La banque a annoncé le renouvellement de son partenariat stratégique avec IBM Cloud, qui inclut l’ouverture d’une nouvelle région dédiée au disaster recovery et à des « GPU on demand ». BNP Paribas renforce ainsi son approche originale d’un cloud public mis en œuvre directement au sein de ses infrastructures.
BNP Paribas héberge le cloud d’IBM dans ses propres datacenters depuis 2019. C’est le compromis trouvé par la banque pour profiter des avantages du cloud public, tout en conservant un niveau de maîtrise suffisant pour une institution financière. Dorénavant, le groupe veut aller plus loin : il vient de signer un nouvel accord de partenariat pluriannuel avec IBM Public Cloud pour une durée de 10 ans, en étendant le périmètre avec une nouvelle zone dédiée, qui doit notamment permettre d’assurer une résilience beaucoup plus importante pour ses applications actuelles et futures. Les premiers résultats devraient se voir à partir de la mi-2026. « La zone « Cloud dédié » que nous avions jusqu’à présent se traduit par une région et trois datacenters interconnectés dont nous sommes les seuls à avoir l’usage. En ajoutant une nouvelle région dédiée, nous voulons garantir une plus haute disponibilité encore de nos applications, car nous voulons continuer à étendre des services PaaS, Kubernetes, voire certains usages SaaS, en mode cloud natif dans notre système d’information », commente Christophe Boulangé, directeur du cloud BNP Paribas.
Une nouvelle région dédiée hébergée en Europe
Si la zone dédiée primaire était hébergée en France, ce ne sera pas le cas de cette nouvelle région. « La zone de recovery est dans un autre pays d’Europe où nous avons des datacenters en propre. Nous sommes sur des distances raisonnables entre les deux pays, afin d’avoir deux zones complètement indépendantes que ce soit techniquement ou en termes de bassin d’emploi, afin d’avoir une approche de résilience globale », complète-t-il. Des indices qui pointeraient peut-être vers la Belgique limitrophe. Cette préoccupation à long terme est mise en musique alors que la réglementation DORA pousse tous les acteurs du secteur financier à renforcer leurs stratégies de résilience face à la dépendance de leurs systèmes au numérique. Si le choix de BNP Paribas n’est pas dû à une exigence formelle de la part de la réglementation, le sujet du renforcement de la résilience vient d’un souhait d’être « future-proof ».
Des GPU « à la demande » pour l’IA
« Nous anticipons que l’intelligence artificielle va de plus en plus devoir être appliquée à des données sensibles, donc nous devons pouvoir garder le contrôle sur ces usages, sur le cloud et dans les infrastructures », décrit Christophe Boulangé. À chaque fois qu’un niveau de résilience supérieure apparaîtra nécessaire, par exemple dans le cas des usages de paiement très sensibles, les données seront donc dupliquées sur la deuxième zone. Mais cette nouvelle région veut aussi aller plus loin au service de l’innovation. Le directeur cloud précise : « Ce que nous avons formalisé dans ce nouveau contrat, c’est le concept de « GPU as a service ». Nous investissons déjà sur des GPU « on premise » pour faire fonctionner l’IA ; nous voulons donc compléter ces capacités, tout en restant maîtres des traitements que nous voudrons en faire ». D’après la banque, qui s’appuie pour le moment sur 40 puces H100 de Nvidia, l’usage de ces GPU supplémentaires pour l’IA s’inscrira donc « à la demande » selon les besoins des métiers, en ne payant qu’à l’usage. « Il n’y a pas d’use case prédéfini, le but est de faire de l’appoint, expérimenter certains usages IA ou 3D, ou encore gérer des pics d’usages », souligne Christophe Boulangé.
Un partenariat ambitieux…
Dans un contexte où la question des dépendances technologiques se retrouve posée de façon beaucoup plus aiguë, le choix de BNP Paribas de s’engager avec un tel partenariat stratégique auprès d’IBM ne peut pas manquer d’interroger. Les représentants de la banque ont bien conscience des enjeux : « Les régulateurs nous obligent à nous poser la question de la dépendance technologique, notamment en abordant le sujet fondamental de l’exit stratégique. Tout outsourcing nécessite un tel plan de sortie. C’est un point clé que nous avons travaillé avec IBM, dans le premier contrat et dans ce deuxième contrat également », explique Christophe Boulangé. « Pour ne pas être en situation de dépendance vis-à-vis d’un éditeur, nous nous assurons d’avoir la capacité à reprendre facilement tous les workloads qui tournent sur ces infrastructures, à un autre endroit. Cela implique de surveiller de près le modèle opérationnel, car deux cloud providers n’ont pas les mêmes processus, mais également de pouvoir rebondir grâce aux technologies utilisées.
… avec un plan de sortie si nécessaire
C’est là qu’Openshift joue à plein », détaille le directeur cloud, en référence à la plateforme de conteneurisation de Red Hat, filiale d’IBM depuis 2018. Un argument repris par Juliette Macret, vice-présidente EMEA d’IBM Public Cloud : « Nous mettons l’open source au cœur de nos technologies pour créer le moins de dépendance possible pour nos clients. Cette approche technologique est complétée par des plans de réversibilité qui sont préparés conjointement afin de faciliter une sortie si jamais cela devait se produire.» La portabilité des applications n’est évidemment pas automatique et demandera un peu de travail aux équipes IT, mais ces précautions offrent la possibilité à un acteur comme BNP Paribas d’avoir un chemin de sortie bien défini vis-à-vis d’un partenaire de premier plan. « Et ce quelles qu’en soient les raisons, y compris géopolitiques », reconnaît Christophe Boulangé. Une allusion aux nouvelles craintes de voir les États-Unis utiliser leurs grandes entreprises technologiques pour faire pression sur d’autres pays alors que les tensions géostratégiques s’accroissent.