Chez BNP Paribas, le CIO, clé de voûte de la conception du SI du futur

Alors que la première banque européenne emprunte le virage de l’intelligence artificielle, Bernard Gavgani, CIO groupe et membre du Comex, revient sur les enjeux de confiance et de transparence qui l’animent tant vis-à-vis des 47 000 informaticiens de l’entreprise que des autres directions.

Cet entretien est issu de notre série d’interviews « What’s next, CIO ? » qui revient tout au long de l’année sur les priorités et visions d’avenir des CIO stratèges

Comment le groupe BNP Paribas gère-t-il le virage de l’intelligence artificielle ?

WNCIO2Toutes les grandes entreprises sont au début du virage de l’IA générative. Après l’ère de la stabilisation du système d’information, puis l’arrivée du cloud et des architectures d’interopérabilité, la transformation liée à la data et à l’intelligence artificielle est stratégique.

Nous anticipons en nous appuyant sur ce qui a été construit jusque-là. Mais nous mettons aussi une priorité sur le recrutement de talents et, en particulier, de femmes. Elles sont déjà environ 30 % dans l’IT du groupe, notre ambition est d’aller au-delà, sur des postes très variés. Pour cela, nous travaillons étroitement avec les RH.

C’est ce dispositif global qui doit nous permettre d’accélérer un mouvement déjà bien engagé. En effet, nous utilisons l’IA depuis 2016, mais aujourd’hui il faut passer à l’échelle de manière industrielle. À ce titre, plus de 700 cas d’usage d’IA sont déjà en production au sein de la banque, avec pour ambition d’en déployer 1 000 à l’horizon 2025, notamment pour améliorer le parcours client et optimiser les processus internes, comme la lutte contre la fraude. Nous développons également les usages d’IA pour l’IT, à travers l’automatisation, pour améliorer l’efficacité et la fiabilité. Le SI du futur passe par là. Ainsi, des progrès significatifs ont été réalisés en intégrant l’IA dans la chaîne de DevOps, avec l’automatisation de la surveillance et l’anticipation des incidents dans la production, et nous testons l’IA générative pour aller plus loin. Tout ceci nécessitait, auparavant, énormément de temps et de ressources. Aujourd’hui, notre informatique est organisée pour accélérer les résultats et la mise à disposition de ce que nous développons. C’est une fondation pour le passage à l’échelle.

Que change cette transformation dans votre gestion quotidienne de l’IT ?

C’est un tournant rapide qui nécessite une adaptation constante aux outils de demain. Dans les environnements sécurisés des données bancaires, il est important de pratiquer l’interopérabilité, en se posant la question de la durabilité. Mais c’est aussi une question de culture. Le rôle du CIO a toujours été d’anticiper, ce n’est pas nouveau. Ce qui change, en revanche, c’est bien la vitesse accrue de la transformation. Pour faire face à ces défis, nous devons avoir un cadre défini pour les années à venir qui prend à la fois en compte la technologie, les ressources humaines et l’évolution culturelle. Au quotidien, cela signifie donc des ajustements continus et une anticipation constante pour disposer des bonnes compétences.

Comment votre place au sein du Comex vous aide-t-elle face à ces défis ?

Mon rôle est de faire de la pédagogie, d’écouter les besoins des métiers et de proposer des solutions aux problèmes posés. Avec 47 000 informaticiens dans le groupe, il est important de prendre des décisions top-down tout en ayant un retour bottom-up pour faire remonter les préoccupations des informaticiens jusqu’au Comex. C’est un travail de proximité. Je suis le porte-parole des informaticiens, tout en veillant à leur donner une direction claire, conformément à la stratégie de la banque. En ce sens, la communication entre eux et le Comex est plus directe et efficace. Nous devons nous adapter rapidement, en cherchant le chemin le plus court, pour savoir comment le métier s’organise et pour, ainsi, traduire les besoins en solutions technologiques.

Comment réussir à embarquer les membres du Comex sur des questions techniques qu’ils ne maîtrisent pas toujours ?

Grâce à la communication, la collaboration, mais aussi la confiance. Nous devons répondre aux besoins exprimés par les métiers avec des solutions adaptées, créant ainsi un pont solide. Chaque dirigeant métier connaît ses besoins, sans pour autant être informaticien. Et vice versa, à l’IT, nous ne sommes pas des banquiers. Une jointure est ainsi essentielle pour que l’ensemble fasse corps. Mais les relations du responsable des systèmes d’information avec les métiers ne se résument pas à la dynamique qui se joue au Comex, heureusement. Nous avons des échanges avec tous les métiers de la banque, qui ont tous des problématiques spécifiques, qu’elles soient liées au retail, à l’assurance ou à la banque d’investissement. Le responsable SI doit comprendre ces différents domaines pour garantir un système d’information performant et sécurisé. La structure du SI dans une banque comme BNP Paribas est complexe et doit fonctionner de manière intégrée. C’est l’enjeu d’aujourd’hui et de demain, car la technologie ne s’adapte pas de manière homogène.

Vous êtes le premier patron de l’IT membre du Comex au sein de BNP Paribas. Comment réussir à gagner la confiance et la conserver au long cours ?

La confiance repose sur la transparence ainsi que la capacité à reconnaître et corriger ses erreurs. On fait des choix, mais, lorsque l’on constate que ce ne se sont pas les bons, il faut savoir se remettre en question. Le CIO reste au cœur de l’innovation. Il ne peut donc pas avancer sans la confiance de tous, mais cela nécessite du temps, de nombreuses discussions et de la compréhension. Une caractéristique importante de la confiance, c’est qu’elle met longtemps à se gagner et qu’elle peut se perdre très vite. Par ailleurs, le secteur bancaire est particulièrement régulé. Lors des audits, nous avons des avis qui valident nos actions : ce sont des moments clés qui nous aident à voir que nous allons dans la bonne direction.