Pour Braincube, le facteur énergétique gagne du terrain chez les industriels

Réduction de la consommation énergétique du parc industriel, gestion des arrêts de production due aux coupures d’électricité… Paul Pinault, VP IIoT Product & Market Strategy de Braincube, revient sur l’actualité brulante énergétique des industriels.

Paul Pinault, VP IIoT Product & Market Strategy de Braincube

Paul Pinault, VP IIoT Product & Market Strategy de Braincube

Alliancy. À quel besoin industriel répond Braincube ?

Paul Pinault. Nous fournissons un service en mode SaaS pensé par des personnes – les trois cofondateurs de l’entreprise – issues du monde de l’industrie et qui ont envie de résoudre un problème de taille : stabiliser la production d’une usine. Notre solution permet d’identifier les signaux sur lesquels il est possible d’agir pour parvenir à cette stabilisation.

Qu’entendez-vous précisément par stabilisation de la production ?

Quand une usine rencontre un problème de production, cela peut venir de causes récurrentes que les équipes du service qualité parviennent rapidement à identifier. En revanche, quand une instabilité s’installe, cela signifie que des périodes de qualité et de non-qualité vont s’alterner, ce qui est beaucoup plus complexe à analyser, car les personnes impliquées pensent ne pas avoir modifié de paramètres en particulier. C’est là que notre système intervient pour identifier les variables qui en sont la cause.

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Utilisez-vous des capteurs pour parvenir à ce résultat ?

Nous n’utilisons pas de capteurs. Nous faisons en effet une distinction très nette entre l’IoT pour l’industrie et l’IoT industriel. L’IoT pour l’industrie pose des capteurs sur le parc industriel et analyse les données qui en remontent. Il est possible de faire tourner quelques algorithmes de machine learning sur ces sets de données pour obtenir un peu de prédictif, mais ce sont essentiellement des séries temporelles du début à la fin.

En revanche, quand il s’agit d’IoT industriel, ce qui est notre cas, nous fonctionnons avec des machines de production déjà équipées de centaines, voire de milliers de capteurs. Les données issues de ces capteurs internes présentent de multiples avantages : ils sont d’une variété très large et directement reliés à la capacité et à la vitesse de production de la machine (critère de vélocité). La variété et la vélocité nous amènent le volume, ce qui correspond à tous les ingrédients du Big Data. Cela facilite la prise de décision en temps réel ou quasi-temps réel.

[bctt tweet= »L’énergie que l’on dépense le plus mal est celle que l’on jette » username= »Alliancy_lemag »]

Par rapport à l’IoT pour l’industrie, qui reste sur un axe très temporel, l’IoT industriel permet de basculer sur un axe « produit », très utile pour fiabiliser une production. En effet, l’axe « produit » permet de détecter un défaut apparu quelque part dans la chaîne de production. Pour identifier ce défaut, nous élaborons un jumeau numérique industriel (manufacturing digital twin) spécifique à chaque chaîne de production, et nous analysons les différents lots de données.

Comment appliquez-vous ces principes et méthodes pour réduire l’énergie gaspillée et réaliser une véritable transition énergétique sur les sites de production ?

Il existe deux manières principales d’économiser de l’énergie. Pour illustrer la première, prenons l’exemple d’une unité de production d’énergie à partir de biomasse dans laquelle du gaz vient en complément. S’il existe une très forte variabilité dans l’alimentation en gaz, cela génère des surcoûts. Par l’analyse, nous arrivons à pointer du doigt certaines opérations inefficaces, car contre-intuitives, menées par le personnel du site de production, et à supprimer cette instabilité. Cela permet de faire baisser très fortement la consommation de gaz.

Le second axe d’économie est de partir du principe suivant : l’énergie que l’on dépense le plus mal est celle que l’on jette. Autrement dit, à chaque fois que je produis un bien que je suis obligé de détruire en raison de ses défauts, je consomme inutilement de l’énergie. La deuxième manière d’économiser de l’énergie est donc de s’assurer que la chaîne de production est toujours à son optimum en termes de qualité.

On peut même citer une troisième façon d’économiser de l’énergie qui consiste à jouer sur les cadences de fabrication, car quand j’accélère ma chaîne de production, la quantité d’énergie consommée, ramenée à l’unité produite, est globalement plus faible.

[bctt tweet= »La maîtrise des coûts énergétiques peut devenir un différenciant important pour certains industriels » username= »Alliancy_lemag »]

Le facteur énergétique est-il en train de gagner ses lettres de noblesse auprès des industriels ?

Oui, car jusqu’à présent, le facteur énergétique était loin d’être le premier à être pris en considération par les acteurs du manufacturing. Ces derniers portaient principalement leur attention sur le coût des matières premières, qui représentait la majeure partie, par exemple 95 %, des coûts de production. Dans l’état de crise énergétique actuel, l’énergie commence à prendre une part significative. Si nous avons 5 % de perte, ils s’appliquent désormais non plus sur une part réduite des coûts, mais sur 30 % par exemple, ce qui devient significatif sur l’équation économique de l’entreprise.

Or, l’enjeu de tout industriel est d’être constamment compétitif, notamment pour rester dans la course concurrentielle. Si un acteur devient plus compétitif que les autres grâce à sa maîtrise des coûts énergétiques, il peut prendre une longueur d’avance sur ses confrères, soit en réussissant à maintenir sa production plus longtemps que celle des autres, soit en récupérant des marchés que ses concurrents n’ont pas su garder.

La maîtrise des coûts énergétiques peut donc devenir un différenciant important pour maintenir sa production alors que d’autres l’arrêtent, comme cela est le cas pour Duralex. Le groupe vient en effet d’annoncer vouloir réduire son activité pendant au moins quatre mois à compter de novembre en raison de la flambée des prix de l’énergie.

Qu’en est-il des arrêts de production provoqués par les potentielles coupures d’électricité qui pourraient survenir dans les semaines et mois à venir ?

Chacun de ces arrêts courts est suivi d’un redémarrage. Or, dans un processus industriel, lors d’un redémarrage, le début de la production est souvent jeté. Nous sommes en plein dans la perte d’énergie et d’efficacité, les coûts de revient s’en trouvent fortement augmentés. Nos systèmes, parce qu’ils connaissent le passé et ont pu analyser les paramétrages les plus fins, vont être capables de reproduire les meilleurs redémarrages réalisés précédemment et donc de réduire au maximum les pertes.

Braincube a été créée en 2007, à Issoire, près de Clermont-Ferrand, par Laurent Laporte (PDG), Hélène Olphe-Galliard (COO) et Sylvain Rubat du Mérac (directeur général). Dès 2009, l’entreprise s’est déployée au Brésil et aux Etats-Unis, ce dernier pays étant aujourd’hui passé devant la France en termes d’activité. Braincube emploie 170 personnes (une vingtaine de postes sont ouverts actuellement) et connait des taux de croissance annuels compris entre 30 et 50 %. Ses solutions sont déployées sur 250 sites de production sur six continents.