En charge des grands comptes chez Microsoft, Cathy Mauzaize confirme la volonté du géant de Redmond d’être au plus près des besoins de ses clients, en les aidant à se transformer et imaginer de nouveaux business model, en poussant des solutions métier.
Alliancy. En mai dernier, vous avez lancé avec Schneider Electric l’« AI for Green Energy Incubation Lab » à Station F. Où en est ce projet commun aujourd’hui ?
Cathy Mauzaize. Non seulement tout va bien, mais nous continuons à développer d’autres projets avec Schneider Electric au niveau mondial. C’est un de nos clients et partenaires importants à la fois pour leur propre business, mais aussi pour tout ce qui concerne le bâtiment intelligent, l’efficacité énergétique… Aujourd’hui, on commence à revendre leurs solutions destinées aux entreprises. Le groupe est un fournisseur de services, voire de logiciels, le tout adossé à la donnée, le tout sur des plateformes Cloud Azure notamment…
Justement, comment réagissez-vous face à cette évolution d’un certain nombre de groupes industriels vers de plus en plus d’activité « software » ?
Cathy Mauzaize. De différentes manières ! Ce peut être de la co-innovation, du co-développement, mais en aucun cas, ce sont des concurrents.
Auriez-vous un exemple de collaboration à citer ?
Cathy Mauzaize. Par exemple, nous travaillons avec Renault sur le véhicule connecté. Demain, le groupe ne vendra plus seulement des voitures, mais aussi des services associés au véhicule. Ce seront des services de personnalisation de l’expérience client, de suivi de votre façon de conduire, etc. Nos ingénieurs et les leurs développent ensemble la plateforme cloud de demain qui portera cet ensemble de services… En revanche, sur la partie données et intelligence artificielle que ces services induisent, ces entreprises industrielles vont clairement devenir des acteurs du software as a service.
En terme de recrutement, vu qu’ils recherchent les mêmes profils que les acteurs de l’IT comme vous, est-ce un problème ?
Cathy Mauzaize. Quand on en parle avec eux, le besoin de compétences ou la pénurie des talents est clairement un point critique pour tous. D’ailleurs, dans le cadre de notre plan IA [30 millions investis, NDLR], nous avons lancé l’Ecole IA Microsoft en partenariat avec Simplon en mars dernier, qui s’adresse aux personnes éloignées de l’emploi ayant des connaissances en langage algorithmique. Nous leur proposons, durant 7 mois [+ 12 mois en contrat de professionnalisation en alternance, NDLR], de bénéficier gratuitement d’une spécialisation en IA pour devenir des « développeurs Data IA. Suite au succès de la 1ère promotion, nous avons renouvelé notre partenariat et prévoyons l’ouverture de 11 nouvelles écoles courant 2019, notamment avec des partenaires comme Accenture, Capgemini, Econocom, Devoteam, DXC Technology, Groupe Magellan, Orange, Talan ou encore Umanis ; la dernière étant sponsorisée par la région Occitanie *.
Aujourd’hui, avez-vous ce type d’approche avec tous vos clients ?
Cathy Mauzaize. Cette réflexion autour de l’évolution des business models, nous l’avons avec tous nos clients, y compris les plus traditionnels. Elle porte sur les grands piliers de la transformation digitale que sont les collaborateurs, l’expérience client, la réinvention des processus internes et le développement de nouveaux produits et services qui généreront demain de nouvelles sources de revenus… Par exemple, chez Publicis avec qui nous avons signé un partenariat, la plateforme Marcel permet notamment de recenser et d’identifier au niveau mondial les meilleurs talents parmi leurs 80 000 collaborateurs capable d’apporter les meilleurs réponses et solutions aux clients, et ce grâce à l’intelligence artificielle. Idem chez Rolls Royce autour de la maintenance prédictive…
Vous me citez deux cas très différents, soit le groupe est sur la révision de ses processus internes, soit il est sur la création de nouveaux business… Chez vos clients, que voyez-vous le plus souvent ?
Cathy Mauzaize. Les deux. J’ai cité précédemment les quatre piliers de toute transformation et tous sont interconnectés. C’est-à-dire que l’on va travailler sur les processus internes, en parallèle de créer de nouvelles offres ou solutions. Mais, pour y parvenir, vous devez avoir des collaborateurs créatifs, capables de travailler en équipes comme d’anticiper les besoins futurs de vos clients… Et si, bien souvent, l’humain reste majeur, aucun de ces piliers n’avance l’un sans l’autre.
Sur la partie « collaborateur », le Digital Workplace avance-t-il comme vous le souhaitez en France ?
Cathy Mauzaize. L’outil fonctionne, mais il faut accompagner les clients sur de nouveaux usages. Le travail collaboratif et ces outils impliquent de fonctionner totalement différemment. Du coup, on fait beaucoup d’acculturation, car la résistance au changement est humaine… Cela prend du temps. Certaines entreprises vont vite, parfois ce sont des entités au sein d’une entreprise qui vont plus vite… Depuis deux ans, on dispose d’une équipe interne d’environ une centaine de personnes dont le seul rôle est de piloter les cas d’usage, l’adoption… On part de l’expérience client et la façon dont on mène le changement. On le fait avec des partenaires et cela progresse très rapidement. A tous les niveaux de la transformation d’ailleurs.
