Open et l’EBG publie ce jour un livre blanc sur la façon pour une entreprise de rester leader dans un monde digital. L’occasion de faire un point sur le niveau de maturité actuel dans ce domaine avec Stéphane Messika (CEO de Kynapse by Open) et Benoît Thieulin (directeur de l’Innovation d’Open), qui ont notamment piloté les échanges.
Entre juillet et novembre 2017, la Task-Force Executive, co-pilotée par Open et l’EBG, a permis de mener une réflexion sur la nécessaire transformation des entreprises dans un monde devenu digital et aux moyens de l’évaluer.
Ce groupe de travail était notamment constitué de membres de comités exécutifs de groupes, comme AG2R La Mondiale, Thales, made.com, Bouygues Immobilier, Edenred, Groupe BPCE, Cofidis, Caisse des Dépôts, Sanofi France. Leurs travaux sont aujourd’hui regroupés dans un livre blanc « Comment rester leader dans un monde digital ? », à paraître aujourd’hui. Il s’achève par un questionnaire de maturité qui devrait permettre à chaque lecteur d’analyser sa propre situation.
« Au fond le numérique est devenu mature » @thieulin à l’avant-première du livre blanc #TaskForce @ebg @Open_ESN @KynapseDigital pic.twitter.com/vuam7kOzlU
— Fastlab_byOpen (@Fastlab_byOpen) January 18, 2018
Alliancy. Quelles conclusions tirez-vous de cette réflexion commune avec ces dirigeants « transformateurs » ?
Stéphane Messika et Benoît Thieulin. Nous avons été agréablement surpris par leur niveau de maturité sur le sujet et sur les moyens qu’ils mettent en œuvre pour avancer. Aujourd’hui, le numérique est devenu clairement un sujet de patrons ! Et le résultat s’en ressent. Dans les entreprises, on est arrivé à un stade où tout le monde a compris qu’il faut bouger, que le numérique change tout : il faut donc l’intégrer partout. Il n’y a plus une stratégie digitale, mais bien une stratégie dans un monde digital.
Ce qui veut dire concrètement ?
Stéphane Messika et Benoît Thieulin. Aujourd’hui, nous en sommes à la phase 2. C’est-à-dire qu’on revient à des choses plus structurées, plus équilibrées sur le numérique. Les entreprises ont à faire des choix pour agir selon leur secteur d’activité. Toutes ne sont pas au même niveau. Par exemple, dans la santé et l’éducation, elles ont du mal à évoluer du fait des lourdeurs de la réglementation. D’où notre questionnaire de maturité digitale pour savoir où chacun se situe. Mais, il est évident que l’impulsion doit venir du CEO et de sa vision qu’il doit partager avec tous.
Comment y parvient-on ?
Stéphane Messika et Benoît Thieulin. Comment se déployer ? Comment rester leader ? Dans le numérique, on bute sur ces deux questions qui sont très liées… Le digital, c’est d’abord une question de culture. Quelle valeur ajoutée cela va m’apporter, pour quels nouveaux usages ? Les technologies viennent ensuite, mais il faut y faire très attention. Enfin, le numérique est aussi un sujet « RH ». Tout va dépendre également de votre pyramide des âges, de la façon dont vous allez rapprocher des populations différentes avec l’arrivée des Millenials, et des formations que vous allez mettre en place, en continu… Et là, il faut rester modeste car ce sont des chantiers vertigineux.
La co-innovation en est où aujourd’hui dans les entreprises ?
Stéphane Messika et Benoît Thieulin. Ce n’est plus un sujet. Tout le monde est convaincu qu’il faut en faire et que le numérique, c’est l’ouverture. Avec les start-up totalement ; avec d’autres, c’est parfois plus compliqué. Reste à voir comment on y va… Il ne faut pas non plus partir « full API ». Là encore, il faut un discours plus équilibré sur l’entreprise plate-forme, ou l’open source… Dans l’industrie, il faut choisir en fonction de ses besoins. Fini le discours de pure conviction, on arrive à une étape plus équilibrée sur ces sujets : comment on y va et quelle stratégie j’adopte en matière d’open data, de co-innovation, de coopétition… Il y a plusieurs chemins pour parvenir à cette ouverture, tout dépend de la culture de l’entreprise. Dans ce domaine, rien de tel que le test and learn et c’est aussi à cela que l’on sert. Nous nous plongeons avec eux pour affiner une stratégie opérationnelle. Plusieurs recettes existent. C’est très important de le comprendre qu’il faut tester. Il n’y a plus de discours qui tienne très longtemps sans confrontation opérationnelle. Dans le digital, il faut faire des choix ! Tous les outils ne se valent pas.
Les Gafam [Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, NDLR] restent-ils toujours un sujet d’inquiétude ?
