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[Interview] La BRED profite de l’ouverture de son SI pour simplifier l’accès à l’innovation

>>Cet article est issu du carnet d’expériences à télécharger « Banques, DSI et innovation » 

Simone de Oliveira est directrice des systèmes d’information de la BRED depuis 2016 et est membre du comité exécutif. Elle détaille les évolutions majeures, aussi bien organisationnelles que techniques, qu’a connues la banque ces dernières années pour mieux innover.

Simone de Oliveira est directrice des systèmes d’information de la BRED

Quelle place prend l’innovation dans votre stratégie ?

Depuis 2012, nous avons la chance d’avoir un directeur général pour qui la transformation de la banque passe à la fois par des femmes et des hommes et par de l’informatique. En matière d’innovation, il a donc fortement poussé à la digitalisation. Notre stratégie de « banque sans distance » vise à être excellents dans la banque en ligne tout en intensifiant les dimensions de conseil, de contact humain et de proximité qui font la force de notre réseau d’agences.

Cette philosophie mobilise nos équipes depuis plusieurs années et implique que l’on fasse bien plus qu’innover en s’équipant de nouveaux outils numériques. Ainsi, en 2018, année charnière, nous avons remis en question tout notre modèle organisationnel. Le sujet de l’innovation est technologique, mais cela ne suffit pas. Il fallait que nous changions tous notre façon de travailler pour en tirer parti.

Quels ont été les principaux changements ?

Nous avons fait disparaître la maîtrise d’ouvrage et la direction des études, ce qui a provoqué une transformation importante pour le delivery et le run. Il fallait remettre le métier au cœur et faire en sorte que l’informatique soit vu comme un partenaire permanent et efficace. La question était : comment le métier peut se réemparer de son système d’information ? Nous avons créé des filières de développement selon nos axes stratégiques : la banque de détail, la clientèle des grandes entreprises, la salle de marché mais aussi le pilotage commercial, financier et des risques, ou encore le back-office des opérations…

Chacune de ces filières est cosponsorisée par le comex et dotée d’un « patron de filière » côté IT. Les membres du comex préparent ainsi leur feuille de route de projets annuels, puis priorisent en fonction de l’enveloppe et des capacités IT mises en face. Le métier choisit donc ses projets par la valeur avec une capacité d’adaptation au fil de l’eau. Le but est de faire en sorte que l’innovation et l’IT appartiennent à tous et ne soient pas le pré carré de quelques-uns. Par exemple, le BRED Studio, qui est l’équivalent d’un comité d’innovation, m’est rattaché hiérarchiquement, mais associé fonctionnellement à la direction de la transformation. Il est ouvert au plus grand nombre, pour y associer aussi des acteurs de la communication, des RH…

À quel point cela a été une transformation importante pour les équipes de la DSI ?

Pour chaque filière, j’ai pu recommander des personnes qui venaient de l’IT ou de la MOA pour faire le lien avec le comex et créer une relation de confiance. Mais il a fallu aller plus loin que ces liens interpersonnels. Nous sommes donc évidemment passés à l’agile, avec des coachs pour accompagner à la fois l’IT et les métiers. En la matière, nous ne voulions pas seulement accélérer le delivery, car nous étions déjà très rapides. L’objectif était vraiment d’atteindre une meilleure gestion de projet commune et pouvoir se concentrer sur le sens, la valeur créée par les projets, le « pourquoi », plutôt que de partir systématiquement de la technologie. Les rituels agiles de rencontres mises en place ont permis de créer un lien avec les métiers et de vérifier la consistance des projets au fur et à mesure plutôt que des années plus tard. L’avantage d’une telle approche, c’est qu’en termes d’innovation, on en vient à se concentrer uniquement sur les fonctionnalités qui sont importantes, plutôt que de se laisser distraire par des gadgets.

[bctt tweet= »« Le sujet de l’innovation est technologique, mais cela ne suffit pas. Il fallait que nous changions tous notre façon de travailler pour en tirer parti. » » username= »Alliancy_lemag »]

L’idée était aussi de laisser la capacité au patron de filière, le seul responsable hiérarchique – car tout le monde ensuite a plutôt un rôle fonctionnel par sujet – de créer de la flexibilité au fil de l’année. Cela est important au sein d’une filière mais aussi entre les filières, de façon à mobiliser les ressources internes en fonction des besoins. Nous sommes sortis de l’approche traditionnelle « J’ai dix développeurs à disposition, que vais-je en faire pendant les trois ans à venir ? » pour aménager et concentrer en permanence les efforts aux bons endroits.
Les résultats sont là : nous avons atteint le bon ratio de 90 % de fonctions délivrées. Il y a aujourd’hui une visibilité partagée autour de l’innovation et du focus business, par le métier et l’IT.

Quels ont été les enjeux technologiques ?