Vous avez beaucoup cité l’industrie précédemment. Est-ce un secteur qui bougerait plus que les autres en ce moment ?
Cathy Mauzaize. L’industrie mène sa transformation au même titre que les autres secteurs. Tout le monde accélère en ce moment, c’est ce que nous voyons aussi bien dans la finance que la construction… Regardez ce que nous faisons au sein du Tunnel Lab de Bouygues Construction, où nous avons rendu disponibles toutes les données historiques des tunneliers sur une seule plateforme Big Data. On voit aussi de nouveau bouger le retail autour de l’expérience client… [Microsoft a signé un partenariat sur l’invention du retail de demain avec la foncière Klepierre, NDLR]
Qu’est-ce qui pousse à ce phénomène ?
Cathy Mauzaize. L’explosion des données et leur analyse auxquelles doivent faire face toutes les entreprises. C’est pour cela qu’ils font appel à nous… On leur fournit la plateforme cloud, l’IA… pour devenir plus efficace demain. Tous sont conscients aujourd’hui de l’importance de l’IA, mais ils doivent encore s’acculturer sur les exemples. Ils savent tous que la donnée va devenir la valeur que l’on monétise. Reste à savoir ce que l’on en fait.
« Nous comptons déjà 16 start-up dans notre incubateur « Microsoft AI Factory », hébergé à Station F. L’arrivée d’une dizaine de jeunes pousses supplémentaires sera annoncée en janvier. »
Vous n’avez pas parlé du secteur de la santé. Est-ce un secteur qui bouge également ?
Cathy Mauzaize. Je n’en ai pas parlé car je ne m’occupe pas du secteur public, mais c’est l’un des cinq secteurs prioritaires de notre plan de développement autour de l’IA. Les cas d’usages dans ce domaine sont incroyables… En décembre dernier par exemple, les lunettes Hololens ont permis aux équipes médicales de l’hôpital Avicenne à Bobigny, en région parisienne, de superposer virtuellement un modèle numérique en 3D de la patiente sur elle-même… C’était une première mondiale ! Mais on pourrait beaucoup plus s’étendre sur la question, de même sur tout ce qui concerne la ville de demain, les transports, des sujets sur lesquels nous sommes aussi présents.
Vu cette effervescence, quelles sont vos priorités 2019 ?
Cathy Mauzaize. Développer un maximum de plateformes cloud avec une grande diversité d’acteurs, le tout avec des scénarios d’intelligence artificielle en respectant toutes les règles d’éthique et de confiance que l’on défend. Nos clients doivent gagner la compétition mondiale, et c’est à cette condition que l’emploi se développera en France.
Ont-ils encore des réticences vis-à-vis du Cloud ?
Cathy Mauzaize. Sur le cloud public, on en voit encore… Mais le modèle qui se dessine est le cloud hydride (public/privé) qui permet de sécuriser les données comme le client le souhaite. Mais tous cherchent de la puissance de calcul dans le cloud et veulent un partenaire de confiance, y compris en termes de sécurité. Et, dans ce domaine, nous avons les mêmes obligations/exigences pour nous que pour nos clients entreprises.
Depuis fin 2017, vous accompagnez sur Station F, des start-up mâtures** ayant des projets liés à l’intelligence artificielle et au machine learning pour construire une communauté française dans ce domaine (Microsoft AI Factory). Où en êtes-vous ?
Cathy Mauzaize. Nous avons aujourd’hui 16 start-up dans cet incubateur [hébergées pour un an], et une dizaine de jeunes pousses supplémentaires arriveront en janvier. Au total, en France, nous comptons 3 500 start-up dans notre écosystème, au sein de nos 13 accélérateurs, à qui nous offrons un accès à nos technologies, mais surtout à qui nous ouvrons les portes de notre important réseau de 10 500 partenaires, auxquels s’ajoutent de nombreux clients, pour le mettre au service de leur développement.
* Les chiffres du plan « compétences IA » : Ecole IA + réseau d’école IA partenaires (240 personnes formées par an) ; création d’une plateforme de formation pour les professionnels avec Adecco Group (formation de 7 000 personnes, dont 4 300 seront certifiées d’ici à 2020) et sensibilisation d’un million de jeunes sur trois ans à travers une nouvelle mission de Service Civique axée sur le numérique, portée par l’association Unis-Cité avec le soutien de Microsoft.
** dont Recast.AI, AB Tasty, DCbrain, Scortex, Craft AI, Case Law Analytics, Hugging Face, Brennus Analytics, Angus.AI, Deepomatic, TellMePlus, Heuritech, Iconem, JetPackData, Prevision.io, Yatedo, Zelros…