Les agences l’étaient déjà. Cela a été de passer « d’agences customer centric » à « groupe customer centric », c’est plutôt cela la rupture de l’an dernier nous concernant. Et, dans notre quotidien, je peux vous dire que c’est une clé de transformation très concrète.

C’est-à-dire ?

Chez Publicis, il y a un chef client de A à Z, et cela autoporte tout notre plan d’actions.

Quelle est la place de la technologie dans ce schéma ?

Dans nos métiers, on voit plein de solutions technologiques, y compris autour de la data, qui émergent et qui ont un impact de niveau 1 sur la productivité marketing de nos clients. La maîtrise de ces outils de performance est un enjeu absolument primordial. Si on ne les maîtrise pas, on n’existe pas… Mais dans le monde totalement connecté qui arrive, si on ne fait que cela, c’est-à-dire d’apporter toutes les solutions technologiques à nos clients, on crée de l’efficacité court-terme, mais pas de rentabilité long terme…

Pour quelles raisons ?

Tous ces outils créent de la performance instantanée, à un niveau très élevée. Mais, si votre concurrent fait la même chose, votre avantage est perdu… et votre valeur bascule sur les plateformes. La rentabilité sur le long terme n’arrivera que si l’on a créé de la différence ! C’est l’essence de ce qui sera durablement notre métier.

Quelle sera la place des marques demain ?

Il faut les réinventer… Les marques vont se verticaliser. Elles devront être moins cohérentes, plus polymorphes et plus agiles si elles veulent être durablement rentables.

Start-up ! Comment candidater aux challenges de Viva Technology

Les dossiers peuvent être déposer avant le 31 mai 2016 sur le site de Viva Technology (www.vivatechnologyparis.com/challenges) et sur la plateforme F6S (https://www.f6s.com/vtp).

L’inscription aux challenges est entièrement gratuite. 1 000 start-up seront notamment sélectionnées pour exposer gratuitement au sein d’une quinzaine de Labs thématiques parrainés par de grands groupes.

 

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