Stéphane Messika et Benoît Thieulin. Face aux Gafam, les dirigeants ne sont pas sereins, mais il y a moins de fascination aujourd’hui. Ils restent des exemples. Les secteurs sont inégalement frappés… Ensuite, le rythme d’innovation est tel que même les géants américains du net doivent se renouveler sans cesse… y compris face aux BATX chinois [Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi, NDLR]. Aujourd’hui, ils les utilisent comme partenaires. Ils ne peuvent pas se passer de faire des partenariats avec eux. C’est juste pragmatique. Finalement, personne n’est complètement certain de son avenir et tout le monde doit innover. Mais cela reste un vrai échec de notre politique européenne… alors que nous sommes le premier marché numérique mondial – même s’il est morcelé -, où le niveau de l’éducation est très élevé tout comme le potentiel d’innovation ; et c’est là où les géants américains font le plus de marge. Il faut que l’on se pose des questions pourquoi pas un seul de ces géants n’est européen.
Quels secteurs ont une réelle dynamique ?
Stéphane Messika et Benoît Thieulin. Le secteur Bancassurance y va à fond et veut traiter rapidement la question de la data, notamment les banques de détail vont beaucoup plus vite que les banques d’investissement. L’industrie est très active également. Ils sont très efficaces une fois les décisions prises. Les projets de transformation sont déroulés vite. Le retail, qui a été l’un des premiers secteurs touchés, est en train de se faire rattraper et doit continuer sur la multi-canalité, le parcours client. Il reste encore beaucoup de travail à faire sur ces sujets.
Voyez-vous encore un sujet sur lequel il reste un pas à franchir ?
Stéphane Messika et Benoît Thieulin. Oui et c’est un sujet RH, c’est sur la gestion de carrière, l’employabilité versus la carrière… Comment gère-t-on le fait que le Middle Management n’existe plus ? C’est une problématique qui n’est pas encore résolue. Aujourd’hui, on voit que l’on replace tous les curseurs en termes d’organisation dans les entreprises. Tout est rebattu en mettant du digital partout, mais on adapte et se différencie selon les sociétés, selon la DRH… On reconstruit des organisations beaucoup plus complexes et très différentes ! Il y a un nouvel équilibre à trouver dans l’intégration des Millenials, comme dans les nouveaux espaces collaboratifs de travail à créer… afin que tout le monde s’y sente bien.
Ce qu’il faut en retenir
Pas de bons artisans sans bons outils !
L’accès de tous vos collaborateurs à Internet, aux applications mobiles et aux outils numériques doit être au moins aussi facile au bureau qu’à la maison… Laissez de côté les outils qui étouffent l’innovation : Powerpoint et ses cousins n’incitent guère à sortir la tête du bocal. Enfin, il est temps d’enraciner les nouveaux outils collaboratifs dans votre entreprise.
Tirez parti de votre histoire
Débarrassez-vous de vos complexes. Ce n’est pas un problème de ne pas être un Pure Player ! Vous avez d’autres atouts et il est naturel de se sentir parfois pris de vitesse par un marché et des technologies en constante métamorphose.
La curiosité est un excellent défaut
Organisez une veille régulière et pointue sur ce que font vos concurrents et sur les choix stratégiques des géants du Web.
Restez concentrés sur l’utilisateur
Partez de la demande plutôt que de votre offre actuelle : écoutez vos clients, prenez le pouls du marché, adaptez-vous aux usages émergents et aux nouveaux standards d’exigence des consommateurs.
Lancez-vous au bon moment
Habituez-vous à un Time-to-Market resserré et à lancer des produits peut-être imparfaits, mais viables et arrivés à temps sur le marché.
Le risque s’est déplacé
Donnez-vous les moyens d’avoir une politique de cyber-sécurité qui ne soit pas juste une vitrine, mais qui vous protège vraiment. C’est l’un des enjeux de demain.
Vers une révolution des RH
La gestion des RH et l’attractivité de la marque employeur sont essentielles pour s’imposer. La guerre des talents a commencé. Proposez à vos collaborateurs une vision, plutôt qu’une fiche de poste, et garantissez leur employabilité ultérieure en les formant aux métiers naissants.
Bousculez les hiérarchies
Testez le management à plat, par exemple au sein d’une nouvelle entité (Lab ou Factory). Tentez l’organisation en mode projet ou pourquoi pas, le Shadow Comex.
Cadrez vos relations avec les start-up
Bâtissez une charte de bonnes pratiques : de la prise de contact à la signature de contrats adaptés.
Big Data : tirez sur un fil !
Attaquez le Big Data par des cas d’usages raisonnables et emblématiques, qui serviront d’étendards au groupe. Construisez votre politique de collecte et d’accès à la donnée. 2018 est l’année du GDPR
Ces 10 conseils s’ajoutent à « Dix bonnes pratiques pour embarquer ses collaborateurs » et au questionnaire de maturité digitale, à découvrir dans le livre blanc à télécharger en intégralité sur le site d’Open.