Aymeril Hoang, 39 ans, a été nommé en septembre 2014 au poste de directeur de l’Innovation de Société générale, rattaché à Françoise Mercadal-Delasalles, directrice des Ressources et de l’Innovation du groupe. Cet agrégé d’économie connait bien le monde des start-up puisqu’il a créé la sienne et a piloté l’initiative French Tech de 2012 à 2014. Neuf mois après son arrivée, Aymeril Hoang fait le point sur son rôle dans le groupe et dévoile sa stratégie d’open innovation.
Comment vous-êtes-vous retrouvé à travailler pour un grand groupe ?
J’ai été recruté par Société générale sur une vision partagée de l’état de la concurrence et la digitalisation des entreprises. Depuis dix ans, les usages ont radicalement changé. Aujourd’hui, il faut s’ouvrir vers l’extérieur et travailler davantage avec les start-up. J’ai donc été embauché à un moment où le groupe avait mûri une réflexion assez forte sur les enjeux liés à sa transformation. Le plus amusant, c’est que je suis arrivé l’année où Société générale fêtait ses 150 ans. C’est une entreprise ancienne mais qui a parfaitement conscience qu’il faut bouger plus et plus vite.
Quelles sont vos missions au sein du groupe ?
Je travaille en toute autonomie. Quand je suis arrivé, je me suis dit qu’il fallait absolument travailler plus avec les start-up car il y a chez elles beaucoup d’idées, d’agilité et des méthodes de travail différentes. Je me suis rendu compte très vite que j’étais dans un groupe qui avait énormément de talents, une envie de faire, une énergie et un attachement très fort à leur entreprise. Mais il ne s’agissait pas juste d’importer ce qui se passait à l’extérieur. Si je dois résumer les enjeux auxquels nous devons faire face, je dirai que c’est une question d’agilité. Comment fait-on pour être plus agile sachant qu’on part d’assez loin comparé à des acteurs nouveaux qui pourraient à terme devenir nos concurrents ? Je pense évidemment aux start-up, aux géants du numérique mais aussi aux entreprises de moins de dix ans qui fonctionnent très différemment de nous.
Société générale représente donc un vrai challenge pour vous ?
Nous avons survécu à plusieurs crises financières et aujourd’hui nous faisons face aux mêmes défis que toute entreprise traditionnelle qui doit se transformer sauf que nous devons être encore plus vigilants car dans la banque il y a un énorme besoin de sécurité et de cloisonnement. De plus, nous avons un fonctionnement très pyramidal et très hiérarchique. Et comme nous sommes un très grand groupe, il n’y a donc pas qu’une seule pyramide mais des milliers ! Ce fonctionnement n’est plus adapté aux besoins d’agilité. Pour innover massivement, nous avons besoin de travailler en mode projet exactement comme les start-up. C’est pourquoi nous commençons à monter des équipes autonomes pour prendre en main des sujets en toute agilité. Nous ne sommes pas dans un discours théorique où on va coller à un modèle qui n’est pas le nôtre. Une des missions de l’équipe innovation du groupe est justement de faire émerger des équipes de talents et de les rapprocher des acteurs pertinents comme les start-up pour générer une forme de diversité cognitive dans l’innovation.
Quelle est votre stratégie vis-à-vis des start-up ?
Nous voulons avant tout faire du business avec elles. Les start-up ne nous demandent pas de les accompagner mais elles veulent que l’on échange, que l’on teste des projets ou que l’on mette en place des partenariats de distribution, pour bénéficier de toute la puissance du groupe. Si une start-up ne correspond pas à un besoin stratégique, nous ne travaillerons pas avec elle et nous lui signalerons tout de suite. Habituellement, une grande entreprise du CAC 40 travaille avec des acteurs qu’elle connait : les grands cabinets et les grandes SSII. Si nous voulons vraiment décaler le système, il faut aussi collaborer avec des start-up sur les sujets d’innovation et les faire entrer dans la routine de travail du groupe.
Depuis avril 2015 vous êtes partenaire du Player, un incubateur parisien. Pourquoi ne pas avoir créé un incubateur ou un accélérateur interne ?
Nous nous sommes effectivement posé la question de créer un lieu dédié. Finalement, nous nous sommes rendu compte que nous aurions construit une communauté qui nous aurait trop ressemblé. Le concept de communauté est un mouvement qui nous frappe car il est mondial et très présent à Paris. On voit de plus en plus de petites unités de travail se créer dans les entreprises et on ressent aussi un besoin de se retrouver dans des communautés, de ne pas rester isolé. Ce besoin a toujours existé mais aujourd’hui il s’est accentué. Avec ce partenariat, nous ne faisons pas un chèque pour du sponsoring, nous sommes un résident comme les autres. Si une équipe interne a besoin de se retrouver sur un sujet pendant une semaine, c’est possible avec le Player. Ça fait maintenant deux mois que nous y sommes et cela a déjà généré plein de projets positifs.
Quel regard portez-vous sur la Fintech ?
Elle représente une opportunité. Par exemple, notre filiale Boursorama a eu envie d’offrir plus de services à ses clients. Elle a commencé à travailler seule sur l’agrégation de comptes bancaires et sur la facturation. Plus elle avançait et plus elle trouvait le sujet compliqué. Elle a donc cherché un partenaire et a trouvé Fiduceo (ndlr, cette start-up édite des logiciels pour la banque et les institutions financières). Dans la suite logique, Boursorama a racheté Fiduceo et l’a intégré à ses équipes. C’est ça la Fintech ! Nous sommes complémentaires. Nous organisons aussi des évènements sous tous les formats possibles. Nous avons récemment accueilli « La nuit de la Fintech » dans nos locaux à La Défense, un évènement qui a réuni 400 personnes et une trentaine de start-up.
Quelles sont vos priorités pour les mois à venir ?
Passer tous ces projets à l’échelle du groupe ! Nous sommes une société de services mais nous sommes aussi un groupe industriel. Tout ce que nous faisons prend des proportions phénoménales. Nous voulons adopter de nouvelles méthodes de travail au sein de Société Générale, trouver une routine avec les start-up, et créer une porosité avec différentes communautés. Si on ne passe pas à la bonne échelle, toutes ces idées resteront de simples gadgets.
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