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Avec la blockchain, l’industrie auto passe en mode collaboratif

V Fournier - O Panciatici

Des industriels de l’automobile, dont Renault, et des acteurs technologiques se sont réunis autour d’un même projet blockchain : XCEED. La première étape est celle de la conformité. Mais le partenariat dans l’écosystème voit plus grand.

Les décideurs politiques le savent. Il est parfois (souvent ?) complexe de faire travailler ensemble des acteurs d’un même écosystème. Plus encore si ces entreprises partagent des rivalités business.

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Des rapprochements ne sont cependant pas impossibles. A condition de démontrer la valeur pour les membres de se réunir autour d’un projet commun, d’organiser la gouvernance et d’instaurer la confiance. Ces notions sont justement au cœur de la technologie blockchain.

De la coordination à la collaboration

C’est donc autour de la blockchain que se sont réunis des industriels de l’automobile. XCEED a ainsi rassemblé Faurecia, Renault, Knauf Industries, Simoldes, Coşkunöz, et IBM. Et la finalité de XCEED, c’est de disposer d’une solution commune en matière de conformité des composants.

La législation européenne renforce depuis 2020 les contrôles dans ce domaine. Pour l’industrie automobile, cela implique la participation de tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, OEM et équipementiers.

C’est donc un peu sous la contrainte, mais avec de réels bénéfices, que les entreprises du secteur sont amenées à plus de collaboration. “Dans l’automobile, nous avons l’habitude de fonctionner en écosystème, mais selon différents modes de travail. Jusqu’à présent, nous faisions plutôt de la coordination”, déclare Odile Panciatici, coordinatrice du projet XCEED.

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Vincent Fournier, blockchain practice leader chez IBM

Place désormais à un “mode beaucoup plus collaboratif, sans cette relation client/fournisseur. Notre relation est d’abord partenariale. Sur XCEED, toutes les parties sont au même niveau”, poursuit la vice-présidente blockchain du groupe Renault.

La blockchain vient appuyer et aussi automatiser des règles déjà définies dans les contrats entre les entreprises partenaires. Mais en outre, souligne Vincent Fournier, blockchain practice leader chez IBM, la conformité est “un bien commun” pour ces industriels.

Traiter la conformité plus rapidement et en commun

Les gains d’une collaboration sur ce cas d’usage de la blockchain sont également mutualisés. “Tous ont envie de traiter la conformité plus rapidement, plus facilement et d’éviter de réconcilier de l’information manuellement”, relève encore l’expert.

Le bénéfice commun est ainsi une amélioration de l’excellence opérationnelle, insiste la dirigeante de Renault. Depuis l’officialisation de XCEED (eXtended Compliance End-to-End Distributed) en avril, son déploiement s’est poursuivi. L’application blockchain est à présent en service sur 14 sites de production.

Elle permet à chacune des usines de remonter des données sur une plateforme relatives à des ‘objets’, soit une pièce ou un véhicule. A ces objets seront attachés des tests et des résultats. La somme de ces informations fournit une vision complète du niveau de conformité.

Des fonctions avancées permettent en outre d’effectuer des recherches parmi les données pour, par exemple, contrôler des résultats sur un site donné ou sur une période de temps spécifique. Chargement des données et visualisation donc.

A noter que des API ou fichiers plats répondent au besoin d’automatisation des transferts de données. Mais une saisie manuelle, lorsque les tests sont rares, permet aussi de renseigner les informations via une interface web.

Tous les acteurs de la blockchain n’ont cependant pas accès au même niveau d’information, pour des raisons évidentes de confidentialité. “Renault, en tant qu’OEM, pourra visualiser tout ce qui se passe en amont. La gestion de la confidentialité de l’information est extrêmement importante”, précise Vincent Fournier

Empreinte carbone, recyclage, batterie électrique à venir

Odile Panciatici, coordinatrice du projet XCEED

En fonction de sa place dans la chaîne et du type de transaction commerciale, les parties accèderont à plus ou moins de données. La confidentialité est d’autant plus critique que d’autres usages d’XCEED sont à l’étude, touchant à des informations sensibles.

La finalité est bien de couvrir l’homologation et la conformité sur tout le cycle de vie d’un véhicule, de sa conception à sa maintenance après-vente. Ces processus touchent la mécanique, mais aussi le logiciel, toujours plus présent dans les automobiles. L’empreinte carbone est un autre sujet à l’importance grandissante pour la filière, sur la logistique comme la production.

“Ce que nous allons rechercher avec XCEED, c’est une optimisation au niveau de l’écosystème. Si vous voulez optimiser au global l’empreinte carbone, les solutions ne peuvent pas résider seulement au niveau de chacune des entreprises”, déclare Odile Panciatici.

Dans les prochains mois (mi-2022), la plateforme blockchain se dotera ainsi d’un module supplémentaire visant à favoriser ces optimisations environnementales. Le recyclage sera un autre axe d’amélioration de l’application, comme la traçabilité de la batterie. Sur ce point, la tâche s’annonce complexe, et un bon cas d’usage pour la blockchain.

“Rien que la traçabilité du cobalt [Ndlr : composant pour les batteries des véhicules électriques], c’est 16 rangs. La longueur de la chaîne fait qu’il est difficile de la contrôler. La blockchain permet que chacun apporte sa pierre à l’édifice”, précise la responsable de Renault.

Un cercle vertueux et des ponts avec l’aéronautique

Mais l’actualité des industriels, y compris dans l’automobile, c’est la pénurie de composants. Un module doit répondre à cet enjeu critique. Aujourd’hui, n’existe aucune gestion en temps réel des composants et des besoins. Et ces données sont particulièrement confidentielles.

L’ambition est donc d’héberger ces données sur la blockchain. Des algorithmes interviendront pour calculer des risques, de pénurie notamment, ou pour fournir des prescriptions. Mais pour cela, il convient donc de réunir le plus possible d’acteurs de la filière sur XCEED.

La plateforme vise même “l’ensemble de l’industrie automobile afin de parvenir à une gestion beaucoup plus intelligente à plusieurs plutôt que d’essayer de se battre chacun dans son coin, comme c’est le cas aujourd’hui”, met en avant Odile Panciatici.    

XCEED réunissait 6 entreprises le 21 avril. La blockchain a depuis accueilli de nouveaux participants. Parmi ceux-ci, des organismes de certification, des partenaires technologiques ou des laboratoires. L’objectif d’ici la fin d’année est d’atteindre les 70 partenariats. Des discussions sont en cours avec des OEMs.

Un second constructeur, en plus de Renault, rejoindra la gouvernance du projet à partir de la mi-2022. En 2023 ou 2024, ce chiffre devrait être porté à six. Et tous ne seront probablement pas issus de l’automobile. Les similitudes ne manquent pas avec l’aéronautique et des échanges sont donc engagés avec cette industrie, intéressée par l’application blockchain.   

“Nous avons commencé avec un premier cas d’usage qui était de faire des audits de manière efficiente. D’autres s’ajoutent, très pragmatiques. Grâce à cela, nous trouvons de nouvelles applications sur des gestions plus collaboratives. C’est un cercle vertueux en termes de valeur. Et nous en sommes au tout début”, conclut la vice-présidente blockchain de Renault. 

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