Ville atypique par son histoire et son économie de services, la capitale allemande attire de nombreux « geeks » et jeunes entrepreneurs du monde entier. En résulte l’éclosion d’un important écosystème numérique, soutenu par un environnement financier dynamique.
Les 5 et 6 mai 2014 se déroulait Next Berlin 2014, la quatrième édition du grand rendez-vous européen du numérique et de son impact sur la société. Deux jours de conférences, d’émulation et de réflexions, ponctués de présentations de projets de start-up, ont réuni quelque 1 800 participants internationaux (entrepreneurs, dirigeants, experts…), au sein du Berliner Congress Center. Ces rencontres étaient placées sur le thème « Embrace the New Normal », une incitation à s ’impliquer dans la révolution numérique qui transforme aujourd’hui notre quotidien… Cette grand-messe du « digital » était marquée par les allocutions de Thomas de Maizière, ministre de l’Intérieur allemand, et de Brigitte Zypries, secrétaire d’Etat allemande auprès du ministre de l’Economie et de l’Energie. Auparavant, le 20 mars, Alexander Dobrindt, le ministre fédéral des Transports et des Infrastructures numériques, avait ouvert les débats du Hy! Summit, un autre événement berlinois regroupant 300 participants (créateurs d’entreprises,
Des infrastructures à bas coûts
Depuis quelques années, la capitale allemande attire de jeunes et nombreux entrepreneurs du monde entier. « Les prix de l’immobilier sont très bas, deux à trois fois moins chers qu’à Paris… Ceci favorise la création de nombreux espaces de coworking et incubateurs. Les jeunes créateurs de start-up, qui bénéficient d’infrastructures à bas coûts au cœur de la ville, peuvent nouer facilement des contacts et n’ont pas à assumer de frais importants de fonctionnement au démarrage », indique Aurélien Hérault, vice-président R&D de Deezer, plate-forme musicale en ligne qui a ouvert un bureau de R&D sur place en août 2012. Sans compter le coût de la vie, également deux fois moins élevé qu’à Paris et donc très favorable à une jeunesse débordante d’idées, d’audace et d’enthousiasme, mais encore désargentée.
Très cosmopolite, l’écosystème berlinois va même jusqu’à séduire certains acteurs de la Silicon Valley californienne et en aspirer de hauts profils de compétence. « Nous avons recruté un ancien ingénieur de Google venu de San Francisco », illustre Aurélien Hérault. Surtout, la « culture US » de la capitale allemande attise l’intérêt de nombreux fonds d’investissement, principalement américains et britanniques, moins frileux que leurs homologues français. « Les jeunes pousses bénéficient de la défiance de certains investisseurs étrangers pour l’Hexagone et de la manne d’un nombre important de business angels », confirme Philippe Collombel. « Les holdings financières comme Team Europe, issue de Rocket Internet [incubateur berlinois de start-up, ndlr], jouent également un rôle prépondérant dans la dynamique de l’écosystème. Leur modèle est basé sur la mise en place rapide d’un soutien financier et en ressources humaines des start-up qui décollent… mais, tout aussitôt abandonné si elles flanchent », ajoute Olivier Fleckinger.
Des levées de fonds plus rapides
Ainsi, ces entreprises ont manifestement plus de facilité qu’à Paris à lever des fonds pour démarrer leur business et grandir. C’est le cas de Spotistic, start-up française, créatrice d’un logiciel de marketing en ligne qui permet aux marques de suivre les échanges d’avis sur les réseaux sociaux de leurs points de vente. Arrivé fortuitement dans l’accélérateur berlinois Startupbootcamp à l’automne 2012, Spotistic y a d’abord bénéficié d’un programme d’aide de 15 000 euros pour sa création et amorcer son fonctionnement. Surtout, Startupbootcamp a permis de présenter le projet Spotistic à des investisseurs. « En février 2013, nous avons levé 25 000 euros d’un business angel américain et 30 000 euros du fonds privé allemand HR Alpha Venture , qui a rajouté 50 000 euros en septembre 2013. S’ajoutent 17 000 euros de bourse universitaire – et 2 000 euros par mois – dans le cadre du programme allemand Exist alimenté par des fonds européens », révèle Victor Landau, cofondateur de Spotistic. Désormais installé dans l’espace de coworking Agora, à l’est de Berlin, Spotistic compte capter encore « entre 100 000 et 200 000 euros » pour se développer. La jeune pousse réalise quelques milliers d’euros de chiffre d’affaires avec un effectif de six personnes.
Le quotidien Berliner Morgen Post propose une rubrique dédiée aux start-up. Pour illustrer le dynamisme de ces jeunes pousses, les deux infographistes du journal, Heike Assmann et Christian Schlippes, se sont plongés dans de multiples jeux de données et ont voulu démontrer que cet écosystème fait désormais partie intégrante de la ville. Ils viennent de publier cette infographie représentant les lettres « BERLIN » (source : LAB66). |
Les start-up françaises, allemandes ou autres peuvent également bénéficier de l’aide plus élevée du fonds français Partech Ventures. Dès 2004, ce dernier a investi 4,5 millions d’euros dans la start-up berlinoise Brands4friends, site Web de ventes privées de prêtà-porter, et 3 millions dans Smeet, le réseau social allemand de jeux vidéo en 3D. « En 2013, nous avons aussi déboursé 3,5 millions dans la start-up néerlandaise YD, établie à Berlin, qui fait du retargeting en ligne, et 500 000 euros dans Lesara, site allemand d ’e-commerce discount d’accessoires de la maison », expose Philippe Collombel.
S’il paraît facile de financer le développement de son entreprise, il semble en revanche plus difficile de recruter sur place des profils qualifiés. « Nous n’avons pas eu de problème pour recruter et monter une équipe commerciale très cosmopolite. C’est plus difficile de trouver des compétences dans le numérique sur un marché de l’emploi très tendu », nuance Victor Landau. C’est aussi l’avis d’Olivier Fleckinger dont la société Alvarum est d’abord passée par l’espace Betahaus au centre-ville (Mitte), avant de s’installer dans de plus beaux locaux dans le quartier de Kreuzberg. « Il y a peu de chômage pour les profils qualifiés en IT. Mais nous n’avons pas eu de difficultés à recruter nos équipes de Web marketing », conclut-il.