Alors que la taille du marché mondial de la blockchain devrait être multipliée par 140 d’ici 2030, la technologie souffre encore, directement ou indirectement, de certaines faiblesses.
Née avec le Bitcoin en 2008, la blockchain est un système décentralisé permettant de réaliser des échanges de données et des transactions financières de manière sécurisée. En dehors des cryptomonnaies, elle séduit un nombre croissant de secteurs d’activité et trouve de multiples applications dans la supply chain, la santé, l’identité numérique, le transfert d’actifs (titres de propriété immobilière, actions, obligations…), l’Internet des objets…
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Selon une étude de Grand View Research, la taille du marché mondial de la technologie blockchain est estimée à 10,02 milliards de dollars en 2022. Elle devrait atteindre 1 431,54 milliards de dollars en 2030, soit un taux de croissance annuel moyen de 85,9 % entre 2022 et 2030. Mais cette technologie aux nombreux bénéfices, réputée inviolable, présente néanmoins certaines faiblesses.
Une complexité de mise en œuvre
L’entreprise Nabu, plateforme d’accélération du traitement des documents liés au transport de marchandises, met en avant l’importance de la blockchain comme étant une grande innovation dans l’univers du commerce international depuis l’invention du conteneur maritime. Mais tout n’est pas 100 % positif.
« Dernièrement, 12 banques européennes se sont retirées de la plateforme we.trade ; un signal très fort. Cette actualité montre à quel point imposer la blockchain dans cette industrie est particulièrement complexe. On note aussi qu’une autre startup du secteur a abandonné la blockchain la même semaine, citant des craintes sur la capacité de son modèle à monter en puissance », explique Arnaud Doly, CEO de Nabu.
Ce qu’Arnaud Doly pointe du doigt, c’est la difficulté à déployer cette technologie dans un secteur où les documents « papier » sont encore très présents et où, pour chaque transaction de commerce international, de multiples parties prenantes sont impliquées.
« Le format utilisé a un impact très fort sur les acteurs concernés. Si j’achète des biens en Chine, des dizaines de parties prenantes sont impliquées. Et si je propose une blockchain française à mes interlocuteurs chinois, ils vont me répondre qu’elle n’est pas compatible avec leurs solutions logicielles. Il y a un vrai challenge d’interopérabilité et, dans certains pays, d’acceptation d’une technologie étrangère », ajoute Arnaud Doly.
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La question de la sécurité des réseaux de blockchain
Pour Michel Vujicic, Directeur technique d’I-Tracing, spécialiste français des services de cybersécurité, la blockchain représente une opportunité d’accélération et une meilleure sécurisation des transactions : « Avec la promesse fondamentale de restaurer la confiance, la technologie blockchain a séduit en une dizaine d’années le monde de la finance, de l’énergie, de la santé ou encore de l’industrie ».
Mais, selon le CTO d’I-Tracing, même si cette technologie produit un registre inviolable des transactions, les réseaux de blockchain ne sont pas à l’abri des cyberattaques et des fraudes. « Lors de la création d’une application de blockchain, il est primordial de prendre en compte tous les risques liés à l’entreprise, à la gouvernance, à la technologie et aux processus pour limiter les risques émanant principalement de la nature décentralisée des blockchains », déclare-t-il.
En un mot, Michel Vujicic souligne le fait que le « composant blockchain », déployé dans le cadre d’un service IT, ne suffit pas à assurer la sécurité globale de ce service. « Il est nécessaire de vérifier que, à la périphérie de cette technologie, les moyens d’accès au nœud, les identités et les permissions sont correctement gérés. S’il y a une vulnérabilité à ce niveau, il est possible que le service blockchain soit défaillant », note-t-il.
Autre point de vigilance : les smart contracts développés sur certaines plateformes blockchain. Ces contrats intelligents sont de véritables programmes informatiques exécutant un ensemble d’instructions prédéfinies. « D’un point de vue cybersécurité, ce sont des applications spécifiques qui peuvent faire l’objet d’un audit de code ou de la vérification des paramètres et de la gestion des entrées / sorties. Nous retrouvons de manière assez classique des problématiques de développement sécurisé », commente Michel Vujicic.
Des limites juridiques également
Si l’on se place maintenant d’un point de vue juridique, la blockchain présente de très nombreux avantages, mais aussi certaines limites. « Les NFT permettent de certifier la propriété d’une œuvre, de manière exclusive, à une personne. Mais le problème qui se pose de plus en plus souvent est celui de l’origine de l’œuvre. Actuellement, c’est un peu la foire d’empoigne. Les règles de la propriété intellectuelle, parce que c’est numérique, ne sont pas toujours respectées », note Ludovic de La Monneraye, Avocat chez Vaughan Avocats.
Autre limite : le droit applicable en cas de litige. « La blockchain faisant appel à des utilisateurs du monde entier, les règles juridiques qui s’appliquent aujourd’hui sont encore très floues. Certains chercheurs avancent que la loi applicable pourrait être celle du pays dans lequel se trouvent les serveurs. Mais pour le moment, il n’existe pas de réglementation précise », conclut Ludovic de La Monneraye.
La blockchain, malgré l’immense potentiel de développement qui la caractérise, souffre encore de certaines limites propres à toute technologie émergente. Dans les années qui viennent, l’ensemble de son écosystème va devoir s’atteler à résoudre un certain nombre de faiblesses liées à l’interopérabilité des différentes blockchains existantes, à la sécurité des environnements de déploiement et aux garanties juridiques relatives aux contenus.