[Edito] Budget 2025 : un numéro d’équilibriste face aux inquiétudes de la Tech

« Nous serons au rendez-vous de votre protection, de la protection des données, du financement de la croissance…» Le ministre de l’Économie et des Finances, Antoine Armand, était en opération séduction auprès des entrepreneurs, jeudi 10 octobre lors du grand « show » qu’est le BIG, organisé par la banque d’investissement publique Bpifrance. 

Mission compliquée alors que le même jour, toutes les attentions étaient tournées vers l’annonce par le gouvernement du Premier ministre Michel Barnier des contours de sa proposition de budget 2025. Un budget sévère, présenté avec dix jours de retard par rapport à la date usuelle. Des coupes budgétaires sont annoncées presque partout, et le gouvernement cherche aussi à générer de nouvelles recettes, quitte à remettre en question le soutien de premier plan apporté aux entreprises depuis 2017 sous les mandats d’Emmanuel Macron, et en particulier celui à la Tech et à la « start-up nation ». Pour Antoine Armand, la réussite de « l’accompagnement des entreprises doit absolument continuer », mais les professionnels craignent le pire. 

Cité dans la Matinale de BFM Business devant Clara Chappaz, secrétaire d’État à l’IA et au Numérique, l’entrepreneur et investisseur Marc Menasé (Nextedia, Meninvest, Epicery…) s’en émeut : « On n’est pas loin du cataclysme pour les entrepreneurs et en particulier pour les entrepreneurs de la Tech. » Le trouble est effectivement fort, alors que la proposition de budget inclut la suppression du Crédit d’Impôt Innovation, pour soutenir les prototypes, ou encore du volet social du dispositif Jeune Entreprise Innovante (JEI). Qu’est-ce qui pourra être sauvé ?

Clara Chappaz se voit donc obligée de marcher sur une fine ligne de crête, bien représentative des tensions dans l’alliance gouvernementale, entre les remises en question voulues par Les Républicains et la défense des réalisations du quinquennat par le camp présidentiel. D’un côté, la secrétaire d’État rappelle ainsi à nos confrères du Figaro que « tout le monde est conscient de la situation des finances publiques et de l’esprit de responsabilité qu’elle impose » face à l’objectif impérieux de « ramener le déficit à 5 % pour éviter le dérapage du coût de la dette ». De l’autre, l’ex-directrice de la mission French Tech ne peut qu’appeler, dans La Tribune ou sur BFM, les députés à trouver des solutions pour compenser les pertes. L’écosystème des start-up de la Tech qui lui fait confiance pourrait en effet contribuer à hauteur de 1 milliard au « coup de rabot » souhaité par le gouvernement. Près de la moitié des start-up recourent par exemple aux exonérations de charges permises par le dispositif JEI d’après France Digitale. 

Il faut être solidaire, explique en substance Clara Chappaz, en appelant à un principe de responsabilité de la part des entrepreneurs face à la situation française. Mais derrière, c’est la crainte de couper l’herbe sous le pied de l’innovation et donc de compromettre l’avenir qui guette. Et ce, alors que les jeunes entreprises innovantes françaises n’ont pas accès à autant de capacités de financement que leurs homologues aux États-Unis notamment. « Le Crédit d’Impôt Recherche reste inchangé dans cette proposition », martèle la secrétaire d’État. De même, le programme France 2030 et ses 54 milliards d’euros « sanctuarisés » sont mis en avant pour rassurer. Mais le jeu d’équilibriste n’est pas très agréable à regarder : proposer des coupes comme celles du CII et JEI, tout en appelant de ses vœux que celles-ci soient retoquées par l’Assemblée. Une étrange application du principe de responsabilité.