Nous avons mené une transformation cloud qui est allée en se renforçant. En 2018, nous avons géré les basiques : provisionner rapidement des infrastructures et fournir de l’autonomie pour accéder aux bonnes ressources IT. Nous nous sommes ensuite concentrés sur la compréhension et la maîtrise de nos coûts. Toutes les entreprises savent aujourd’hui que c’est un enjeu complexe. Au niveau de la DSI, la question est : comment se dégager des marges de manœuvre pour investir dans la nouveauté et l’innovation ? J’ai donc créé une équipe à partir de notre programme de modernisation continue, regroupant business analystes, développeurs, exploitants… qui travaillent sur tous les axes : gestion de coûts, gestion de l’obsolescence et efficience des processus. Les gains ont été notables, y compris en identifiant et mettant un terme à des consommations inutiles de ressources.

Depuis 2020, nous avons renforcé notre stratégie cloud, car on ne peut pas se contenter de faire un simple shift d’infrastructure si l’on veut créer de la valeur. L’axe premier est donc celui de la nouveauté : si le service voulu existe ailleurs, il faut qu’on arrive à l’intégrer. Depuis longtemps, la philosophie de notre SI est d’être ouvert. Aujourd’hui, il est donc fortement « APIsé », ce qui nous permet par exemple de mettre en musique le lien avec les fintechs et de les aider à industrialiser le service qu’elles proposent. En parallèle, nous allons chercher de l’innovation dans le cloud et nous profitons de cette ouverture de notre SI pour simplifier cet accès à l’innovation.

Le cloud est donc clé pour innover, même avec les contraintes inhérentes au secteur bancaire ?

Nous avons évidemment mis en place des chartes précises pour avoir une note « Sécurité et RGPD » sur tous nos usages du cloud et faire des choix éclairés. Il faut de toute façon que nous soyons capables de garder en interne des capacités car c’est là qu’on pourra aussi peut-être faire la différence demain. Nous avons construit notre stratégie cloud autour de plusieurs axes. Pour la collaboration, sur laquelle nous avons été précurseurs dès 2013 avec Microsoft et dont la crise sanitaire a décuplé l’importance, le digital est un must have, qui est fortement porté par les capacités du cloud.

Du côté des applications, nous gagnons avec le cloud du temps à la fois sur le build et le run, et nous limitons le nombre de technologies à suivre et à contrôler en interne. Dans nos développements propres, nous faisons de la conteneurisation et du refactoring, avec une vision globale. Nous avons également mené d’importantes migrations vers les cloud IBM et Microsoft, par exemple pour notre site Bred.fr
Notre stratégie cloud s’appuie aussi sur l’automatisation offerte pour des tâches qui n’ont pas de valeur ajoutée. Nous avons pu optimiser énormément de processus. Tout en nous gardant la possibilité de choisir nous-mêmes ce que l’on peut mettre on premise ou dans le cloud.

[bctt tweet= »« Nous surveillons beaucoup les initiatives qui promettent de mieux adapter le cloud à nos enjeux de confidentialité et de sécurité. » » username= »Alliancy_lemag »]

Concernant votre question sur l’innovation et les contraintes de notre secteur, je dirais donc que le nerf de la guerre est vraiment au niveau de la donnée et de la capacité à faire des choix. La data est notre richesse. À nous d’être intelligents sur ce que l’on peut apporter à l’extérieur de notre SI et comment. Nous avons des cas d’usage très spécifiques, s’appuyant par exemple sur IBM Watson qui sont dans le cloud, et qui ne remettent pas du tout en question notre attention sur la sécurité.

Votre stratégie impacte-t-elle aussi les agences en tant que telles ?

Sur le réseau informatique des agences, qui a été conçu il y a une vingtaine d’années, tout passait par notre data center avec des flux applicatifs traditionnels. Nous faisons massivement évoluer cette vision, en revoyant le maillage réseau pour avoir des sorties directement sur internet et pour séparer les flux voix – image (utilisé pour collaborer par exemple) et les flux transactionnels de la banque. Ce travail sur le réseau est clé pour gagner en efficacité et permettre de tenir la promesse de « banque dans le salon », c’est-à-dire la possibilité d’accéder de façon très fluide à la banque, à distance mais « sans distance », aussi bien pour nos clients que pour nos collaborateurs.

Quelles sont vos attentes concernant le marché du cloud pour les mois à venir ?

Nous surveillons beaucoup les initiatives qui promettent de mieux adapter le cloud à nos enjeux de confidentialité et de sécurité. Nous avons été intéressés par GaiaX au niveau européen, ou à une autre échelle, par ce qu’un acteur comme IBM construit avec BNP Paribas. Nous suivons ces efforts de près, mais il faut attendre des résultats concrets. Nous ne voulons pas juste des effets d’annonce sur une promesse initiale. Par exemple pour GaiaX, le positionnement ressemble de plus en plus à une sorte de label, qui encourage une mise en commun de services sur certains verticaux. Je peux comprendre l’intérêt pour des entreprises qui partent quasiment de rien en termes d’IT, mais pour nous qui composons avec un legacy important, où sera vraiment l’intérêt ? Nous voulons des preuves. Avec notre stratégie cloud, nous nous projetons sur beaucoup d’usages, mais nous ne cédons pas pour autant aux sirènes des promesses faciles.

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